Une certaine Amérique perdue se «retrouve» sur le Larzac

  • Josh Imeson expose à Millau ses clichés du Nord-Ouest Pacifique.
    Josh Imeson expose à Millau ses clichés du Nord-Ouest Pacifique. Repro CP
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Joël Born

Portrait. Installé sur le Larzac, Josh Imeson expose à Millau ses clichés du Nord-Ouest Pacifique, voyage passionnant au cœur d’une région en transformation brutale.

Nous sommes en 1996, à Paulsbo, un bled paumé de l’État de Washington. Josh Imeson entre dans un pawn-shop et fait l’acquisition d’un vieil appareil photo argentique pour une poignée de dollars US. À l’époque il n’est encore qu’un adolescent, victime d’«une jeunesse mouvementée», et rien ne laisse à penser que ce Canon AE-1 va jouer un rôle déterminant dans sa créativité artistique. Aujourd’hui, Josh Imeson a 37 ans.

Du Lake Tahoe au Larzac

Il ne vit plus sur les bords du Lake Tahoe, ni dans la Péninsule Olympique, près de Seattle, où il a grandi en partie, mais dans un tout petit hameau, sur le Larzac. Charpentier de formation, vidéaste et prof de cinéma, Josh Imeson n’a jamais abandonné ce «boitier» reflex en version métallisée et c’est quelque part en son honneur qu’il rend public aujourd’hui une série de clichés personnels, reconstituant avec beaucoup de poésie les bouleversements que l’homme blanc a pu engendrer durant ces vingt dernières années sur ce magnifique territoire de «bûcherons» qu’est celui qui longe la côte pacifique de l’Amérique du Nord. 

«Les pellicules étaient défoncées, comme scarifiées»

Ces photos, dont certaines nous ont été présentées en avant-première la semaine dernière et qui vont coloniser les murs de l’Espace culture durant près d’un mois, ont toutes été réalisées en noir et blanc avec la complicité de son compagnon de route, et ce à quatre périodes distinctes de la vie de l’artiste. Les premières, forcément très touchantes, remontent à ses «années lycée».

«À cette époque, raconte Josh, j’avais planqué les négatifs dans un cabanon que je squattais, jusqu’au jour où celui-ci fut vandalisé. Je pensais les avoir perdus et quelques années plus tard, j’ai insisté pour que des membres de ma famille me les envoient. Les pellicules étaient défoncées, comme scarifiées par le temps, l’eau de mer, l’urine et l’alcool. J’ai voulu les agrandir. Le rendu était conceptuel, disons, mais curieusement assez joli.C’est difficile à expliquer avec des mots, avoue-t-il un peu gêné, mais je me suis ensuite approprié cette transformation pour créer un procédé artistique.»

A la recherche du temps perdu

Par la suite, Josh Imeson est retourné plusieurs fois sur les traces de ses souvenirs d’enfance. Quand il avait 20 ans. Au début de la trentaine. «Les dernières prises de vue remontent à l’an dernier», dit-il. Du nord de la Californie jusqu’à l’île de Vancouver, en passant par l’Oregon et la région des Cascades, il a remonté son passé tout comme les rivières qui serpentent les réserves indiennes et naissent quelque part dans ces gigantesques forêts humides du Northwest.

Des plages, jonchées de troncs blanchis par le sel, il en a aussi capturé la beauté pour mieux la triturer en entrant dans la chambre noire. Mais son exploration ne fut pas seulement rêveuse et contemplative: dans cette exposition qui précède certainement la publication d’un livre, on découvre également des visages issus de tous les milieux, lesquels se confrontent, à la manière d’un documentaire, à «ce chaos urbain et délabré» qui surgit à l’approche de la plupart des grandes villes américaines.

Le résultat, agrémenté de textes, de captations sonores et de courtes vidéos filmées en 8 mm, fait preuve d’une grande cohérence esthétique et révèle en filigrane une Amérique perdue et retrouvée, à la fois figée dans ses travers et en perpétuel mouvement. L’auteur avoue en avoir pris un peu plus conscience à chaque voyage. 

Les Américains ? «Ils ont pris des claques»

«Quand j’ai quitté mon pays, j’avais un fort anti-américanisme primaire en moi, se souvient Josh Imeson. Je le voyais comme celui d’envahisseurs fiers et génocidaires, j’étais touché par ce qu’on avait fait aux forêts, aux Indiens. Avec le temps, explique-t-il, en y retournant, j’ai découvert d’autres facettes. Les paysages, bien que torturés par endroits, sont absolument magiques. Quant aux Américains, ils ont pris des claques et ont maintenant plus de recul sur leur propre histoire. Ils sont aussi et surtout très entreprenants, créatifs et joyeux», conclut-il, à l’image de celles et ceux qui peuplent Portland, cette ville où il est né et que beaucoup considèrent aujourd’hui comme la cité la plus «cool» des États-Unis. 

Plus d’informations sur le site de l’artiste.

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