Mahyar Monshipour : «La France, c’est ma mère»

  • Le 27 mai 2004 à Clermont-Ferrand, le champion du monde des super-coqs défend et préserve son titre face à Salim Medjkoune.
    Le 27 mai 2004 à Clermont-Ferrand, le champion du monde des super-coqs défend et préserve son titre face à Salim Medjkoune. AFP
Publié le , mis à jour
Mathieu Roualdés

Champion du monde et incroyable boxeur, Mahyar Monshipour sera à Rodez pour le grand gala de boxe, le 14 mai. Rencontre. 

Champion du monde et incroyable boxeur, Mahyar Monshipour est encore gravé dans toutes les mémoires. Tant pour sa réussite sportive que son intégration sur laquelle il a écrit un livre «La rage d’être Français», lui l’Iranien arrivé dans l’Hexagone à 11 ans.

Mahyar Monshipour, la boxe vous fait-elle toujours vibrer ?

(Sans hésitation) Oui, j’adore ce sport ! J’aime surtout les vrais combattants, les durs au mal. Ceux qui n’utilisent que leur bras avant sur le ring ne me font pas rêver. Mais, j’aime surtout les histoires personnelles des pratiquants de ce sport.

La vôtre est riche, au point que vous êtes devenu une véritable figure populaire. Êtes-vous fier de votre parcours ?

J’ai commencé la boxe à l’âge de 18 ans. Alors, devenir champion du monde un jour était inespéré ! Je n’aurais jamais pensé atteindre un tel niveau mais j’ai toujours eu cette envie de devenir un champion. J’ai tout fait pour.

Vous aviez souvent l’habitude de dire «Pour me battre, il faudra me tuer». Est-ce l’âme d’un grand boxeur 

La boxe, c’est plus qu’un sport. C’est comme un combat de gladiateurs, vous mettez votre honneur en jeu. Une défaite vous émascule. Mais pour devenir un grand champion, il faut surtout savoir encaisser les coups en boxe.

Comment gériez-vous la peur avant de monter sur un ring ?

Je n’ai jamais eu peur. Fabrice Bénichou disait que c’était mentir de dire cela, que tous les boxeurs avaient peur. Bah, je ne suis pas un menteur (rires). 

Et la défaite, comment la vit-on quand on est habitué à tout gagner comme vous ?

En 2006, quand j’ai perdu mon titre de champion du monde face au Thaïlandais Somsak Sithchatchawal, j’étais au fond du seau. J’avais l’impression de ne plus être un homme, d’être émasculé comme je vous ai dit. La défaite est très dure à avaler. Physiquement déjà. Car quand on gagne, on prend des coups. Mais lorsqu’on perd, on en prend beaucoup, beaucoup... Et là, j’avais perdu avant la limite. Il n’y a rien de pire. J’ai eu beaucoup de mal à m’en remettre. Trois ans exactement, jusqu’au jour où j’ai revu mon adversaire au fin fond de la Thaïlande. Cette rencontre avec cet homme agréable, gentil et cultivé m’a permis d’enterrer cette défaite.

Pourquoi avoir fait le choix de ce sport alors qu’il était interdit dans l’Iran de votre jeunesse ?

Quand je suis arrivé en France à 11 ans, je ne connaissais pas du tout la boxe. J’étais un adolescent craintif et peureux. Et j’ai commencé à voir des boxeurs à la télévision. Pour moi, c’était de «vrais» hommes, des légendes. Alors, je m’y suis mis. C’était un pari. Je l’ai réussi.

Ce sport n’était-il pas qu’un moyen pour votre «rage d’être Français», comme l’indique le titre de votre livre, paru en 2007 ?

Ce n’était qu’un outil effectivement. En Iran, je n’étais pas riche mais je viens d’une famille diplômée. Moi, je suis celui qui en a le moins. Mais je suis le plus connu! Je voulais devenir quelqu’un et le sport est un ascenseur social formidable. J’aurais pu devenir médecin à Poitiers mais je serais resté «l’arabe du coin». Alors que, avec la boxe, le nom de Mahyar Monshipour est aujourd’hui (re)connu.

Quel regard porte votre famille sur ce choix ?

Aujourd’hui, ça va. Mais, ce n’était pas facile au départ car en Iran, la boxe était perçue comme un sport de voyous... Et surtout, elle était interdite après la Révolution islamique car elle n’était, soi-disant, pas faite pour les «bons musulmans». C’était du grand n’importe quoi. Ce sport m’a permis d’être un homme et de faire rayonner l’Iran. Et ça, c’est notre état d’esprit. Tout Iranien fuyant son pays dit qu’il représente tout l’Iran.

Pourquoi êtes-vous autant attaché à la France alors ?

C’est encore propre aux Iraniens cet état d’esprit. Les Iraniens ne posent jamais de problème, ils vivent leurs coutumes et traditions à la maison. Mais dès qu’on sort, on s’adapte, on s’intègre, on se fond dans la masse, on s’habille comme tout le monde.

Cela ne veut pas dire qu’on méprise nos origines mais c’est notre modèle d’intégration. Mon livre, c’était un peu un mode d’emploi sur l’intégration justement. Quand tu es Iranien, tu te dois d’être irréprochable en somme car tu représentes toujours ton pays. Et qu’importe si lorsque j’étais enfant, on nous rabâchait à l’école que les États-Unis, la France et autres étaient le «mal».

Aujourd’hui, tentez-vous d’inculquer cela aux jeunes boxeurs ?

C’est difficile car cela ne s’explique pas. L’intégration passe par des actes et le souci, c’est que beaucoup de jeunes ont de l’amertume envers la France car ils sont issus de l’immigration. J’essaie juste de leur dire qu’on ne crache pas sur un pays qui nous accueille. La France, c’est ma mère. Et au départ, cela devait être le titre de mon livre... 

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