Loi sur le renseignement: débats pas si consensuels à l'Assemblée

  • Le Premier ministre Manuel Valls après son discours sur le renseignement le 13 avril 2015 à l'Assemblée nationale à Paris
    Le Premier ministre Manuel Valls après son discours sur le renseignement le 13 avril 2015 à l'Assemblée nationale à Paris AFP - François Guillot
  • Le député UMP Pierre Lellouche le 8 avril 2015 à l'Assemblée nationale à Paris
    Le député UMP Pierre Lellouche le 8 avril 2015 à l'Assemblée nationale à Paris AFP/Archives - Loic Venance
  • Croquis expliquant les  différentes techniques de surveillance dans le cadre du projet de loi sur le renseignement
    Croquis expliquant les différentes techniques de surveillance dans le cadre du projet de loi sur le renseignement AFP - I. de Véricourt/A.Bommenel, abm/dmk
  • Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, le député Jean-Jacques Urvoas et le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve le 31 mars 2015 à l'Assemblée nationale à Paris
    Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, le député Jean-Jacques Urvoas et le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve le 31 mars 2015 à l'Assemblée nationale à Paris AFP - Jacques Demarthon
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Centre Presse Aveyron

L'Assemblée a commencé lundi soir à débattre des missions des services de renseignement, d'une manière un peu moins consensuelle que prévu, plusieurs députés relayant les critiques sur le projet de loi exprimées hors de l'hémicycle et qualifiées de "fantasmes" par Manuel Valls.

Le Premier ministre était venu dans l'après-midi lui-même défendre le renforcement des pouvoirs des services de renseignement à l'heure de "la société numérique qui a changé la donne" de la lutte contre le terrorisme.

"Lorsque les échanges sont dissimulés, il faut pouvoir contourner l'obstacle, soit par le recours à certaines techniques d'intrusion informatique, soit par le recours à la sonorisation de lieux privés, soit par la géolocalisation en temps réel des personnes", a-t-il justifié. Le texte "n'installe en aucune manière un appareil de surveillance policière de la population", a-t-il assuré en dénonçant les "fantasmes" de ceux qui ces derniers jours ont dénoncé dans la presse le début d'une "surveillance de masse".

L'adoption du texte, qui sera débattu jusque jeudi et voté le 5 mai, ne fait certes aucun doute. "La guerre contre le terrorisme nécessite de dépasser les clivages politiques... C’est la raison pour laquelle nous prendrons nos responsabilités en soutenant, de façon très majoritaire, ce projet de loi", a annoncé l'UMP Eric Ciotti au nom de son groupe en réponse au Premier ministre.

Mais dans la soirée plusieurs élus UMP, comme Patrick Hetzel, Patrick Devedjian, Claude Goasguen, Lionel Tardy ou Pierre Lellouche ont tenu un discours assez différent, n'hésitant pas à évoquer un texte potentiellement "liberticide" s'il est "mal utilisé". La FN Marion Maréchal-Le Pen ne peut elle "expliquer aux Français que leur sécurité se fera au prix de leur liberté".

Le projet de loi, qui fait partie de la réponse législative aux attentats de Paris mais avait été décidé dès juillet 2014, veut donner un cadre légal aux services du renseignement en France qui opéraient jusqu'ici dans une "zone grise" selon le rapporteur Jean-Jacques Urvoas (PS).

Il définit les missions des services (intérieur, extérieur, militaire, douanier...) qui vont bien au-delà de "la prévention du terrorisme". Plusieurs membres de l'aile gauche du PS comme Pascal Cherki ou écologistes comme Sergio Coronado se sont ainsi inquiétés du "flou" d'une mission comme "la défense et la promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France" alors que pour M. Urvoas au contraire "nos services doivent lutter contre la prédation économique".

Autre finalité longuement contestée, "la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des violences collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale". Pour l'ancien ministre de la Défense UDI Hervé Morin, "le champ d'application est beaucoup trop large, il couvre la totalité de la vie de la collectivité nationale". "Ce ne sont pas des dispositions nouvelles", a répondu le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.

- le contrôle au coeur des débats -

Les députés poursuivront mardi après-midi le débat sur les missions avant de passer aux techniques de renseignement (écoutes, pose de caméras ou de logiciel-espion, accès aux données de connexion, etc.) pour surveiller la personne visée (voire son entourage) et à leur régime d'autorisation (finalité, durée, conservation et destruction des données...) sous le contrôle d'une nouvelle autorité administrative indépendante.

Un point focalise les craintes des ONG et des acteurs du numérique: la mise en place, sur les réseaux des opérateurs, d'outils d'analyse automatique (un algorithme) pour détecter par une "succession suspecte de données de connexion" une "menace terroriste". Plusieurs hébergeurs de données informatiques ont menacé de délocaliser leurs serveurs pour protester contre ce qui s'apparente à "une forme de surveillance de masse".

"La surveillance sera ciblée strictement sur les comportements menaçants", a répondu M. Valls en annonçant des amendements pour contrôler ces algorithmes et plus généralement pour protéger des techniques de renseignement certaines professions (magistrats, parlementaires, journalistes, avocats).

M. Urvoas insiste de son côté sur les "garanties" apportées par la future Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) qui aura "beaucoup plus de pouvoirs" que la CNCIS (Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité) qu'elle remplace.

Cette commission - composée de quatre magistrats, quatre parlementaires et un spécialiste des communications électroniques - devra donner son avis préalable à chaque mise en oeuvre de ces techniques sur le territoire national, sauf cas d'urgence. Le Premier ministre pourra passer outre mais en motivant sa décision. La commission pourra accéder aux renseignements collectés, à leur traçabilité et aux locaux où ils sont centralisés. Elle pourra aussi saisir le Conseil d'Etat.

Source : AFP

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