La Serbie dénonce la "tentative d'assassinat" de son Premier ministre à Srebrenica

  • Le Premier ministre serbe Alexandar Vucic entouré de ses gardes du corps quitte en courant le mémorial Potoocari le 11 juillet 2015 à Srebrenica
    Le Premier ministre serbe Alexandar Vucic entouré de ses gardes du corps quitte en courant le mémorial Potoocari le 11 juillet 2015 à Srebrenica AFP - ELVIS BARUKCIC
  • Une femme bosniaque au milieu des tombes le 11 juillet 2015 au mémorial de Srebrenica
    Une femme bosniaque au milieu des tombes le 11 juillet 2015 au mémorial de Srebrenica AFP - DIMITAR DILKOFF
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Centre Presse Aveyron

La Serbie a exigé samedi de la Bosnie la condamnation publique de la "tentative d'assassinat" pendant les commémorations du massacre de Srebrenica du Premier ministre serbe Aleksandar Vucic, touché à la tête par un jet de pierre, un incident qu'il a cependant lui-même relativisé.

De retour à Belgrade, M. Vucic, a ainsi expliqué que si une pierre l'avait effectivement touché, c'était à la lèvre inférieure, ajoutant que "ce n'était rien" et qu'il continuerait malgré tout à œuvrer à la réconciliation entre Serbes et Musulmans de Bosnie.

"J'exprime des regrets pour ce qui s'est passé aujourd'hui et je regrette que certains n'aient pas reconnu notre intention sincère d'établir une amitié sincère entre Serbes et Musulmans. Ma main reste tendue et je poursuivrai ma politique de réconciliation", a-t-il en effet déclaré.

Mais, parallèlement, le ministère serbe des Affaires étrangères a, dans une note de protestation adressée à Sarajevo, exigé des autorités bosniennes qu'elles "condamnent publiquement" la "tentative d'assassinat" du Premier ministre serbe.

Auparavant, le chef de la diplomatie serbe Ivica Dacic avait dénoncé "une attaque non seulement contre Vucic, mais contre toute la Serbie et sa politique de paix et de coopération régionale".

Quant au président de l'entité serbe de Bosnie, Milorad Dodik, il a parlé d'"attaque contre le peuple serbe et la volonté d'entamer la réconciliation".

Federica Mogherini, qui dirige la diplomatie de l'UE, a, pour sa part, dit attendre de Sarajevo "une pleine enquête sur cet incident", après avoir salué "la décision historique" de M. Vucic de se rendre à Srebrenica.

"C'est l’œuvre de cerveaux malades qui ont abusé de cet événement digne. Vucic a pris dans ses bras aujourd'hui Munira Subasic, la présidente de l'association des Mères de Srebrenica (...), il a donc essayé de compatir à notre tristesse et à notre douleur", a de son côté réagi le maire de Srebrenica, Camil Durakovic.

"Malheureusement, c'est sur nous qu'en retombera la responsabilité. Je suis terriblement déçue et je me sens blessée comme si l'incident m'était arrivé à moi-même. Non pas pour Vucic, mais pour notre dignité que nous avons sauvegardée 20 ans durant", a d'ailleurs relevé Mme Subasic, dont l'association regroupe les femmes qui ont perdu époux, fils, frères et pères dans la tuerie perpétrée en 1995 par les forces serbes bosniennes.

Aleksandar Vucic "est venu nous demander pardon, montrer qu'il a un coeur, et maintenant c'est nous qui allons être considérés comme des sauvages", a aussi déploré une femme dans la foule, refusant de révéler son identité.

- Des dizaines de milliers de personnes -

Des dizaines de milliers de personnes marquaient à Srebrenica le massacre commis il y a 20 ans et Aleksandar Vucic a participé ces cérémonies afin de rendre hommage aux victimes, sans pour autant utiliser le terme de génocide reconnu par la justice internationale.

Il venait de déposer une fleur devant un monument portant les noms des plus de 6.200 victimes identifiées et enterrées au mémorial de Srebrenica lorsque la foule a commencé à scander "Allah Akbar !" ("Dieu est grand !") et à jeter des pierres dans sa direction. Certains ont même tenté de s'en prendre physiquement à lui.

Des journalistes de l'AFP ont vu que des hommes chargés de sa protection avaient eux aussi été touchés par des jets de pierres.

Aleksandar Vucic a quitté le mémorial en courant, protégé par ses gardes du corps notamment à l'aide d'un parapluie, tandis que, par haut-parleurs, les organisateurs lançaient des appels au calme.

Un imam a alors commencé à lire une prière et la plupart des participants se sont tournés pour prier en attendant la mise en terre de 136 victimes du massacre nouvellement identifiées.

- 'Guérir les blessures du passé' -

Samedi, en quittant Belgrade pour Srebrenica, M. Vucic, un ancien faucon ultranationaliste qui avait en particulier clamé au Parlement que "pour tout Serbe tué, nous tuerons 100 Musulmans" et qui était par la suite devenu proeuropéen, avait condamné, parlant du massacre de Srebrenica, un "crime monstrueux".

En juillet 1995, alors que la région était déclarée "zone protégée" par l'ONU, quelque 8.000 hommes et garçons musulmans avaient été tués dans cette ville bosnienne, la pire tuerie en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Nombre de responsables internationaux, parmi lesquels le président américain de l'époque Bill Clinton - dont le gouvernement a été l'architecte des accords de paix de Dayton qui ont mis fin au conflit bosnien -, étaient présents à Srebrenica.

La Serbie refuse obstinément d'accepter le terme de génocide, et le sujet continue d'animer les débats sur la scène politique internationale. Ainsi, mercredi, la Russie, soutien traditionnel de la Serbie, a mis son veto à un projet de résolution de l'ONU sur Srebrenica.

Les chefs politique et militaire des Serbes bosniens, Radovan Karadzic et Ratko Mladic, accusés d'être les éminences grises du massacre de 1995, sont aujourd'hui jugés pour génocide par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), cependant que la Bosnie, un des pays les plus pauvres d'Europe, reste figée dans ses divisions.

Source : AFP

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