Toulouse lève le rideau sur la «mythologie» de Picasso

  • L’exposition se tient à partir d’aujourd’hui au musée des Abattoirs.
    L’exposition se tient à partir d’aujourd’hui au musée des Abattoirs. AFP REMY GABALDA
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Centre Presse Aveyron

Caché depuis près de trois ans aux Toulousains, de peur que la lumière ne l’abîme, le rideau de scène s’expose au grand jour à partir de vendredi au musée des Abattoirs, à l’occasion du trentenaire «décentralisé» du musée national Picasso à Paris.

Caché depuis près de trois ans aux Toulousains, de peur que la lumière ne l’abîme, le rideau de scène s’expose au grand jour à partir de vendredi au musée des Abattoirs, à l’occasion du trentenaire «décentralisé» du musée national Picasso à Paris. «L’idée a été de tirer le fil à partir du rideau de scène, le chef-d’œuvre de Toulouse que Picasso a confectionné en plein Front populaire» pour la pièce de Romain Rolland, «le 14 juillet» 1936, a déclaré Olivier Michelon, le conservateur des Abattoirs.

Par 8 mètres sur 13, le majestueux rideau, intitulé «La dépouille de Minotaure en costume d’Harlequin», dévoile les personnages mythologiques que le peintre avait créés quelques mois plus tôt en miniature à la gouache et à l’encre de chine. On y voit un «être hybride plein de vie et d’envies» mi-Minotaure, mi-Harlequin, clown triste auquel Picasso semble s’identifier, aux côtés d’un Dieu à tête d’aigle, et d’un sculpteur barbu en peau de bête, campés sur une ligne d’horizon, tel un décor de théâtre, prélude au «Guernica» qui arriva un an plus tard.

«C’est une commande politique, une grande fresque révolutionnaire, épique, à une époque où les temps sont compliqués et l’Europe est sombre», dit le conservateur à propos de cette œuvre livrée en quelques semaines par Picasso et son ami espagnol Luis Fernandez. «On y lit déjà une inquiétude, un drame qui est en train de se jouer», ajoute M. Michelon. Ce n’est pas un hasard si le rideau a été plus tard offert, en 1965, par l’artiste à une ville de Toulouse «très marquée par la révolution espagnole, avec énormément de réfugiés du franquisme».

«Chaque tableau est un petit théâtre»

Point de départ d’une exposition, le rideau déploie tous les horizons de Picasso: de l’univers théâtral qu’il affectionnait, à ses paysages de bord de mer, parfois méconnus, en passant par ses monstres forains surréalistes, empruntés au monde animal ou à la mythologie. Autour de photos de l’artiste, d’affiches ou de coupures de presse retraçant l’histoire du rideau de scène, une trentaine d’œuvres empruntées au musée parisien, toiles, dessins et sculptures, donne ainsi à voir l’univers d’un Picasso [CIT]«illusionniste», «artiste de la scène».

«Ce qui relie toutes les œuvres présentées ici, c’est cette façon de séparer l’espace, la ligne d’horizon», qui campe dans la réalité des figures inventées, selon le conservateur. «On est dans une peinture du réel. Picasso se libère des représentations, des modèles et invente ses propres formes académiques», explique celui qui a entièrement pensé l’exposition toulousaine. Il y donne une place majeure aux bords de mer de Picasso, à ses «études anatomiques» de baigneuses qui semblent aussi empruntées à la mythologie.

Clou du spectacle, le célèbre «Figures au bord de la mer» (1931) de la période surréaliste de Picasso, prêt exceptionnel, où deux corps se mélangent dans un tableau «assez brutal mais jouissif» selon le conservateur. On peut aussi contempler les formes allongées à la Modigliani de «Baigneurs» en bronze (1956), ou encore les «Joueurs de ballon sur la plage» (1928) et la plénitude d’une «Femme étendue sur la plage» (1929). «Chaque tableau est un petit théâtre», explique le conservateur, «avec l’horizon comme plancher de scène», et le rideau de scène en «orbite». 

Jusqu’au 31 janvier au musée des Abattoirs de Toulouse.

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