L'aumônier des marins, Mikel Epalza, pêcheur au milieu des pêcheurs

  • L'aumônier Mikel Epalza, ici au port de Saint-Jean-de-Luz le 23 mars 2016, dit exercer son sacerdoce "les pieds dans l'eau"
    L'aumônier Mikel Epalza, ici au port de Saint-Jean-de-Luz le 23 mars 2016, dit exercer son sacerdoce "les pieds dans l'eau" AFP - IROZ GAIZKA
  • L'aumônier Mikel Epalza, dans l'église Saint-Francois-Xavier de Ciboure, le 23 mars 2016 L'aumônier Mikel Epalza, dans l'église Saint-Francois-Xavier de Ciboure, le 23 mars 2016
    L'aumônier Mikel Epalza, dans l'église Saint-Francois-Xavier de Ciboure, le 23 mars 2016 AFP - IROZ GAIZKA
  • Le prêtre Mikel Epalza, aumônier des marins, joue du Txistu, une flûte basque, dans son domicile de Socoa, le 23 mars 2016
    Le prêtre Mikel Epalza, aumônier des marins, joue du Txistu, une flûte basque, dans son domicile de Socoa, le 23 mars 2016 AFP - IROZ GAIZKA
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Centre Presse Aveyron

La haute stature de Mikel Epalza, aumônier des marins, se profile sur le port de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure (Pays Basque) entre les bateaux de pêche aux couleurs vives jusqu'à celui de Battit Lahetjuzan: "Mikel, pour moi, c'est un pêcheur avant d'être un prêtre", lance le patron du ligneur "Aurrera" ("En avant", en langue française).

Une reconnaissance qui fait sourire l'aumônier des marins et des pêcheurs qui, depuis plus de 35 ans, exerce son sacerdoce "les pieds dans l'eau".

Mikel Epalza est de toutes les aventures : cuisinier dans les soutes d'un thonier, porte-voix des veuves de marins, éditeur d'une revue pour jeunes matelots, fondateur d'une antenne du "Sea Men's club" qui accueille les équipages de marine marchande sur le port de Bayonne.

"J'ai eu mal à mon église quand on voulait nous imposer d'être un super-prêtre au-dessus des gens", bougonne-t-il. "Aujourd'hui, le pape François nous demande le contraire, sourit-il. J'ai toujours pensé que pour exercer mon sacerdoce, il fallait rejoindre les gens dans leur vraie vie".

- 'Qui c'est celui-là ?' -

Rosette et Irène, deux sœurs, ramendeuses (réparatrices de filets de pêche) à la retraite qui assurent toujours des formations sur le port, considèrent le prêtre, 70 ans, comme un "ami, un confident". "Il nous a données l'occasion de nous exprimer", disent-elles d'une seule voix.

Les deux sœurs font partie d'une association, Uhaina (La vague, en français), d'entraide entre femmes de marins.

"Quand je suis arrivé sur le port, j'en ai eu vite marre de voir ces veuves de marins habillées en noir", souffle le prêtre. "Veuves, en noir, tu te dis merde, elles ont le droit de vivre", tempête-t-il. "Elles étaient résignées. Elles racontaient les naufrages, les disparitions de leurs maris, frères, enfants. Femmes de marin, femmes de chagrin, répétaient-elles en boucle. Je me suis dit, il faut sortir de cette chape de veuvage".

Petit à petit, le prêtre, sourd aux commérages sur le port - "les pêcheurs se foutaient de ma gueule, je les entendais dire +mais, qui c'est celui-là ?+" - dessine un arc-en-ciel au-dessus du noir du veuvage. Il insiste pour que ces femmes prennent leur destin en main et qu'elles crient tout haut ce qu'elles pensent tout bas: les conditions de sécurité déplorables en mer sur certains bateaux.

"Ce qui était la chasse gardée des syndicats, la sécurité à bord, est devenue aussi le combat de ces femmes", se félicite-t-il.

- 'Ils m'ont évangélisé' -

Dans sa maison qui jouxte la chapelle Saint François Xavier où il officie, sur les hauteurs de Socoa, près de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure, la grande table croule sous le poids d'innombrables revues, papiers, photos ou autres maquettes de bateaux.

On y trouve, pêle-mêle, un livret pédagogique "Les poissons alertent les humains" sur la pollution en mer, destiné aux enfants de 6e et 5e, édité à plus de 60.000 exemplaires, ou une "bible" de 160 pages à l'usage des jeunes marins, "Altxa Mutillak" ("Debout les garçons", en français). Le tout, édité sous la direction de Mikel.

De toutes ses actions, il y en a une qui lui tient particulièrement à coeur, "Itsaso Garbia" ("Mains propres", en français) : "Les jeunes marins me disaient leur exaspération à ramasser en mer toujours la même poupée en plastique sans tête, le même pneu". "Ils m'ont évangélisé. Quand j'étais à bord, il y a 25 ans, je jetais tout sans me poser de questions". "Depuis l'été 1994, on équipe de poches poubelles tous les bateaux qui le veulent bien".

Second fils d'une famille de huit enfants de parents basques fuyant le franquisme en Espagne, il en a gardé la foi, le sens du partage et l'amour du Pays Basque, de sa langue et de sa culture. "Mon père était un gudari (soldat, en basque). Il a failli être fusillé sous le régime de Franco. Il s'est réfugié de ce côté-ci de la frontière (Pays Basque français), non pas parce qu'il était pauvre, mais à cause de ses idées".

"Nous avons été accueillis, je me dois d'accueillir", martèle-t-il. "Cette notion d'accueil est aujourd'hui plus que jamais d'actualité avec les migrants. Ce n’est pas une matière à option", conclut-il.

Source : AFP

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