Frédéric Hantz : «Je ne m’interdis rien»

  • À 49 ans, Frédéric Hantz «sait ce qu’(il) veut faire» mais ne se fixe aucune limite ni frontière.
    À 49 ans, Frédéric Hantz «sait ce qu’(il) veut faire» mais ne se fixe aucune limite ni frontière. Archives Jean-Louis Bories
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Maxime Raynaud

Entretien. De passage dans son Aveyron natal, Frédéric Hantz, sans club depuis la fin de son aventure bastiaise, nous a accordé une longue interview. Souriant et sans langue de bois, il parle avenir, Bielsa, Bastia et Allemagne.

De passage dans son Aveyron natal, Frédéric Hantz, sans club depuis la fin de son aventure bastiaise, nous a accordé une longue interview. Souriant et sans langue de bois, il parle avenir, Bielsa, Bastia et Allemagne.

Depuis un an et la fin de l’aventure avec Bastia, vous n’avez plus entraîné. Où en êtes-vous ?

Après Bastia, j’avais décidé de couper, sauf proposition exceptionnelle qui n’est pas arrivée. Mais, après quatre années fantastiques, j’avais plutôt la volonté de récupérer puis de préparer l’avenir. J’ai bien profité de cette coupure pendant un an, j’ai beaucoup joué au golf (sourire). Maintenant, j’espérais franchement repartir. Sauf qu’il y a eu très peu de mouvements sur le marché des entraîneurs, surtout en France. Je reste à quai, comme beaucoup. Il faut s’adapter.

On vous a pourtant prêté des contacts en Belgique, en France...

Oui et justement, je voudrais rétablir une vérité au sujet du Toulouse FC, où on m’a annoncé. Ça m’a beaucoup gêné par rapport à Alain Casanova (alors en poste, remplacé ensuite par Dominique Arribagé, NDLR) car il n’y a jamais eu la moindre démarche de ma part, ni de prise de contact de la part du club. Certains journalistes ne mesurent pas l’impact de leurs écrits. Ça m’a profondément blessé car c’était à un moment où Alain était en difficulté. Moi, je ne fonctionne pas comme ça.

Ces bruits prouvent que vous conservez une certaine cote...

Je n’ai pas besoin qu’on parle de moi aujourd’hui. La qualité essentielle dans le haut niveau, c’est la confiance. Je n’ai pas besoin qu’on m’annonce à droite ou à gauche pour être valorisé. J’ai confiance en ce que j’ai fait, en ce que je veux faire.

Votre départ en Chine a aussi été évoqué...

Ah, je n’avais pas vu ça ! Mon ambition après être parti de Bastia, c’était de voyager en Europe et surtout en Angleterre. Mais je suis allé aussi en Allemagne, en Espagne, en Italie, voir des matches, sentir des ambiances, en payant ma place. Je vais encore ouvrir mon champ de vision, et aller en Chine en juillet, puis aux États-Unis en août.

À 49 ans, avec mon expérience, compte tenu de ma vie familiale, mes enfants sont grands, je ne m’interdis rien. Il y a des endroits à découvrir. Si j’arrive à trouver un club où je peux apporter, et que financièrement, c’est à la hauteur, je ne m’interdirai rien. Peut-être en octobre, en décembre. Je suis ouvert. Même une Ligue 2 étrangère. Je veux découvrir autre chose. Du très haut niveau en France ou quelque chose à l’étranger.

Vous n’avez jamais envisagé de prendre la tête d’une sélection ?

Non. J’ai eu des contacts avec des sélections africaines. Mais à l’heure actuelle, la vie d’une sélection ne m’intéresse pas. Je suis trop jeune pour ça (rires). Plus sérieusement, je veux vivre un projet club au quotidien, avec des matches tous les week-ends. Une sélection peut être intéressante pour préparer de belles échéances. Mais la prochaine Coupe d’Afrique des Nations est en 2017... Une sélection, c’est une orientation de carrière. Ce n’est pas la mienne maintenant.

Mais cela peut servir à se relancer, on l’a vu avec Hervé Renard. N’y avez-vous pas pensé ?

Hervé Renard est un opportuniste, il saisit toutes les occasions et quand il est quelque part, il pense déjà à l’endroit où il va aller ensuite. Je n’ai envie ni d’une sélection, ni d’une Ligue 2. Peut-être ai-je tort. Chacun ses objectifs et ses moyens d’y arriver. J’ai toujours eu la même ligne directrice. Il y a des moments difficiles car je ne suis pas à l’affût de tout, je n’alimente pas les réseaux. Mais j’ai une grande confiance en moi, je sais ce que je veux faire. Je suis en accord avec moi-même.

Les techniciens espagnols ou portugais sont très demandés. Comment le vivez-vous ?

J’ai d’ailleurs vu qu’un Portugais que je ne connais pas, (Rui) Almeida, vient de signer au Red Star. Il a dit que les Portugais gagnaient. Je vais suivre attentivement les résultats du Red Star. Il a un beau challenge. Mais il faut arrêter avec ce fantasme des coaches portugais. Il y a l’effet Mourinho bien sûr, mais il y a surtout un lobbying qui est fait par les agents portugais, qui sont très influents.

Ça a l’air de vous irriter.

Non, c’est un constat. Aujourd’hui pour les Français, ça devient très difficile. Je n’ai pourtant pas le sentiment que les entraîneurs portugais sont meilleurs que les Français. C’est une mode.

Vous avez sillonné l’Europe. Comment situez-vous la Ligue 1 ?

On n’a pas à être complexé par les championnats latins. J’ai vu des matches de bas de tableau de Liga en Espagne qui ne sont pas meilleurs que ceux en France. On parle de l’Espagne pour ses quatre clubs exceptionnelsmais le championnat n’est pas meilleur que la Ligue 1. Et l’Italie, c’est pire encore avec des rencontres où il n’y a personne... En revanche, notre retard sur l’Angleterre ou l’Allemagne, on ne le rattrapera jamais. À côté, tu as l’impression que la France est la Roumanie des années 1980. Ce n’est pas lié aux gens du foot. Ce sont des problèmes politiques, fiscaux. L’état du foot français est à la hauteur de ce qu’est la France. On n’avance pas.

N’y a-t-il pas tout de même un problème de mentalité ? On l’a vu avec Marcelo Bielsa qui a amené autre chose...

Bielsa a apporté quelque chose de nouveau dans son fonctionnement, (Leonardo) Jardim aussi à Monaco, mais totalement différent. Jardim est à la main de son directeur sportif et il ferme sa gueule. Bielsa est totalement autonome et il l’ouvre. Mais des Français ont les mêmes comportements. Je constate simplement que Bielsa fait 4e avec l’OM, a été éliminé rapidement des deux coupes, et qu’Élie Baup avait fait mieux avant.

Mais le champion de France est français, avec Laurent Blanc. Il faut faire attention aux raccourcis. Bielsa a apporté mais sur le plan des résultats... C’est beaucoup de vent. Bien sûr, il a des compétences, des convictions et c’est une bête médiatique. Sur ce point, c’est intéressant. Ensuite, on en revient aux résultats. Mais le cirque médiatique va continuer. Les médias ne sont pas dans l’analyse mais dans l’image, le survêt et la glacière...

Vous parlez de l’image. Cet aspect prend-il trop de place ?

On est victime de ça. Mais le plus important, c’est le fond en tant qu’entraîneur, ton implication dans le club, ton management. Les résultats naissent de cela. Plus je vieillis, moins j’ai envie de communiquer. La grande difficulté, c’est que tout va très vite. On doit être vigilant. Du coup, on perd en spontanéité.

Le terrain vous manque-t-il ?

Non, plus maintenant. Aujourd’hui, le manque est plutôt lié à un projet. Pour moi, mon métier, c’est d’abord celui d’un manager. Je prends toujours du plaisir à diriger une séance, à préparer un match mais j’aspire d’abord à un projet. À Bastia, je suis arrivé alors que le club était au bord du dépôt de bilan. On est monté en Ligue 2 avec le 5e budget de National, puis monté en L1 avec le 12e budget et on s’est maintenu ensuite aux 10e et 12e places dans l’élite avec le 20e budget. Les titres ne suffisent pas à juger un entraîneur. Son rôle, c’est d’abord d’optimiser les moyens.

Quel regard portez-vous sur Bastia sans vous ?

Il y a une part de regrets car je souhaitais rester mais les dirigeants ne m’ont pas proposé de prolongation. Ils voulaient changer. Ils ont pris Makelele, on a vu comment ça s’est passé. C’est le foot d’aujourd’hui, il faut changer pour changer.

Pour revenir à votre tour d’Europe, avez-vous noté une évolution du foot ?

Chaque pays a toujours son identité. En fait, entre le foot total de Cruyff et celui de possession de Guardiola, on n’a rien inventé. On adapte, c’est tout. Les nouveautés sont managériales, psychologiques. De ce point de vue, le travail de Laurent Blanc est remarquable. En termes de jeu, le foot allemand possède tout ce qu’il faut. Le problème, c’est la barrière de la langue (sourire). J’ai essayé mais j’ai vite arrêté ! En revanche, j’ai beaucoup amélioré mon anglais. 

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