«Rétablir la réalité sur la fabrication du couteau laguiole»

  • Une ou deux IG ? La question est encore loin d'être tranchée.
    Une ou deux IG ? La question est encore loin d'être tranchée. José A. Torres
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Olivier Courtil

Polémique. Aubry Verdier, président de l’association Couteau Laguiole Aubrac/ Auvergne, milite pour une Indication géographique commune à Laguiole et Thiers. À l’inverse, alors certains Laguiolais veulent la restreindre à 20 km autour de leur village. Ambiance.

Les produits manufacturés disposent enfin de la loi (Hamon) pour mettre en vigueur l’Indication géographique (IG). Le décret officialisé début juin donne de la transparence aux produits manufacturés en rassurant le consommateur. Il souhaite également préserver des savoir-faire ancestraux... Reste à s’entendre entre professionnels.

Et pour Laguiole, la situation reste tendue entre les couteliers de Thiers d'une part -sur le point de présenter à l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi), une appellation dénommé «Le couteau laguiole Aubrac Auvergne»- et certains de leurs homologues laguiolais qui souhaitent délimiter le périmètre de l'IG à Laguiole et ses environs proches. De là pourraient donc naître deux IG...

Ambiance 

Créée le 14 janvier 2015, l’association Couteau Laguiole Aubrac/Auvergne (CLAA) a pour mission d’être l’organisme de défense et de gestion qui devra déposer le dossier d’homologation pour l’indication géographique (IG)… côté thiernois.

Ses buts sont multiples énonce Aubry Verdier, coutelier à Celles-sur-Durolle (Puy-de-Dôme) et président de l’association : «Rétablir l’image de Laguiole auprès des revendeurs; rétablir également la réalité de la fabrication du couteau laguiole et permettre aux acteurs de se concentrer sur leur savoir-faire».

L’association s’est constituée auprès de couteliers de Thiers et Laguiole. Quatre entreprises aveyronnaises ont rejoint le total de quarante-quatre membres de l’association. Quatre autres n’ont, pour l’instant, pas encore pris de décision entre l’association CLAA et le projet d’IG portée par le syndicat côté laguiolais. «Dans cette association, on a des Meilleurs ouvriers de France, des sous-traitants, des fournisseurs, des fabricants… Beaucoup se rallient à cette idée d’IG commune», note Aubry Verdier. D’ici quelques semaines, l’association CLAA aura la charge de déposer le cahier des charges préparé ces derniers mois.

Et d’ajouter : «Si l’IG laguiole commune Aubrac/Auvergne voit le jour, les produits élus devraient être reconnaissables. Ils seront marqués d’un poinçon indélébile marquant l’IG; ils porteront le nom Laguiole et celui du fabricant ainsi qu’un numéro d’homologation sur l’emballage du couteau. Entre neuf et seize mois seraient nécessaires pour arriver au terme des procédures.»

Thiers pour une IG commune, Laguiole une IG restreinte

Mais deux visions s’affrontent, explique Aubry Verdier. Côté Aubrac, «une vision portée par des entreprises moins médiatiques, qui souhaitent travailler avec Thiers sur une IG commune. Et une autre, portée par quatre entreprises, qui veulent une IG restreinte sur Laguiole, dans un rayon de vingt kilomètres alentour». Dans le Puy-de-Dôme, on milite depuis des années pour une IG commune Aubrac-Auvergne.

«Laguiole et Thiers sont indissociables dans la fabrication du Laguiole», insiste Aubry Verdier, pointant «la première marque Laguiole déposée à Thiers en 1868». Même après l’arrêt de la fabrication en Aubrac, dans les années 50, «Thiers a toujours continué de fabriquer le laguiole. Nous possédons un patrimoine commun qu’est ce couteau». En 1985, lorsque le modèle a été relancé à Laguiole, «les entreprises se sont construites sur les bases de Thiers qui est à la source de cette réimplantation».

Et, aujourd’hui encore, certains laguioles «sont entièrement fabriqués à Laguiole. D’autres sont entièrement fabriqués à Thiers et, beaucoup, sont fabriqués à Laguiole avec des pièces fournies par Thiers», martèle Aubry Verdier. «Et pas un n’achète de services, de prestations, de fournitures ou de produits finis à Laguiole, mais bien à Thiers!»

Le modèle concerne à ce jour une soixantaine de fabricants et sous-traitants, une quarantaine de marques à Thiers et à Laguiole, une douzaine de fabricants. Des arguments qu’Aubry Verdier a portés jusqu’à Paris devant Carole Delga, le 26 mai, insistant sur l’importance de cette Indication géographique commune. «Si on ne se regroupe pas dans le cadre de la mondialisation pour une IG commune, on continuera à créer ce doute chez le consommateur, ce qui est néfaste aujourd’hui.» Le coutelier prévient aussi : «Une IG restreinte créerait une concurrence déloyale vis-à-vis de collègues qui sont aussi leurs fournisseurs. La loi n’est pas faite pour créer une concurrence au niveau national !» Et de conclure : «Le risque, c’est qu’il n’y ait pas d’IG du tout !»

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