Il y a 30 ans, résonnait la voix de Raymond Lacombe

  • L’Aveyronnais Raymond Lacombe 
a présidé la FNSEA de 1986 à 1992. [SIP]Repro CP
    L’Aveyronnais Raymond Lacombe a présidé la FNSEA de 1986 à 1992. [SIP]Repro CP Repro CP
  • La poigne ferme, le verbe savoureux, le paysan de l’Aveyron n’a que très rarement laissé indifférent ceux qui ont croisé sa route.
    La poigne ferme, le verbe savoureux, le paysan de l’Aveyron n’a que très rarement laissé indifférent ceux qui ont croisé sa route. Repro CP
  • Marie-Thérèse Lacombe a cosigné l’ouvrage « Pas de pays sans Paysans », et a rédigé « Pionnières ! », un ouvrage qui retrace la situation des femmes de l’après-guerre jusqu’à nos jours.
    Marie-Thérèse Lacombe a cosigné l’ouvrage « Pas de pays sans Paysans », et a rédigé « Pionnières ! », un ouvrage qui retrace la situation des femmes de l’après-guerre jusqu’à nos jours. Repro CP
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PH.R.

En mars 1986, le paysan de Noyès s’est retrouvé à la tête de la FNSEA. Il reste une «figure historique».

En mars 1986, il y a trente ans donc, Raymond Lacombe était propulsé à la tête de la FNSEA. Et devenait la voix des agriculteurs français. Au propre comme au figuré. Son accent rocailleux, issu de la terre du Ségala, a rapidement résonné dans les sphères nationales. Les dirigeants de la FNSEA ont bien essayé de lui faire perdre cet accent, via notamment Michel Denisot, missionné pour quelques cours de diction afin de rendre sa voix plus «lisse». «Mais ce dernier a vite renoncé, sourit Marie-Thérèse, l’épouse de Raymond Lacombe. Et cet accent, il a même décidé d’en faire un atout».

Durant six ans, que ce soit devant les «décideurs» avec qui il a croisé le fer, ou le dimanche, chez lui, à Noyès, Raymond Lacombe roulera les r de la même manière. «Mais surtout, il était bien entouré et se montrait constamment rassembleur. Il écoutait tout le monde, ce qui a beaucoup surpris, notamment à Paris, où l’on se plaignait de voir un Aveyronnais débarquer de sa campagne. Mais il n’a pas eu la partie facile pour autant » raconte Marie-Thérèse pour expliquer la popularité soudaine de son époux.

«La présidence ? Tu t’en débrouilles»

En mars 1986, la France découvre la cohabitation, le franc est dévalué, l’agriculture tempête, et la Confédération paysanne est en train de voir le jour... Voilà pour le paysage. Elle se souvient. «François Guillaume, alors président de la FNSEA, venait d’être nommé ministre de l’Agriculture. Il l’annonce à Raymond. Et celui-ci, alors secrétaire général de la FNSEA, lui demande : “Et que fais-tu de la présidence?” “Tu t’en débrouilles”, lui a répondu Guillaume».

Cet avènement à la présidence sera confirmé au congrès de Versailles, en 1987, où Marie-Thérèse se rend. «J’étais quand même un peu naïve à cette époque-là. Quand nous sommes descendus de l’avion, une voiture nous attendait pour nous amener au congrès. Il y avait constamment des motards qui nous entouraient. Je trouvais cela pénible. C’était en fait une escorte. Je n’avais pas encore mesuré que mon mari était devenu un personnage...» raconte-t-elle amusée.

À Paris devant 300 000 agriculteurs

Un personnage qui défend mordicus l’agriculture et surtout les agriculteurs. Après «Plus un actif à perdre», son slogan qui rayonnera dans toute la France sera «Pas de pays sans paysans». Avec en point d’orgue de son double mandat à la présidence de la FNSEA, ce dimanche des terres de France qui, en 1991, rassemblera plus de 300 000 agriculteurs dans Paris. Aujourd’hui encore, le nom de Lacombe résonne dans toutes les sphères agricoles, où il est qualifié de «figure historique».

Il faut dire que l’exploitant de Noyès avait la poigne ferme, le verbe savoureux et, surtout, défendait une agriculture qui ressemblait au pays. Qui ressemblait à l’exploitation dans laquelle il revenait travailler tous les week-ends.

«C’était son obsession, qu’il y ait toujours des agriculteurs. C’était ça, sa politique. Ce n’était pas droite ou gauche. Mais aujourd’hui, je pense qu’il serait triste de voir le nombre d’agriculteurs diminuer constamment. Souvent je me demande ce qu’il dirait, ce qu’il ferait...», souffle-t-elle.

La poigne ferme, le verbe savoureux, le paysan de l’Aveyron n’a que très rarement laissé indifférent ceux qui ont croisé sa route.
La poigne ferme, le verbe savoureux, le paysan de l’Aveyron n’a que très rarement laissé indifférent ceux qui ont croisé sa route. Repro CP

«Il savait parler à tout le monde»

Tout comme elle trouve dommage de voir cette Europe à l’arrêt. «Raymond était très européen. Il s’entendait avec tous les responsables agricoles des autres pays, baron ou communiste.»  À ce sujet, une petite anecdote concernant Dacian Ciolos, actuel premier ministre de la Roumanie et qui fut commissaire européen à l’agriculture de 2010 à 2014. «Ah, Raymond y est un peu pour quelque chose sur son parcours !, rigole Marie-Thérèse. On l’a vu un jour avec son épouse sonner à la porte. Il était jeune. Il avait croisé Raymond quelque fois et là, il venait lui demander s’il ne pouvait pas lui dégoter un stage à Bruxelles. Raymond a pris son téléphone, l’a recommandé à quelqu’un et il a fait son chemin.»

Un brin d’émotion la gagne toutefois en repensant au détour effectué par le commissaire européen, lors d’une visite en Aveyron en 2012, pour se rendre sur la tombe du paysan de Noyès. Ils sont nombreux ainsi à pouvoir témoigner d’une rencontre hors du commun avec ce Raymond Lacombe. Le paysan de l’Aveyron n’a que très rarement laissé indifférent ceux qui ont croisé sa route. Et trente ans après, dans un monde agricole en perte de repères, en proie à une sorte de crise existentielle, peut-être manque-t-il aux agriculteurs cette voix qui savait hausser le ton dès lors qu’il fallait défendre les agriculteurs et leur famille. «En tout cas, la force de Raymond, c’est qu’il savait parler à tout le monde... » En roulant les r. 

Marie-Thérèse Lacombe a cosigné l’ouvrage « Pas de pays sans Paysans », et a rédigé « Pionnières ! », un ouvrage qui retrace la situation des femmes de l’après-guerre jusqu’à nos jours.
Marie-Thérèse Lacombe a cosigné l’ouvrage « Pas de pays sans Paysans », et a rédigé « Pionnières ! », un ouvrage qui retrace la situation des femmes de l’après-guerre jusqu’à nos jours. Repro CP

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