Traiter un coiffeur de "PD" n'est pas homophobe: une décision des prud'hommes scandalise

  • La ministre du Travail  Myriam El Khomri lors des questions au gouvernement le 6 avril 2016 à l'Assemblée nationale à Paris
    La ministre du Travail Myriam El Khomri lors des questions au gouvernement le 6 avril 2016 à l'Assemblée nationale à Paris AFP/Archives - PATRICK KOVARIK
  • le conseil des prud'hommes de Paris considère que le terme de "PD" adressé à un coiffeur n'est pas homophobe car "il est reconnu que les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles"
    le conseil des prud'hommes de Paris considère que le terme de "PD" adressé à un coiffeur n'est pas homophobe car "il est reconnu que les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles" AFP/Archives - DENIS CHARLET
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Centre Presse Aveyron

La décision scandalise la ministre du Travail et les associations: le conseil de prud'hommes de Paris considère que le terme de "PD" adressé à un coiffeur n'est pas homophobe car "il est reconnu que les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles".

Interviewée sur RTL, la ministre Myriam El Khomri a qualifié vendredi le jugement de "scandaleux" et "choquant". Slimane Laoufi, chef du pôle emploi privé au Défenseur des droits, qui soutient le coiffeur, a regretté une "énormité" juridique.

Les associations de défense des homosexuels, qui l'ont largement relayée sur les réseaux sociaux, s'inquiètent, elles, d'une décision qui "peut contribuer à renforcer le climat homophobe".

L'affaire démarre en octobre 2014 quand un jeune homme, employé en période d'essai dans un salon de coiffure parisien, reçoit par erreur un texto de sa manager: "Je ne garde pas (l'employé, NDLR), je le préviens demain (...) je ne le sens pas ce mec: c'est un PD, ils font tous des coups de putes", selon les faits relatés par le jugement du 16 décembre 2015, consulté vendredi par l'AFP.

Le lendemain, le jeune homme se présente sur son lieu de travail. La rupture de sa période d'essai lui est signifiée.

"Quand je l'ai rencontré, c'était quelqu'un de détruit. Il était rentré se réfugier chez sa famille. Il a fait plusieurs mois de thérapie", raconte à l'AFP son avocat, Me David Caramel.

S'estimant victime de discrimination liée à son orientation sexuelle, la victime, qui souhaite garder l'anonymat, attaque aux prud'hommes son employeur.

Celui-ci nie pourtant tout lien entre la rupture de la période d'essai et son homosexualité, malgré les propos "inadaptés" contenus dans le SMS de la manager, qui "ne fait plus partie de l'effectif aujourd'hui", explique l'avocat du salon, Me Jean-Baptiste Vienne.

Une demi-douzaine de ses collègues ont témoigné des "difficultés relationnelles" qu'ils avaient avec la victime, dont les compétences étaient "insatisfaisantes" et les prétentions de carrière "exagérées", justifie Me Vienne.

À l'audience, l'employeur avait aussi estimé que le terme "PD", "entré dans le langage courant", n'était "qu'un simple abus de langage" et qu'il n'avait "aucun sens péjoratif ou homophobe dans l'esprit de la manager".

- 'Cliché' du coiffeur pour dames -

Un dernier argument que reprend le conseil de prud'hommes pour motiver son jugement: "En se plaçant dans le contexte du milieu de la coiffure, le conseil considère que le terme de +PD+ employé par la manager ne peut être reconnu comme propos homophobe car il est reconnu que les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles notamment dans les salons de coiffure féminins, sans que cela ne pose de problèmes."

Le conseil considère aussi que "l'employeur n'a pas fait preuve de discrimination (...) mais que ce sont des propos injurieux qui ont été prononcés". Il accorde à l'employé 5.000 euros au titre du préjudice moral.

"Pourtant, on ne peut pas se contenter de dire que ce n'était qu'un propos malheureux. Il a bien été suivi d'actions", soit la perte d'un emploi pour son client, dénonce Me Caramel.

Ce jugement choque les associations de défense des homosexuels et transsexuels.

"C'est vraiment un condensé en trois ou quatre lignes de toutes les insultes que peuvent subir les jeunes qu'on accompagne", déplore Nicolas Noguier, président et fondateur du Refuge, qui héberge et accompagne des jeunes victimes d'homophobie ou de transphobie.

Et de pester contre une décision de justice "clairement homophobe", qui "véhicule des clichés tels que: +les coiffeurs pour dames sont des pédés+".

Clémence Zamora-Cruz, porte-parole de l'organisation de défense des Lesbiennes, gays, bi et trans (Inter-LGBT), "condamne" de son côté "l'homophobie ordinaire" d'une décision qui "peut contribuer à renforcer le climat homophobe, déjà important" dans le pays, notamment en milieu professionnel.

L'Union nationale des entreprises de coiffure (Unec), insistant sur "l'ouverture" du métier, s'indigne de son côté d'un jugement "qui ferait des salons de coiffure des zones de non-droit" en termes de discrimination, selon son président Bernard Stalter.

"En phase de reconstruction", la victime, qui a repris "une activité indépendante", a fait appel du jugement, a déclaré son avocat, qui précise: "Quand je l'ai eu au téléphone, il était très touché des réactions de sympathie reçues."

Source : AFP

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