Rugby - Rodez : Good bye, Ruan !

  • Dimanche, Ruan Lamprecht vivra peut-être son dernier match à Paul-Lignon, avec la réception d’Oloron, si le club ne se qualifie pas pour les phases finales.
    Dimanche, Ruan Lamprecht vivra peut-être son dernier match à Paul-Lignon, avec la réception d’Oloron, si le club ne se qualifie pas pour les phases finales. Jean-Louis Bories / Centre Presse
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Mathieu Roualdés

Après six saisons sous les couleurs de Rodez, Ruan Lamprecht a décidé de raccrocher les crampons. À 32 ans, l’arrière sud-africain restera dans toutes les mémoires, notamment comme un modèle d’intégration.

Il y a eu les Gallois (Welsh, Wroe), les Roumains (Dumitru, Ion, Vlad, Stoïan), les Africains (Lassissi, Djehi, Angoran, Tian) et il y aura désormais le Sud- Africain, Lamprecht. À 32 ans, le «Springbok» a décidé de raccrocher les crampons à la fin de la saison. Et fera, sans nul doute, désormais parti de ces rares étrangers élevés dans la mémoire collective du rugby ruthénois.

Pourtant, à l’heure des souvenirs, cela était loin d’être gagné au départ! Débarqué il y a six ans de cela, les débuts de l’arrière sur le pré ont été couronnés de succès. Une place de titulaire indiscutable, 23 essais en deux saisons et un objectif de montée en Fédérale1 rempli... Mais en dehors des terrains, la vie n’est pas si rose.

"Quand je suis arrivé, j’étais hébergé à l’hôtel et je n’avais droit qu’au petit-déjeuner. Le reste, je devais me le payer! La semaine avant mon tout premier match, face à Tulle, je n’avais mangé que des bananes et du pain pendant trois jours!"

Loin d’être un Eldorado

Ruan Lamprecht vit le lot courant de mésaventures des joueurs expatriés. Il s’en souvient encore très bien. Et explique avec du recul et une touche d’ironie: "Un jour, un agent m’a appelé et m’a dit “je peux te faire jouer en France mais tu as 20 minutes pour accepter ou non”. Quarante-huit heures après, j’atterrissais à Rodez, sans rien connaître du niveau, ni rien. Au départ, cet agent m’avait dit de faire une bonne saison et il m’avait promis un club huppé du monde professionnel. C’était il y a six ans. Et je n’ai toujours pas de nouvelle... "

L’homme comprend alors rapidement que l’Hexagone n’aura rien d’un Eldorado. Et cela malgré son CV impressionnant: titulaire indiscutable et protégé du coach, Chester Williams, au club des Pumas en Currie Cup-1ere division sud-africaine-, une cape avec la franchise des Lions en Super Rugby lors d’une rencontre amicale mais aussi une sélection avec l’équipe sud-africaine de cricket en moins de 15 ans ou encore un titre national sur 400 mètres haies à 17printemps. Jusqu’à la Fédérale 2. Soit la quatrième division française. Le choc thermique est dur, celui rugbystique également.

"Toi, fais jouer l’équipe. Moi, je gère les bagarres”

Pourtant, sur le terrain, Ruan se promène. Et qu’importe si les us et coutumes de l’Ovalie française le surprennent... Comme tous ses compatriotes de l’hémisphère sud, ce sont surtout les célèbres «générales» du rugby des champs qui l’ont marqué. Au figuré surtout. "En Afrique du Sud, personne ne se bat comme ici! Sinon, on est sanctionné par l’arbitre et notre coach ensuite. Ici, tout le monde se bat et il ne se passe rien. C’est très drôle. D’ailleurs, je me souviendrai toujours de cette phrase d’un 2e ligne de Rodez. Avant un match, il m’a dit: “Toi, fais jouer l’équipe. Moi, je gère les bagarres”! Là, je me suis dit que j’étais dans un autre monde..."

Des souvenirs, Ruan Lamprecht en a pagaille. Il se plaît à tous les raconter. Avec son sourire si particulier. Plus que ses courses folles, son adresse sur les ballons hauts, sa propreté dans le jeu, c’est avant tout grâce à ce fameux sourire que Lamprecht a marqué Rodez. Dès ses premiers mois dans la préfecture, l’homme salue tous les visages qui lui sont familiers dans la rue, échange cinq minutes sur le club, la saison, et devient rapidement le «chouchou» des supporters. Quant à la langue de Molière, il l’apprend à vitesse grand V pour la parler presque couramment aujourd’hui!

"Dès le départ, je me suis dit qu’il fallait que je m’intègre et que je ne reste pas seulement avec les Anglo-Saxons", indique celui qui durant plusieurs mois a pourtant été le colocataire de «Sokkies» Van Schalkwyk et de Sean Carey.

"Mon père m’a dit de faire ma vie ici"

Désormais, il partage sa vie avec Aurélie, Ruthénoise rencontrée à ses débuts et devenu sa femme. Papa d’un petit Robin depuis deux ans, Ruan est finalement toujours resté attaché à Rodez. Et ce malgré un essai concluant à Béziers (Pro D2) il y a trois ans et plusieurs contacts. "La première fois où mon père est venu ici, il m’a dit de faire ma vie ici et de ne pas aller chercher de l’argent ailleurs. Je l’ai écouté", dit-il aujourd’hui, non sans émotion. Pourtant, à plusieurs reprises, le Sud-Af’ a pensé à faire ses bagages. Comme lorsque le club est au bord de la faillite, il y a trois saisons. De nombreux joueurs étrangers s’en vont, de leur gré ou forcé. Ruan Lamprecht, lui, est resté. Encore.

"Quand j’ai vu une mamie apporter 20€ à la Maison du rugby pour sauver le club, je me suis dit que je ne pouvais pas quitter le navire. Les propos de mon père ont alors pris tout leur sens". Depuis, il s’est installé dans la vie active, avec notamment un contrat indéterminé décroché au groupe scolaire Saint-Joseph en tant qu’assistant d’Anglais.

L’aventure en Fédérale 1, elle, n’a pas toujours été facile. Qu’importe. Aujourd’hui, Ruan est prêt à tourner la page. Toujours avec le même sourire. Celui qui restera dans toutes les mémoires."Good-bye" ou plutôt, ce n’est qu’un au revoir comme on dit en France. Car le Sud-Africain n’est toujours pas décidé à faire ses bagages...

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