Napoléon, dictateur ou visionnaire ? les Français divisés

  • Vue en date du 26 novembre 2014 du  tombeau de Napoléon aux Invalides à Paris
    Vue en date du 26 novembre 2014 du tombeau de Napoléon aux Invalides à Paris POOL/AFP - Charles Platiau
  • Reconstitution de la  bataille de Montmirail napoélienne le 31 mai 2015 dans le nord-est de la France
    Reconstitution de la bataille de Montmirail napoélienne le 31 mai 2015 dans le nord-est de la France AFP/Archives - Francois Nascimbeni
  • Reconstitution d'une bataille napoélienne le 31 mai 2015 à Châlon sur Saône
    Reconstitution d'une bataille napoélienne le 31 mai 2015 à Châlon sur Saône AFP/Archives - Jeff Pachoud
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Centre Presse Aveyron

Quand Jean-Marie dénonce "un conquérant, un dictateur", sa femme Claudine relève que Napoléon "a fait de belles choses, dont le Code civil". A Mika qui dénonce "la démesure d'un homme de pouvoir", son amie Claudine rétorque qu'"il a exporté les valeurs de la Révolution" française.

Sous le dôme des Invalides, à Paris, où est exposé son tombeau, les (rares) touristes français témoignent des sentiments ambivalents que l'empereur continue d'inspirer dans son pays, deux siècles après sa défaite à Waterloo.

"Pour moi, Napoléon c'est tout le bien et le mal à la fois", explique Alaume Houdry, étudiant en histoire qui fait visiter le mausolée à un ami palestinien.

"Napoléon a mené des réformes très importantes, il a redonné de la grandeur à la France. Mais il y a quand même eu beaucoup de vies sacrifiées pour ses désirs de grandeur", souligne-t-il.

En France, "il y a à la fois de la fascination et de la répulsion pour Napoléon", résume David Chanteranne, rédacteur en chef de la Revue du Souvenir napoléonien et du magazine Napoléon 1er.

Comme en Russie, en Chine, en Pologne ou même chez "l'ennemi" britannique, "il y a un grand intérêt populaire pour la geste napoléonienne: le personnage, sa silhouette, son caractère de self-made-man", souligne l'historien.

Les figurants se pressent aux reconstitutions des batailles napoléoniennes, ses fans collectionnent manuscrits, chemises et jusqu'à des pots de chambre à son effigie.

- Un bicorne pour le roi du poulet -

Son destin hors du commun, sa mort en exil à Sainte-Hélène, ses femmes (Joséphine la répudiée, la maîtresse Marie Walewska...), ont nourri sa "légende".

"Depuis sa mort, un livre ou un article lui est consacré chaque jour", relève l'historien Jean Tulard, qui a tenu la chaire napoléonienne à l'Université de la Sorbonne de 1967 à 2002. Au cinéma, l'"Aigle" apparaît dans plus de 1.000 films. Quatre expositions lui sont actuellement consacrées en France.

La répulsion se nourrit d'un héritage plus lourd: "le rétablissement de l'esclavage en 1802, les 600 à 700.000 morts dans les batailles napoléoniennes et sa volonté expansionniste", souligne David Chanteranne.

Pour ces raisons peut-être, Paris compte nombre d'artères célébrant les victoires de l'empereur, mais aucune avenue, place ou boulevard Napoléon, seulement une modeste rue Bonaparte.

Pour David Chanteranne, la Seconde guerre mondiale constitue une "rupture". Avant, on saluait souvent "un destin hors du commun tel que la République voulait le faire, élever les masses". Mais après la guerre, "on a commencé à le considérer à tort comme le précurseur des grandes dictatures du XXe siècle, en le comparant à Hitler ou Staline."

C'est moins vrai hors d'Europe, souligne-t-il, où son ascension continue d'inspirer. Le roi du poulet sud-coréen a déboursé en décembre 1,8 million d'euros pour un bicorne de Napoléon.

- Des heures d'anecdotes -

"Napoléon n'a jamais fait l'unanimité en France", tempère Jean Tulard, rappelant que la légende de Napoléon a toujours suivi les clivages politiques.

A gauche, l'ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin s'est livré l'an passé à un réquisitoire implacable du pouvoir impérial dans un livre intitulé "Le Mal Napoléonien". Selon lui, "Napoléon a détourné les idées de la révolution", développé "une forme de domination extrême", du "despotisme" et "un état policier".

A l'inverse, une partie de la droite défend l'héritage "bonapartiste". Les héritiers du général de Gaulle, qui en 1958 a instauré un régime présidentiel en France, continuent de mettre en avant l'importance du contact direct entre le chef et son peuple.

C'est notamment le cas de l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin, passionné de Napoléon, qui a pendant 30 ans collectionné manuscrits et ouvrages sur l'Empire, et rédigé plusieurs ouvrages sur cet "homme d'exception".

Dans ce paysage, le sénateur écologiste Jean-Vincent Placé dénote. Ce grand passionné d'histoire refuse de se présenter comme un "fan de Napoléon", mais il est capable d'enchaîner pendant des heures les anecdotes sur "cet homme extraordinaire".

"En ce moment, je m'organise pour être sur le champ de bataille à Waterloo le 18 juin", confie-t-il à l'AFP. Pas fan, vraiment?

Source : AFP

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