Vin: la tonnellerie française, berceau des grands crus

  • Un artisan travaille sur une barrique chez le tonnelier Radoux à Jonzac, en Charente-Maritime, le 18 mai 2015
    Un artisan travaille sur une barrique chez le tonnelier Radoux à Jonzac, en Charente-Maritime, le 18 mai 2015 AFP - XAVIER LEOTY
  • Des merrains sèchent à l'air libre à Jonzac, en Charente-Maritime, le 18 mai 2015
    Des merrains sèchent à l'air libre à Jonzac, en Charente-Maritime, le 18 mai 2015 AFP - XAVIER LEOTY
  • Un tonnelier de l'entreprise Radoux chauffe les douelles d'une barrique au-dessus d'un brasero, le 18 mai 2015 à Jonzac, en Charente-Maritime
    Un tonnelier de l'entreprise Radoux chauffe les douelles d'une barrique au-dessus d'un brasero, le 18 mai 2015 à Jonzac, en Charente-Maritime AFP - XAVIER LEOTY
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Centre Presse Aveyron

Nés de chênes plantés sous les rois de France, conçus par des oenologues et assemblés par des artisans, les tonneaux français, où vieillissent les plus grands crus, se vendent comme des petits pains à l'étranger.

Ces barriques, comme les appellent les professionnels, sont le berceau haut de gamme des vins les plus réputés: seuls 2 à 4% des vins dans le monde sont élevés de cette façon, les autres passant par des cuves en inox ou en béton.

Certes, les ventes ont un peu reculé en 2014 après vingt ans de forte croissance. "Le marché de la barrique est arrivé à maturité", estime Jean-Luc Sylvain, président de la Fédération des tonneliers.

Mais l'exportation représente toujours près de 70% du chiffre d'affaires des 51 entreprises du secteur, selon le bilan publié cette semaine par leur fédération.

Un élément qui a permis "d'amortir l'impact" des mauvaises vendanges en France ces dernières années, explique Pierre-Guillaume Chiberry, directeur commercial de la tonnellerie Radoux, qui détient 20 à 30% du marché mondial.

Pour atteindre une qualité haut de gamme, "la clé du métier, c'est la sélection du bois en amont", explique François Morinière, directeur général d'Oeneo, qui fabrique tonneaux et bouchons.

- Tonneaux issus de "l'Histoire de France" -

En vedette: le chêne français, au "grain" fin qui apportera au vin des arômes de vanille, d'épices ou de pain grillé. Les tonnelleries emploient à plein temps des acheteurs d'arbres, qui sillonnent le pays à la recherche de cette précieuse matière première, au gré des ventes de l'Office national des forêts (ONF).

"On travaille sur l'Histoire de France", sourit Gaël Morrissonneau, acheteur pour Radoux.

Pour faire des tonneaux, rien de mieux que le chêne sessile, dont Colbert, ministre des Finances de Louis XIV, lança au XVIIe siècle des plantations à grande échelle, au départ pour en faire des navires.

Dans ces hautes futaies, les arbres poussent lentement, ce qui favorise la finesse du grain et la qualité du bois. Aujourd'hui bicentenaires, les descendants de Colbert peuplent les prestigieuses forêts domaniales de Bercé, Loches ou Tronçais. Un seul chêne peut coûter jusqu'à 2.500 euros. Un prix que seul la tonnellerie, unique secteur excédentaire de la filière bois, peut se permettre de débourser.

D'où beaucoup de concurrence et "une certaine pression" lors des ventes aux enchères de l'ONF, pour ne pas laisser s'échapper les plus belles pièces, explique Gaël Morrissonneau.

Le système de ventes est "inflationniste", estime l'acheteur, car les enchères se font à l'aveugle, ce qui incite les acheteurs à proposer des prix élevés.

L'augmentation du prix du chêne constitue un défi pour la profession. "L'ONF essaie d'équilibrer son budget en vendant plus cher les bois", regrette Jean-Luc Sylvain.

Une fois achetées, les grumes sont envoyées dans une merranderie pour être sciées en planches, les merrains. Dans celle de Radoux à Mézières-en-Brenne (Indre), les machines sont faites sur mesure, pour tirer le meilleur parti de l'arbre. Seuls 20% de la grume deviendra barrique. Le reste du tronc est revendu pour la papeterie, ou en "bois pour l'oenologie", des copeaux que l'on ajoute dans les cuves pour donner un arôme boisé au vin.

Dans un environnement très contrôlé pour éviter toute pollution par le sol, les merrains sèchent à l'air libre pendant deux ou trois ans. Les tanins les plus grossiers s'évaporent. Les arômes mûrissent.

Une fois dans la tonnellerie, ils sont redécoupés en douelles, des planches plus fines et incurvées, qui constitueront les parois du tonneau.

- "Accompagner le vin" -

Vient l'épreuve cruciale du tri, en fonction du grain. Traditionnellement, la sélection était faite à l'oeil nu, en observant les cernes de croissance du bois. Mais pour fournir à leurs clients des fûts sur mesure en fonction du vin qu'ils souhaitent obtenir, les tonneliers ont beaucoup investi dans la recherche.

Chez Radoux, les douelles passent dans un spectrographe à infrarouge, qui "renseigne sur le type de liaisons chimiques dans la matière", permettant un classement plus fin, explique Nicolas Mourey, responsable R&D. Des douelles venant d'arbres différents pourront ensuite être assemblées au sein d'une même barrique.

Chez Seguin-Moreau (groupe Oeneo), la composition chimique de chaque merrain est analysée via un modèle mathématique pour en prédire le "potentiel œnologique".

Puis les douelles sont chauffées sur un brasero et lentement resserrées en forme de tonneau. Une phase qui "révèle les arômes, le sucre, la vanille ou le chocolat", un moment "magique", savoure M. Chiberry.

Même si la technique d'assemblage reste presque la même qu'au temps des Gaulois qui l'ont inventée, les tonneliers suivent de très près l'actualité du marché du vin.

Alors que dans les années 1980, le goût boisé était très prisé sous l'influence du critique américain Robert Parker, "les clients nous demandent aujourd'hui des barriques qui respectent plus le fruit. On travaille dans ce sens (...) pour accompagner le vin sans être trop présent", explique Jean-Luc Sylvain.

Source : AFP

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