Bras : «Je veux une maison heureuse»

  • Michel Bras a transmis les rênes du Puech du Suquet à son fils Sébastien.
    Michel Bras a transmis les rênes du Puech du Suquet à son fils Sébastien. Archives JAT
Publié le , mis à jour
Philippe Routhe

Gastronomie. Le magazine professionnel «Le Chef» a sacré, Michel Bras, meilleur chef du monde. Une distinction de plus pour le chef étoilé de Laguiole, qui nous confie son émotion. 

Le magazine professionnel «Le Chef» a sacré, mercredi, Michel Bras, meilleur chef du monde. Une distinction de plus pour le chef étoilé de Laguiole, qui a transmis les rênes du Puech du Suquet à son fils Sébastien. Quelques minutes à peine après l’annonce de ce nouveau classement, dans lequel il était 6e l’an passé, il nous a confié son émotion...

Quel sentiment vous procure ce classement qui vous hisse au sommet de la gastronomie mondiale ?

(Silence) J’avoue que je suis surpris. D’autant que je ne suis plus vraiment en activité. Alors ça me touche encore plus. C’est un classement sur les valeurs. Très gratifiant. J’en suis ému. Puis c’est pas de moi dont il s’agit, c’est de Sébastien et Véronique. Ce sont finalement les valeurs que l’on porte qui sont reconnues.

Valeurs que vous avez inoculées à vos enfants...

Oui. C’est aussi de cohérence dont il s’agit. Par rapport à notre «pays», à notre conscience, aux valeurs que l’on trouve dans notre maison. Notez que je dis maison, et pas restaurant. Sur ce plateau de l’Aubrac, nous avons forgé une véritable identité. Je ne sais pas si l’on fait la meilleure cuisine du monde, je n’en suis pas sûr, mais elle nous correspond. Elle nous ressemble.

Pour vous, cette consécration va au-delà de la cuisine ?

Tout à fait. Quand je parle des valeurs, je pense à toute une trilogie, dans laquelle on oublie parfois un élément. Car, certes, il y a le producteur, le consommateur, mais il y a aussi le collaborateur. Or, on oublie assez vite que seul on ne peut pas assurer la bonne marche de la maison.

Chez nous, à Laguiole, je crois que nous en sommes à 70 collaborateurs. Et leur mieux vivre, c’est primordial. Il y a de l’exploitation dans nos métiers. Et chez moi, je veux une maison heureuse. Ce n’est que comme ça que tout le monde peut s’y retrouver. De la femme de chambre au plongeur, tout le monde est concerné.

Ce prix est une belle récompense. Toutefois, vous n’êtes pas du genre à courir les plateaux de télé, les médias...

(Il coupe) Non, moi je cours sur l’Aubrac! Je pense que c’est notre cohérence qui est distinguée. Et cela me touche que ces valeurs-là soient aujourd’hui portées par mes enfants. Et ils en sont fiers ! Regardez les «BrasKC», notre association qui anime des repas associatifs. Ils sont heureux. Mais il y a pas de secret : on ferme cinq mois dans l’année, et au moment de rouvrir, presque tout le personnel est là. Vraiment, le respect de l’autre, c’est important. J’y tiens beaucoup.

Cette distinction vous confère-t-elle de nouvelles responsabilités quant à la profession ?

J’arrive à un âge où je peux me permettre de dire certaine chose (sourire). Jusqu’à présent, j’y allais à pas feutrés sur le sujet, mais je veux aller plus loin. Je veux parler du respect des autres dans notre métier. Il y a une forme de tabou sur le sujet.

Que ce soit au Pays Basque, où j’étais invité récemment pour une conférence dans une université hôtelière, ou actuellement, en Italie, dans les Dolomites, où je me trouve pour évoquer notamment le slow food, chaque fois que je parle de ce sujet-là, les gens applaudissent à tout rompre...

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