Afghanistan: ces travailleurs qui reviennent d'Iran accros à la drogue

  • Un jeune drogué afghan est soigné dans un centre de traitement dans la prison principale de Hérat (ouest de l'Afghanistan), le 28 mai 2015
    Un jeune drogué afghan est soigné dans un centre de traitement dans la prison principale de Hérat (ouest de l'Afghanistan), le 28 mai 2015 AFP - Aref Karimi
  • Des drogués afghans sont soignés dans un centre de traitement dans la principale prison de Hérat (ouest de l'Afghanistan), le 28 mai 2015
    Des drogués afghans sont soignés dans un centre de traitement dans la principale prison de Hérat (ouest de l'Afghanistan), le 28 mai 2015 AFP - Aref Karimi
  • Des Afghans rentrent en Afghanistan,  traversent la frontière avec l'Iran près de Hérat (ouest de l'Afghanistan), le 27 mai 2015
    Des Afghans rentrent en Afghanistan, traversent la frontière avec l'Iran près de Hérat (ouest de l'Afghanistan), le 27 mai 2015 AFP - Aref Karimi
  • Des jeunes drogués afghans sont soignés dans un centre anti-drogue dans la prison de Hérat (ouest de l'Afghanistan), le 28 mai 2015
    Des jeunes drogués afghans sont soignés dans un centre anti-drogue dans la prison de Hérat (ouest de l'Afghanistan), le 28 mai 2015 AFP - Aref Karimi
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Centre Presse Aveyron

A "Point zéro", le principal poste-frontière entre l'Afghanistan et l'Iran, des centaines d'Afghans rentrent chaque jour au pays. Ils reviennent exténués par des conditions de travail accablantes, mais aussi, pour beaucoup, accros à la drogue goûtée en Iran.

Sous les yeux des douaniers afghans et iraniens, des cohortes de travailleurs harassés traversent la plaine aride et venteuse à Islam Qala, point d'entrée dans la province d'Hérat et l'ouest afghan, après des mois, voire des années, passés en Iran.

Chaque jour, entre 1.000 et 1.500 Afghans sans papiers, essentiellement de jeunes hommes, reviennent au pays de leur plein gré, ou expulsés pour environ un tiers d'entre eux.

A partir des années 1980, l'Iran, qui partage une longue frontière avec l'Afghanistan, a accueilli plusieurs millions d'Afghans fuyant des combats qui n'ont jamais vraiment cessé depuis.

Le mouvement s'est inversé à partir de la chute des talibans à la fin 2001, avec le retour volontaire au pays de millions d'Afghans. Ces dernières années, il s'est accéléré en raison de la politique plus répressive du régime iranien envers les Afghans réfugiés chez lui, notamment les 1,7 million d'illégaux (contre 840.000 enregistrés).

Téhéran reste muet sur le traitement et les conditions d'expulsion des clandestins afghans, qui lui ont valu plusieurs critiques d'ONG ces dernières années.

A 120 kilomètres de la frontière, Hérat, la grande ville de l'ouest afghan, accueille l'essentiel de ces revenants, chez qui les autorités observent un phénomène de plus en plus inquiétant: l'addiction à la drogue, à laquelle ils ont pris goût en Iran.

Dans le centre de traitement pour drogués d'Hérat, Mohammad Choghok raconte être revenu il y a deux ans de Machhad, en Iran, où son employeur lui donnait de l'opium au lieu de le payer. A 50 ans, il avoue être "accro depuis près de 34 ans".

"Dans beaucoup de cas, les employeurs (iraniens) leur donnent de la drogue en disant: +si tu prends ça, tu travailleras mieux et tu seras mieux payé+", explique le docteur Safiullah Pardis, le responsable du centre.

Selon les chiffres officiels, 500 tonnes de drogues sont consommées chaque année en Iran. Un fléau que le ministre iranien de l'Intérieur Abdolreza Rahmani Fazli, cité par l'agence ISNA, explique par le fait que l'Iran se trouve "sur la route des trafiquants de la drogue" venue d'Afghanistan.

Ce pays produit 85% de l'opium mondial, matière première de l'héroïne. La production a encore augmenté l'an passé, favorisée par la guerre et le manque de contrôle de l'Etat dans les zones reculées, selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

Une bonne partie de cette drogue transite par l'Iran, où trafiquants et consommateurs la trouvent facilement, y compris les pauvres obligés de travailler jusqu'au bout de leurs forces pour survivre.

- Près de 10% de drogués en Afghanistan -

Akbar Anwari est né en Iran, où il est devenu accro avant d'être expulsé. "Ma famille habite en Iran, je n'ai pas de contact avec eux", déplore cet homme de 28 ans en expliquant qu'il souhaite se débarrasser de son addiction avant de les revoir.

"Des études partielles montrent que la plupart des drogués afghans ont commencé à consommer de la drogue lorsqu'ils vivaient à l'étranger", et notamment au Pakistan et en Iran, souligne le Dr Mohammed Reza Stanikzaï de l'ONUDC à Kaboul.

Le nombre de consommateurs de drogue en Afghanistan a presque doublé depuis deux ans, atteignant les trois millions, soit près de 10% de la population. Un phénomène qui inquiète jusqu'au sommet de l'Etat afghan. "C'est une grande menace car un jeune utilisateur de drogue peut se transformer en soldat de l'instabilité", a récemment réagi le président Ashraf Ghani.

A Hérat, la nuit venue, des dizaines de toxicomanes errent dans les parcs du centre-ville. Sans domicile et sans ressources, certains deviennent délinquants et se retrouvent en prison. Sur plus de 3.100 détenus à la maison d'arrêt de la ville, 430 sont des drogués.

Une petite quinzaine d'entre eux seulement sont traités dans la minuscule clinique de la prison. Entassés dans un dortoir sur des lits superposés, les détenus au crâne rasé somnolent dans la chaleur de l'après-midi.

Parmi eux, Mohammad Naïm, 23 ans, a lui aussi "commencé à prendre de la drogue en Iran". "Le travail était trop dur et je prenais de l'héroïne pour tenir le coup", explique-t-il.

Mais la drogue a fini par tout emporter: au bout d'un moment, dit-il, "j'étais trop détendu et je ne travaillais plus".

Source : AFP

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