Michel Espinasse, des pieds à la tête

  • À 70 ans, Michel Espinasse n’organisera plus de course. Mais en vrai passionné, il ne sera jamais bien loin.
    À 70 ans, Michel Espinasse n’organisera plus de course. Mais en vrai passionné, il ne sera jamais bien loin. José A. Torres
Publié le , mis à jour
Maxime Raynaud

Course pédestre. Dimanche, après une 10e édition record, le père de la Ronde de Noël et organisateur en chef a passé le relais. Un moment symbolique qui marque aussi le départ d’un de ces hommes de l’ombre qui font vivre la discipline depuis 30 ans.

Trente ans qu’il est partout. Au bord des chemins, des routes et des podiums. Trente ans à être incontournable dans le landerneau de la course pédestre aveyronnaise. Inclassable, fuyant les honneurs et les lumières, Michel Espinasse «préfère l’ombre» dit-il. On s’en était douté. Chaque année, sa silhouette affinée par les deux séances hebdomadaires de course, toujours au Trauc, et sa voix de velours venaient bien jusqu’à nous. Une fois.

Toujours pour annoncer la prochaine édition de sa course. Un dévouement sans limite, si ce n’est celle de se mettre en avant. Mais cette fois, lorsqu’il nous a glissé l’intention d’arrêter l’organisation de sa Ronde de Noël et l’organisation tout court, on lui a demandé d’accepter l’éclairage. Il a bien fallu qu’il dépasse sa gêne. «Je suis habitué à être en retrait. Je suis comme ça», sourit-il. Mais il a accepté.

Tombé dedans à... 38 ans

Un peu forcé car avec Michel Espinasse, l’intérêt c’est les autres, surtout s’ils courent. Et cela fait 30 ans que cela dure. «Une manière de rendre à la course ce qu’elle m’a apporté», explique-t-il. Un don de soi auquel il a mis un point, dimanche, lorsque la 10e Ronde de Noël a quitté l’esplanade des Rutènes sur un record de participation. Près de 1000 participants dans le centre-ville de Rodez: à 70 ans le bonhomme n’aurait sûrement pas rêvé aussi belle conclusion. Ça lui a fait quelque chose, souffle-t-il, sans vouloir tirer la couverture à lui. Pas le genre de la maison. Tout juste consent-il à reconnaître qu’il «ne serait pas parti sans léguer quelque chose. Je ne laisse pas tomber.»

Sûrement les traces d’une éducation au milieu de six frères et trois sœurs, où chaque chose a du sens. Mais pas vraiment le sport, longtemps très éloigné des préoccupations du futur «fontainier», comme il aime à nommer ce métier d’employé de la société de distribution d’eau intercommunale (SDEI), qu’il a exercé pendant 34ans. Mais il y eut une rencontre, LA rencontre, au détour du parc de Vabre. «Jusqu’à mes 38 ans, je n’avais jamais eu aucun sport (sic), glisse-t-il comme on évoquerait une conquête. Mais en me promenant, je sentais bien que j’avais de l’énergie. Je voyais ces meetings d’athlé organisés par le Stade Rodez athlétisme et ça me trottait. Un jour, j’ai commencé à trottiner.» Comme on se jette à l’eau, Michel Espinasse s’est alors mis à la course. Corps et âme. Il ne s’est plus arrêté.

«C’est vital», concède-t-il. La passion est dévorante, à même de faire oublier les premières douleurs, «horribles» aux mollets, un jour de toute première fois, lors de l’heure d’Onet, épreuve disparue. C’était en 1986 et un nouvel univers s’offrait au Ruthénois. «J’avais trouvé du monde, un intérêt, se souvient-il. C’est parti de là.» Et plus rien ne stopperait la fuite en avant. Entraînements réguliers autour du foirail, et jamais seul- «C’est du partage, que les gens arrêtent avec ces écouteurs», grince-t-il-, courses le plus souvent possible et virus inoculé. 

«J’ai grandi au travail mais la course à pied m’a donné des ailes»

Restait à toucher du doigt celui de l’organisation. Il ne fallut pas attendre bien longtemps. Sept ans après les premières foulées, admiratif du travail d’Alain Cabaniols au SRA, Michel Espinasse lance la Boucle druelloise. «Un jour, je me suis dit: “Je connais tout, maintenant, je vais bâtir et organiser”.» Les débuts sont difficiles malgré 152 participants, la «trouille» est omniprésente. Mais, déjà, la fibre est là. Celle du «contact, du partage». Un petit côté «commercial» qu’il savait en lui sans encore avoir pu l’exprimer. «J’avais envie d’avoir quelque chose à moi pour les autres, de me dire que je pouvais m’améliorer. Ça m’a toujours guidé. Surtout de prendre des leçons.»

En 2012, il passera les rênes de son «bébé» après 20 éditions et une moyenne de coureurs proche de 400. La Ronde de Noël est alors déjà lancée. Un second, et dernier chantier, pour lequel il a dû franchir les obstacles. Personnels ceux-là. «Quand j’ai créé Bourran, pour moi, c’était un peu New York. Mais ma femme m’a menacé de divorce si je replongeais! Alors j’ai fait mettre la pression par mes amis. Et je ne regrette pas car ça l’a métamorphosé. Aujourd’hui, c’est elle qui porte la course.» 

Rosette et Michel, Michel et Rosette, le duo est devenu celui de la Ronde. Un tandem bien rôdé : «Moi, c’est les idées, elle, le cadre», rigole celui pour qui un clavier d’ordinateur est aussi mystérieux qu’un cadran solaire la nuit. Qu’importe, chez Michel Espinasse, la passion est la plus forte. «J’ai grandi au travail, conclut-il, mais la course à pied m’a donné des ailes, m’a transformé». Des pieds à la tête. Et comme un dernier passage de témoin, dimanche, son petit-fils Benjamin (13 ans) a remporté le 1,5 km de la Ronde de Noël devant les yeux de Patrice, son fils journaliste sportif. La transmission, toujours. 

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