Le Mozambique relève le défi de la bière au manioc 

  • Des ouvriers employés par le groupe SABMiller dans le nord du Mozambique trient, le 6 juin 2015 le manioc, tubercule qui sera utilisée pour fabriquer de la bière
    Des ouvriers employés par le groupe SABMiller dans le nord du Mozambique trient, le 6 juin 2015 le manioc, tubercule qui sera utilisée pour fabriquer de la bière AFP - ADRIEN BARBIER
  • Une bouteille d'Impala, bière au manioc
    Une bouteille d'Impala, bière au manioc AFP/Archives - ADRIEN BARBIER
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Centre Presse Aveyron

Dans les tavernes des quartiers populaires de Maputo, les clients s'enthousiasment de plus en plus pour l'Impala, une bière au manioc bon marché, commercialisée depuis quatre ans pour conquérir le marché des zones rurales et périurbaines, dominé jusque là par les bières artisanales.

Le choix du manioc n'est pas un hasard: présent en abondance dans ce pays d'Afrique australe, ce tubercule est un substitut de choix au malt et au houblon importés d'Europe ou du voisin sud-africain. Il donne à la bière un goût légèrement sucré.

C'est également un nouveau débouché pour des milliers de petits producteurs de manioc, qui compose 70% de l'Impala lancée par Cervejas de Moçambique (CDM).

La filiale du géant mondial SAB Miller, très présent en Afrique et racheté mi-octobre par AB InBev, a déjà écoulé plus de 100 millions de bouteilles de sa bière, qui porte le nom d'une antilope qui galope dans les savanes africaines.

"C'est déjà la troisième bière la plus consommée au Mozambique" assure Pedro Cruz, le directeur de CDM, qui reçoit dans la brasserie du groupe, située en périphérie de la capitale Maputo.

M. Cruz estime que l'Impala pourrait même voler la vedette à ses congénères maltées grâce à son prix attractif. Grâce à une taxation plus faible (10% contre 40%), la bouteille de bière au manioc se vend 25 meticals (55 centimes d'euro) contre 35 meticals (80 centimes) pour les autres, et cible donc les consommateurs aux bas revenus.

"Le but de l'Impala est de permettre à plus de gens d'accéder à une bière commerciale, dont la qualité est contrôlée, et qu'ils délaissent les bières de fermentation artisanale qui peuvent être nocives pour la santé", précise t-il.

- 'Le manioc, pourquoi pas le boire?' -

Dans les quartiers de la capitale mozambicaine, les consommateurs sont enthousiastes.

"Le manioc on le mange, alors pourquoi pas en boire?" lance Isidore Tivane, attablé dans une échoppe du quartier Jardim, non loin des installations dernier cri de CDM.

"Bien fraîche, elle est meilleure mais il est vrai que le pourcentage d'alcool est plus élevé que chez les autres", ajoute à ses côtés Dercio Machava.

"Les clients disent qu'elle est bonne. Certains jours, c'est cette bière là que je vends le mieux", témoigne Dona Cecilia, la tenancière du petit bar.

Les drames liés à l'ingestion d'alcools mal fermentés sont récurrents au Mozambique. En janvier 2015, 75 personnes sont mortes à Chitima (ouest) après avoir consommé une bière faite "maison", vraisemblablement empoisonnée.

"Le lancement de la bière Impala est une révolution pour les agriculteurs car cela a permis de donner une valeur commerciale à un tubercule qui jusque là n'en avait pratiquement pas, et que les agriculteurs utilisaient uniquement pour se nourrir", explique M. Cruz.

Pour se fournir en manioc, CDM s'appuie sur Dadtco, un sous-traitant néerlandais qui travaille avec 7.500 petits exploitants jusque là cantonnés à une agriculture de subsistance dans un pays où le secteur agricole emploie les trois-quarts de la population.

- Transformé à même les champs -

A Ribaué, à 2.000 km au nord de Maputo, des ouvriers jettent les tubercules dans une machine de concassage au bruit assourdissant.

Le manioc est transformé à même les champs en une boue blanche empaquetée dans des sacs de 20 kilos afin de permettre leur transport.

"Le problème avec le manioc, c'est qu'il commence à pourrir immédiatement après avoir été ramassé, donc il faut le transformer très rapidement. C'est ce qui jusqu'à présent compliquait sa commercialisation à grande échelle", explique Hubert van Melick, le directeur de Dadtco Mozambique.

Si pour Dadtco, les paysans sont gagnants car l'entreprise achète tout le manioc qu'ils sont en mesure de produire, certains paysans sont mécontents du prix d'achat, à 1.500 meticals la tonne (30 euros).

"Nous souhaitons qu'ils augmentent le prix au moins à 5.000 meticals la tonne (102 euros), car là nous ne faisons pas de bénéfice", estime Fernando Ayron, un paysan de 25 ans, dont le champ est situé à quelques mètres de l'usine mobile de transformation.

"Le problème ce n'est pas les prix, ce sont les volumes qui doivent augmenter. Et avec de plus grands volumes, ils vont commencer à gagner de l'argent", se défend M. Van Melick, dont l'entreprise ne fait pas encore de bénéfices.

Si l'Impala est un succès auprès des consommateurs, son modèle économique n'est pas encore rentable pour tout le monde.

"Il faut que le gouvernement continue à soutenir les bénéfices sociaux et économiques de ce projet et qu'au minimum il ne touche pas à la taxation avantageuse qui permet à l'Impala d'être moins chère", conclut Pedro Cruz, qui espère doubler le volume de production et le nombre d’exploitants d’ici à 2018.

Source : AFP

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