Sid Ahmed Gharbi, la boxe comme «bouée de sauvetage»

  • Loin de son quartier de La Grappe, à Montpellier, le super-léger Sid Ahmed Gharbi a trouvé son équilibre. Gants en mains.
    Loin de son quartier de La Grappe, à Montpellier, le super-léger Sid Ahmed Gharbi a trouvé son équilibre. Gants en mains. JLB
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Mathieu Roualdés

Portrait. Si le noble art enfante souvent de belles histoires, celle de Sid Ahmed Gharbi, Ruthénois d’adoption, en est à ses débuts. Mais elle semble promise à un bel avenir. À 23 ans, et à la force des gants, l’élève de Mohamed El Yaakoubi trace sa route.

Avant d’être celle des poings, la boxe est une histoire d’hommes. Celle de Sid Ahmed Gharbi s’inscrit dans cette noble tradition. Celle de ces personnages, parfois devenus des légendes, qui ont vu à travers leur sport un mode de vie, un épanouissement personnel. Ou bien, une «bouée de sauvetage», comme le répète à souhait le jeune homme. Comprenez «une école de la vie». Une autre que celle qui s’offrait à lui... «Avant, je mettais mon énergie du mauvais côté. Et sans la boxe, je ne sais pas où j’aurais atterri», explique-t-il. Il n’en dira pas plus, par peur de voir réapparaître le flot de clichés entourant la boxe depuis la nuit des temps. Seulement évoque-t-il son passage au centre d’éducation fermé de La Poujade, alors qu’il avait 17 ans.

Faire d'une passion un état d'esprit

À son arrivée, le Montpelliérain découvre Mohamed El Yaakoubi, éducateur au centre depuis des années. Mais également entraîneur de boxe anglaise. Entre les deux hommes, l’histoire de Mike Tyson et Cus d’Amato se rejoue. Le courant passe, les heures à la salle de boxe s’enchaînent. Sid Ahmed se reprend de passion pour un sport qu’il a découvert dès son plus jeune âge, en Algérie. Et trouve petit à petit un nouvel équilibre dans sa vie.

«J’ai commencé à vivre boxe. J’avais alors le devoir de ne pas salir ce sport en respectant ses valeurs. J’ai fait d’une passion un état d’esprit. J’ai commencé à comprendre l’autre, le respecter, ne plus avoir de haine envers lui. J’ai mûri. On ne peut prétendre être boxeur et ne pas respecter les personnes. J’ai enfin compris que si je me donnais les moyens, je pouvais réussir».

Mais après six mois, Sid Ahmed doit quitter le centre. Et voler de ses propres ailes. Il ne tardera pas à le faire. Revenu dans son quartier de La Grappe à Montpellier, le jeune homme tient une épicerie. Il continue à mettre les gants dans plusieurs salles mais sans grande rigueur. Avec toujours cette même interrogation en tête : «Est-ce qu’un jour, je réussirai dans ce sport ?».

Son rêve le plus fou: «Disputer les JO-2020 de Tokyo» en Bleu

La réponse, Sid Ahmed la connaît depuis son passage en Aveyron : «Ici, j’avais trouvé le bon entraîneur, le seul avec qui j’ai envie de travailler, le meilleur». Ne restez plus qu’à retrouver Mohamed El Yaakoubi et son club ruthénois des «Hurricane». Sid Ahmed le fera quatre mois après son retour dans l’Hérault. «J’étais dans mon épicerie et j’ai vu des mecs qui traînaient depuis 40 ans dans le quartier à boire et fumer ! Je me suis dit que je ne voulais pas de cette vie. J’ai fait mon sac et je suis revenu à Rodez pour être avec “Momo” et percer dans la boxe».

Dans la préfecture aveyronnaise, il enchaîne les petits boulots. Le premier dans un abattoir où il se rend «en footing». La comparaison avec le fameux Rocky prête à sourire... Mais c’est surtout dans la salle de Mohamed que Sid Ahmed trouve son bonheur. Il ne cesse de progresser, s’y entraîne quotidiennement et son entraîneur n’hésite pas à le lancer dans le grand bain. Celui du ring. C’était à Béziers en 2011, face à un boxeur local. Le Ruthénois d’adoption perd aux points. Qu’importe. Le virus des combats l’a contaminé.

«Je voulais qu’il progresse rapidement. Maintenant, il doit faire ses preuves.»

«Le mélange d’émotions qu’on a avant de combattre est incroyable. Il y a de la peur, de l’adrénaline, de l’impatience... C’est comme les montagnes russes ! Et on ne peut les surmonter qu’en étant posé dans notre vie quotidienne», souligne l’Algérien, surprenant de maturité du haut de ses 23 printemps. Les combats dans des galas du Sud de la France s’enchaînent. Les victoires avec. Mohamed en a alors la certitude : il tient un champion.

«Je le savais dès que je l’ai vu à la salle. Et Sid ne m’a pas déçu. Il a toutes les qualités requises pour percer. Il possède surtout une grande intelligence et une persévérance à toute épreuve. Il veut toujours comprendre les choses pour faire mieux», indique le coach. Aujourd’hui, Sid Ahmed compte 12 combats pour six victoires et autant de défaites, toutes aux points. Mais l’important était ailleurs, comme l’explique son coach : «Je l’ai seulement fait boxer contre des cadors, des champions de zone, des gars bien plus expérimentés. Je voulais qu’il progresse rapidement. Maintenant, il doit faire ses preuves.»

Son rêve le plus fou: «Disputer les JO-2020 de Tokyo» en Bleu 

Ses preuves, le fan de «Sugar Ray Leonard» et de sa boxe esthétique aura l’occasion de les faire d’ici peu. Récemment passé dans la catégorie des supers-légers (-69kg) après avoir boxé en moyen (-75kg), le boxeur va disputer ses premiers championnats d’ici peu.

Ceux de Midi-Pyrénées, classe A -élite des amateurs-, début novembre. Et l’objectif est clair pour le duo : «Être champion !» Dans ce cas-là, Sid Ahmed aurait l’occasion de disputer les championnats de France et peut-être assouvir son rêve le plus fou : «Disputer les Jeux olympiques de 2020 à Tokyo, sous les couleurs de la France.»

Sid Ahmed Gharbi regarde désormais devant. D’ailleurs, il a récemment tiré un trait sur son passé en réintégrant le centre d’éducation fermée de La Poujade. En tant qu’éducateur cette fois. «J’y ai fait six mois comme quand j’y étais. Je voulais rendre ce qu’on m’avait donné», souffle-t-il avec l’humilité qui le caractérise. Aujourd’hui, il travaille comme animateur à la régie de territoire de Rodez. Et vit plus que jamais boxe.

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