Chine: plus d'enfants peut-être, plus de croissance rien n'est moins sûr

  • Un enfant tient un drapeau de la République populaire de Chine, en septembre 2015
    Un enfant tient un drapeau de la République populaire de Chine, en septembre 2015 AFP/Archives - Fred Dufour
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Centre Presse Aveyron

La fin de la politique de l'enfant unique en Chine illustre la préoccupation de Pékin face à une croissance qui fléchit et à un choc annoncé sur les retraites. Mais a peu de chances d'inverser la tendance, selon les économistes.

"Dans les faits, la politique de l'enfant unique était déjà abandonnée", souligne Patrick Artus, de la banque Natixis.

Le gouvernement chinois a pris un tournant historique, au moins sur le plan symbolique, et sur celui des droits humains, en annonçant jeudi la fin de la politique controversée de l'enfant unique, vieille de plus de trois décennies.

Mais il était déjà permis aux Chinois d'avoir deux enfants sous certaines conditions, et "ce n'est pas pour cela (qu'ils) ont décidé d'en faire plus, pour des raisons qui tiennent à l'évolution des modes de vie, à l'urbanisation, au travail des femmes, au fait que les bonnes écoles sont très chères", poursuit M. Artus.

L'économiste voit toutefois dans ce tournant le signe que "le président Xi Jinping est moins enclin à accepter le ralentissement économique que ses prédecesseurs".

La deuxième économie mondiale devrait voir sa croissance cette année tomber au plus bas depuis un quart de siècle, à quelque 7%, loin des rythmes à deux chiffres qu'elle affichait il y a quelques années.

- Droit dans le mur démographique -

Le taux pourrait baisser encore, puisque la Chine fonce dans un véritable mur démographique: selon les Nations-Unies, la population en âge de travailler va baisser de 9% entre 2015 et 2030.

Or "les systèmes de retraite ne sont pas à la dimension du problème à venir", juge Michel Fouquin, spécialiste de l'Asie et conseiller au Centre d'études prospectives et d'informations internationales à Paris.

Anna Smajdor, spécialiste de natalité et d'éthique médicale de l'université anglaise d'East Anglia, rappelle que pour la Chine "mettre en place la politique de l'enfant unique était un choix logique, quoique imposé avec violence" à l'origine. "Sans cela, elle aurait fait face à une catastrophe" économique, environnementale, alimentaire.

Mais "le changement de la règle (de l'enfant unique) ne devrait pas avoir d'énorme effet, à part celui d'aligner un peu plus la Chine sur les valeurs occidentales", ajoute-t-elle. Et il ne résoudra pas non plus le problématique déséquilibre hommes/femmes du pays, héritage de trois décennies de politique répressive, avec sa cohorte d'avortements forcés, de stérilisations contraintes et d'infanticides.

L'économiste Edward Hugh, expert des questions démographiques, rappelle lui qu'un pays confronté à un coup de mou peut se relancer soit en devenant plus productif, soit en augmentant sa population active, soit les deux.

- La Bourse achète des petits pots -

Si les autorités tentent de doper la démographie, "il y a un énorme délai, quinze ans ou plus, avant que cela n'ait un impact", selon M. Hugh. C'est-à-dire le temps que les deuxièmes bébés que les couples chinois décideront éventuellement de faire arrivent sur le marché du travail.

Chang Liu et Gareth Leather, chez Capital Economics, notent que de toute façon, la hausse de la population active n'a "que peu contribué au développement économique chinois des vingt dernières années", à hauteur d'un petit point de pourcentage supplémentaire de croissance chaque année, en moyenne.

Quant à la voie plus "qualitative" de relance, qui exige de former la main d'oeuvre, de développer des infrastructures, de monter en gamme dans l'industrie, de doper les services, de respecter davantage l'environnement, elle n'est pas aussi spectaculaire qu'au temps où la Chine se couvrait d'usines.

"Une fois cueillis les fruits sur les branches les plus basses de l'arbre, il faut s'attendre à devoir en faire plus pour récolter moins" en termes de croissance, résume M. Hugh.

Christian Déséglise, économiste chez HSBC et professeur à l'université américaine de Columbia, souligne que la Chine ne réussira sa transition vers le statut de pays développé qu'à condition de sacrifier un peu de croissance: "le rééquilibrage peut se faire à 6% ou 7% de croissance, pas à 10%".

Le changement de cap du gouvernement chinois a malgré tout déjà fait quelques gagnants sur le plan économique: les actions de Danone ou Nestlé, fabricants de lait en poudre et de petits pots, ont bondi en Bourse après l'annonce de Pékin.

Source : AFP

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