Hormones de croissance: les deux derniers prévenus mis hors de cause au civil

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Centre Presse Aveyron

Des "fautes", mais pas de "responsable" en chair et en os: trente ans après, la justice a donné au drame des hormones de croissance une conclusion judiciaire ambiguë, jugée "inaudible" par les familles de victimes.

La cour d'appel de Paris a rendu lundi sa décision devant des bancs que plus de deux décennies d'instruction et d'âpre combat judiciaire ont vidés.

D'un côté quelques familles - seulement 21 étaient représentées, contre une centaine dans de précédentes procédures - , de l'autre les robes noires des avocats du professeur Fernand Dray, 93 ans, et de l'ancienne pédiatre Élisabeth Mugnier, 66 ans.

Absents à l'audience, ils étaient les seuls professionnels encore impliqués, les autres étant soit morts, soit déjà mis totalement hors de cause. Et ils n'étaient poursuivis qu'au civil, deux procès au pénal ayant débouché sur une relaxe générale.

La cour d'appel a relevé que M. Dray et Mme Mugnier avaient commis des fautes "d'imprudence et de négligence" en lien avec la fabrication de l'hormone de croissance, ce produit qui promettait de faire grandir les enfants trop petits.

Mais pour la justice, les deux prévenus n'ont pas "excédé" le cadre de leur mission professionnelle. Cela signifie que leur responsabilité civile personnelle n'est pas engagée, et plus concrètement que les parties civiles n'ont pas droit à une réparation financière.

Entre 1983 et 1985, 1.698 enfants en insuffisance hormonale ont été traités par injection à partir de prélèvements contaminés par la maladie de Creutzfeld-Jacob, qui détruit de manière irréversible le système nerveux.

Parmi ces patients, quelque 120 sont morts, après des mois voire des années de souffrances, tandis que d'autres risquent encore de tomber malades, le temps d'incubation pouvant dépasser les 30 ans.

M. Dray est l'ancien dirigeant du laboratoire Uria, rattaché à l'Institut Pasteur et chargé d'élaborer la poudre d'hypophyse (glande contenant l'hormone de croissance), tandis que Mme Mugnier assurait la collecte des hypophyses pour le compte de l'association France Hypophyse.

"Vous pouvez faire ce que vous voulez, vous sortez avec des gants blancs, parce que devant vous il y a votre employeur", a lancé en sortant de l'audience Alain Jolivet, dont le fils Emmanuel est décédé.

- "On ne l'admettra jamais" -

Me Bernard Fau, s'exprimant au nom des parties civiles qui réclamaient un montant total de quelque dix millions d'euros, a déploré l'"incapacité de la justice française à appréhender ce type de grand scandale sanitaire".

"Il n'y a aucune logique (dans la décision de lundi), aucune", a-t-il lâché.

Béatrice Demaret, dont le fils Charles-Guillaume a été traité à l'hormone contaminée, et qui vit à 39 ans avec "l'angoisse" de déclencher la maladie "au moindre frisson de fièvre", a elle parlé d'une décision "inaudible".

"C'est incompréhensible qu'il n'y ait pas eu une seule condamnation, on ne l'admet pas, on ne l'admettra jamais", a dit Claudine Frebillot, qui a perdu son fils unique, Franck.

La défense non plus ne s'est pas montrée entièrement convaincue par ce jugement complexe, épilogue d'un interminable combat judiciaire.

Me Guy-Charles Humbert, qui défendait Mme Mugnier, s'est dit "un peu amer" de voir le tribunal souligner une "faute" de sa cliente.

Me Henri Leclerc, qui représentait M. Dray, voulait surtout retenir que son client n'était "pas responsable". Il a aussi regretté la "durée infinie" de l'instruction du dossier.

Si elle n'a pas apaisé la douleur de familles, la justice n'a toutefois pas laissé le drame sans aucune conséquence.

Elle a en effet, par deux fois, établi une responsabilité de l'Institut Pasteur dans un décès lié à l'hormone de croissance, et lui a ordonné de verser plusieurs centaines de milliers d'euros aux familles des victimes.

Source : AFP

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