L'Europe garde la Grèce dans l'euro en imposant de lourds sacrifices
Les Européens ont réussi à s'entendre pour tenter de renflouer la Grèce et la garder dans l'euro, en imposant des sacrifices énormes aux Grecs, dont l'économie exsangue a besoin de toute urgence d'une aide transitoire.
Aux termes de près de 48 heures de négociations psychodramatiques ponctuées de coups d'éclats, de revirements, de fausses annonces, les dirigeants de la zone euro ont validé lundi matin un projet de troisième plan de secours pour Athènes, estimé entre 82 et 86 milliards d'euros sur trois ans. Mais le parcours est semé d'embûches.
Cet accord éloigne le spectre d'une sortie désordonnée de la Grèce de la monnaie unique, même si les ministres des Finances l'avaient envisagé dimanche. "Le Grexit a disparu", a déclaré à l'AFP le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.
Mais les contreparties imposées à Athènes sont tellement dures que le gouvernement de gauche radicale aura peut-être du mal à le vendre aux Grecs.
Certains citoyens et sympathisants de l'exécutif d'Alexis Tsipras en parlent comme d'une "humiliation" ou d'un "coup d'Etat", à l'image du #ThisIsACoup qui a fait florès sur Twitter.
M. Tsipras, acculé par l'effondrement progressif de l'économie grecque et de ses banques, a dû lâcher beaucoup, ce qui augure d'un vote délicat par le Parlement grec qui doit valider le paquet d'ici mercredi, faute de quoi l'offre tombe à l'eau.
Il sera ce jour-là sous la pression des fonctionnaires qui appellent à une grève de 24 heures contre un accord "anti-populaire".
Le Premier ministre a parlé lui d'un "accord difficile". Moins diplomate, une source gouvernementale grecque disait dans la nuit: "avec un pistolet sur la tempe, toi aussi tu serais d'accord".
- Economie asphyxiée -
Car l'économie grecque, asphyxiée par les contrôles de capitaux en place depuis la fin juin pour éviter la mort des banques, est dans un tel état de délabrement que l'Eurogroupe s'est réuni lundi pour mettre en place une aide transitoire devant permettre à la Grèce de faire face à ses besoins immédiats, estimés à 12 milliards d'euros d'ici fin août.
Mais les ministres des Finances ont jugé l'opération "très complexe" et ont désigné un comité ad hoc qui doit vite trouver un montage.
En attendant cette manne, c'est une fois encore la Banque centrale européenne qui a maintenu la tête d'Athènes hors de l'eau, comme elle le fait depuis des semaines, en prolongeant ses aides d'urgence aux banques hellènes.
Conformément au plan validé lundi matin, le gouvernement grec maintenant doit faire voter en moins de 48 heures plusieurs lois réformant son économie s'il veut espérer pouvoir commencer à négocier en vue de toucher l'aide promise, dans plusieurs semaines.
Si le Parlement grec vote ces lois (hausse de la TVA, réformes des retraites, notamment) et s'il approuve le plan européen, les Parlements d'autres pays pourront voter pour autoriser leurs gouvernements respectifs à négocier le plan, soumis à de nombreuses autres conditions (nouvelles réformes, privatisations, etc).
Le Bundestag allemand, une forteresse de faucons hostiles à Athènes, devrait voter vendredi.
La chancelière Angela Merkel, à la tête du camp des durs qui n'auraient pas vu d'un mauvais oeil la Grèce éjectée de la zone euro, a prévenu que la voie serait "longue" et "difficile" avant que la Grèce ne renoue avec la croissance.
Le président français François Hollande, l'un des plus souples, a quant à lui salué le choix "courageux" d'Alexis Tsipras.
Ce dernier a dû notamment céder sur l'un des principaux points de blocage: la création d'un fonds regroupant des actifs grecs à hauteur de 50 milliards d'euros pour garantir les privatisations promises.
Le fonds sera installé à Athènes et servira à recapitaliser les banques, au désendettement, mais aussi à des investissements.
- "Misère, humiliation, esclavage" -
Le gouvernement Tsipras aura fort à faire pour amadouer son opinion publique, à laquelle il avait promis de rompre avec l'austérité et les "diktats" des bailleurs de fonds.
Mais pour beaucoup de Grecs, contraints désormais à vivre avec les 60 euros quotidiens qu'ils peuvent retirer dans les distributeurs, ce dénouement avait un goût amer.
"Une misère, une humiliation, un esclavage", commentait ainsi Haralambos Rouliskos, un économiste athénien âgé de 60 ans.
"Je n'approuve pas cet accord. Ils essaient de nous faire du chantage", confiait Katerina Katsaba, une femme de 52 ans qui travaille pour une compagnie pharmaceutique.
Avant d'ajouter, résignée : "J'ai confiance dans le Premier ministre. Les décisions qu'il prendra iront dans le sens de nos intérêts à tous".
Les marchés financiers étaient soulagés de cet accord, enregistrant des hausses boursières sensibles mais pas spectaculaires, tandis que l'euro s'affaiblissait face au dollar.
Source : AFP
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