Louis Pironnet, capitaine de la presqu’île de Laussac

  • Louis Pironnet, grand amateur de pêche et seul habitant de la presqu'île de Laussac.
    Louis Pironnet, grand amateur de pêche et seul habitant de la presqu'île de Laussac. Olivier Courtil
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Olivier Courtil

Portrait. Âgé de 84 ans, ce bougnat du Cantal a refait le chemin à l’envers pour s’installer au bord du lac de Sarrans, commune de Thérondels où il est, pour l’heure, l’unique habitant.

Né à Courbevoie (92), le petit Louis est rapidement «parachuté», comme il dit, chez sa famille auvergnate, à l’abri de l’horreur de la guerre, réfugié par ses parents tenant un café bombardé. Louis Pironnet atterrit donc dans la ferme familiale de Narnhac dans le Cantal en 1941. Il y apprend les joies de la campagne dont la pêche à la truite qui ne la lâchera plus. Le bonheur de vivre, en somme. «Une autre époque où le village comptait encore trois cafés». Né en 1931, il remonte à la capitale en 1946 pour devenir garçon de café «Au petit Paname» rue Amélie. En 1951, il est mobilisé et rejoint la 32e Compagnie ouvrière militaire d’administration (Coma) en Afrique du Nord où il restera 18 mois. À son retour, il reprend son métier de garçon de café, rue de Lévis quartier des Batignolles dans le XVIIe. Puis Louis se marie avec Louise en 1956. Il travaillera rue du Quatre-Septembre dans le IIe arrondissement avant d’ouvrir son bureau de tabac à Vélizy (Yvelines) en 1968. Pendant vingt ans, il côtoie de grands hommes et un monde qui bouge, s’octroyant des parties de chasse dominicales. Histoire de souffler, de respirer au contact de la nature. Chaque année, les vacances se passent en Auvergne. Replongeant ainsi dans les souvenirs de jeunesse et de la truite souveraine. Car tout est un éternel recommencement et le monde est toujours petit quand se greffe le hasard.

Pour l'amour de la truite

Cherchant une maison à acheter à l’âge de la retraite, il rencontre un ancien copain d’école. S’il ne se rappelle pas de son nom, il se souvient de ce joyeux luron: «Célibataire le matin, marié le midi et papa le soir!» Cet ancien camarade lui fait part d’une maison à la presqu’île de Laussac, au bord du lac de Sarrans. Là, où à l’été 2014, 220000 personnes sont venues découvrir la retenue asséchée par la vidange. Interviewé, Louis passe à la télé. «C’était trop». Discret, il préfère la quiétude de la presqu’île à la foule. Du moins, celle des animaux vertébrés dans l’eau. «À Laussac, j’ai beaucoup de concurrents, ils me prennent tous les poissons!» Et d’ajouter: «À Laussac, y’a pas mieux pour un retraité!» Surtout quand on est pêcheur. En prenant la clef des champs avec son épouse, il a trouvé son bonheur. Un bonheur brisé en 2012 suite au décès de Louise. De sa maison, il a vu sur le lac et le cimetière, côté sombre et côté clair. «C’est là que je finirai, à ses côtés». En attendant, la vie continue. Paisiblement. Bien que Louis confie: «Je n’arrive pas à faire tout ce que je veux». À défaut de trouver du temps pour son jardin et ses fleurs, bien que celui-ci soit en parfait état, il pêche et prend toujours part aux sorties du club du 3e âge des Tilleuls de Thérondels, fondé par notre correspondant local, Jean-Yves Frêche, alors âgé de 25 printemps. Le bonheur n’a pas d’âge et vice-versa.

Heureux au bout du monde

Louis pêche sans relâche. Le brochet est autorisé à 50 cm en Aveyron, jusqu’à 60 cm dans le Cantal. Sur sa barque, il navigue faisant fi des frontières et des dysfonctionnements des règlements. En bon capitaine, il tient la barre. S’offrant depuis plus d’un an une pause gourmande le midi au Relais de Turlande tenu par Mathilde et Emmanuel, côté Cantal bien sûr. Non pas pour avoir un poisson plus grand dans l’assiette (!) mais Thérondels est orphelin de son hôtel-restaurant et pendant tout l’hiver la route est fermée. Cantalien de souche, il n’est pas dépaysé. Et surtout, cela ne l’empêche pas de recevoir du monde sur sa presqu’île. Seul pour l’heure - il pourrait bientôt avoir un couple pour voisinage - Louis est heureux dans ce petit bout de monde, entre terre et lac, recevant les amis. Et quand vient la belle saison, Laussac s’anime avec ses petits bateaux, son Chalet du Lac tenu par Daniel Tarrisse et ses passants bucoliques. De la bonne compagnie, Louis en a à sa guise, sourire et cigarillos entre les lèvres, avec pour philosophie les choses simples de la vie, comme ce proverbe inscrit chez lui: «Mieux vaut une chaumière où l’on rit qu’un château où l’on pleure». Tout est dit. Louis peut repartir voguer sur Sarrans et pêcher allègrement en toute sagesse. Ou presque!

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