Grèce: récit d'une nuit tragique

  • Alexander Stubb (à d.), le ministre finlandais des Finances, s'entretient avec son homologue grec Euclide Tsakalotos sous les yeux de l'Italien Pier Carlo Padoan (à g.) à  l'ouverture de l'Eurogroupe à Bruxelles, le 12 juillet 2015
    Alexander Stubb (à d.), le ministre finlandais des Finances, s'entretient avec son homologue grec Euclide Tsakalotos sous les yeux de l'Italien Pier Carlo Padoan (à g.) à l'ouverture de l'Eurogroupe à Bruxelles, le 12 juillet 2015 AFP - THIERRY CHARLIER
  • La chancelière allemande Angela Merkel, le président français François Hollande, et le Premier ministre grec Alexis Tsipras le 12 juillet 2015 à Bruxelles
    La chancelière allemande Angela Merkel, le président français François Hollande, et le Premier ministre grec Alexis Tsipras le 12 juillet 2015 à Bruxelles AFP - JOHN MACDOUGALL
  • Les ministres français, Michel Sapin, et allemand, Wolfgang Schäuble, des Finances lors de la réunion de l'Eurogroupe le 12 juillet 2015 à Bruxelles
    Les ministres français, Michel Sapin, et allemand, Wolfgang Schäuble, des Finances lors de la réunion de l'Eurogroupe le 12 juillet 2015 à Bruxelles AFP - JOHN MACDOUGALL
  • Le président français François Hollande, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et le Premier ministre grec Alexix Tsipras le 12 juillet 2015 à Bruxelles
    Le président français François Hollande, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et le Premier ministre grec Alexix Tsipras le 12 juillet 2015 à Bruxelles AFP - JOHN MACDOUGALL
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Centre Presse Aveyron

"Je me réveille après une bonne nuit pour apprendre que le sommet continue. Toute ma sympathie aux participants": ironique, le ministre finlandais des Finances Alexander Stubb, un faucon anti-Grecs, brocardait lundi matin une nuit blanche de négociations à Bruxelles.

Quarante-cinq minutes après, au bout d'un interminable marathon, l'Europe et Athènes arrachaient un accord pour maintenir la Grèce dans la zone euro.

Le drame, au petit matin, s'est joué à quatre, alors qu'enfermés à huis clos, Angela Merkel, la chancelière allemande, François Hollande, le président français, et Donald Tusk, le président du Conseil européen, tentaient de faire plier Alexis Tsipras, le Premier ministre grec.

- "pistolet sur la tempe" -

Et pourtant, il s'en est fallu de peu, à en croire un diplomate qui a suivi minute par minute tous les rebondissements: "A 06H00, la France et l'Allemagne avaient abandonné. La nuit allait s'achever sans accord".

C'est alors que Donald Tusk, le chef d'orchestre de cette nuit éprouvante, brandit un ultimatum à la face des dirigeants français et allemand: "Trouvez un accord avec Alexis Tsipras, vous n'avez tout simplement pas le choix".

"Nous ne quitterons pas cette salle tant que nous n'aurons pas d'accord", aurait-il dit alors, la pression grandissant à l'approche de l'ouverture des marchés en Europe.

"Avec un pistolet sur la tempe, toi aussi tu serais d'accord", lâchait, désabusé, épuisé, un responsable grec, au milieu de la nuit, commentant le projet d'accord qui impose à la Grèce des conditions draconiennes en échange d'une aide financière.

Depuis samedi, au cours de ce week-end d'une intensité rare, la zone euro s'est déchirée sur l'avenir de la Grèce, certains préférant en finir en expulsant le pays plutôt qu'en le renflouant une nouvelle fois.

"Ne me prends pas pour un imbécile!": l'invective a fusé de la bouche de l'homme de fer de la zone euro, l'Allemand Wolfgang Schäuble, adressée au patron de la BCE, Mario Draghi, dont l'institution tient à bout de bras les banques grecques et l'économie du pays.

"A un moment donné, les choses ont été dites avec un rare degré d'intensité, de vérité", confirme un responsable européen. "L'attitude de Schäuble a été indescriptible", accuse une source grecque.

- 'Problèmes stratosphériques' -

Au départ, la réunion samedi de l'Eurogroupe devait être l'occasion pour les ministres des Finances de la zone euro de donner leur avis sur les propositions de réformes de la Grèce, mises sur la table pour obtenir un troisième plan d'aide et éviter une sortie de l'euro, le fameux "Grexit".

Ces propositions avaient déjà été approuvées par la Commission européenne, la BCE et le FMI, les "institutions" qui gardent un oeil sur Athènes.

Mais après des mois de négociations acrimonieuses et de coups de théâtre, dont le référendum du 5 juillet en Grèce, les faucons de la zone euro n'y croient plus, évoquant en boucle un "manque de confiance" envers leur partenaire grec.

"Ils ont cuisiné un gâteau, on doit maintenant voir s'il est comestible", lançe le très sceptique Slovaque Peter Kazimir.

"Les problèmes sont stratosphériques", soupire une source proche des négociations.

Les efforts de la France, qui joue volontiers le rôle de "trait d'union" depuis deux semaines, ne suffisent pas à calmer les esprits. D'autant plus qu'en pleine réunion, un journal allemand annonce que Berlin propose pour la première fois une "sortie temporaire" de la zone euro.

"La mauvaise foi a changé de camp", souligne un observateur.

Après neuf heures de discussions samedi, la réunion est suspendue dans une ambiance lourde. Elle reprend dimanche matin, quelques heures avant un sommet des 28 chefs d'Etat de l'Union... qui devra être annulé en raison de l'impasse.

- 'Agreement' -

"Nous avons trois Eurogroupes trois jours de suite, c'est inédit. Mais il pleut. Qu'avons-nous de mieux à faire un dimanche ?" ironise un diplomate, alors que va commencer la 8e réunion de ce type en un mois. "Ca va être long", promet un autre.

Les ministres finissent par accoucher d'une liste de demandes à Athènes avec de nombreux points sur lesquels les dirigeants doivent trancher.

"Maintenant aux chefs de décider", résume un participant. Mais les divisions restent énormes entre ceux, comme l'Allemagne, qui ne veulent "pas d'un accord à tout prix" et ceux, la France en tête, qui refusent une sortie de la Grèce de l'Union monétaire.

Derrière les murs du Conseil européen, le couple franco-allemand se déchire.

Toute la nuit, les Européens négocient pied à pied. Jusqu'à ce seul mot lancé par le Premier ministre belge Charles Michel sur Twitter: "Agreement", accord. "L'Europe est forte", renchérit son collègue luxembourgeois Xavier Bettel.

"Au final nous avons trouvé un compromis, mais un compromis compliqué", commente un diplomate.

Un accord complexe, soulignaient lundi tous les acteurs de ce drame à suspense. Mais qui a permis à la zone euro de se réveiller, lundi, à 19 membres.

Source : AFP

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