« Qui a tué Fualdès ? » (12/40)

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    « Qui a tué Fualdès ? » (12/40)
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Centre Presse Aveyron

Les 27, 28, 29 et 30 juillet, sur la place Foch à Rodez, sera présentée la pièce de Paul Astruc « Qui a tué Fualdès ? », à la nuit tombée. À la veille du bicentenaire - en 2017 - de cette énigmatique affaire criminelle qui a valu pendant longtemps une sale réputation à la ville, les 35 comédiens nous plongent dans le Rodez des années 1800. À travers ses quartiers, ses habitants, ses us et coutumes. Cette série de quarante textes, illustrée par Gérard Marty, court jusqu’au 26 juillet. Infos et billetterie : www.quiatuefualdes.com

« J'ai froid Magdelaine ». C’est ma soeur qui me coupe le coeur chaque matin d’hiver avec ces mots. Alors je l'habille chaudement de tissus et de bisous. Ça nous fait du bien à toutes les deux de prendre un peu de tendresse, ça nous réchauffe en dedans. Par contre il faut que je m’active, je me lève à pas d’heure pour aller chercher l’eau. L’hiver, il ne faut pas que j'oublie de prendre le bâton pour casser la glace, sinon je suis obligée de monter sur le bord pour taper avec les sabots. Et puis quand je reviens il fait déjà chaud dans la cuisine. Je dois vider les pots de chambre de tout le monde, et y en a du monde des fois. Récurer et laver, c’est moi aussi. Dès fois, il y a le Bastide tôt le matin. Il est tellement grand qu’il m’impressionne à chaque fois. Je pense que toute sa clique a peur de lui.

Mais il nous lâche toujours un bout de pain. Et puis il y a Anne, Anne Benoit. Elle est belle et elle est gentille. C’est comme un soleil, elle rit et elle change tout le temps. D’ailleurs n’y a pas que moi qui la trouve bien! Y a toujours quelqu’un avec elle dans sa chambre ! Dès fois elle me fait un sourire, un clin d’oeil, un petit bisou de loin. Ça me fait du bien ! Je ne peux pas trop trainer dans la cuisine, la mère elle n’aime pas qu'on traîne par le milieu, elle dit qu'on essaye de chaparder quelque chose dès qu'on peut. Alors elle nous envoie dans la rue faire les traîne-misère. « Et enlevez vos tabliers, ça fait trop propre ! » Moi j'aime pas ça faire l'aumône. Alors souvent je prends la clé des champs et avec mon panier je descends à Layoule pour ramasser ce qui traîne, un fruit ou un légume, à ceux qui font pousser près de l’eau. Y'en à un que je vois souvent au printemps mais il ne me donne pas de poissons. Je crois qu'il ne sait pas y faire, il leur jette des cailloux, pffff, n’importe quoi! Mais il est gentil avec moi et puis il rit tout le temps. Je le vois des fois à l’auberge, il vient y prendre sa gnole le soir. Un jour il m'a donné une jolie poupée qu'il avait faite avec des chiffons et du fil.

Pour les yeux il avait cousu deux jolis petits cailloux, brillants comme les étoiles de la nuit. Je l'ai cachée derrière le mur où je cache mes trésors. C’est dans la rue des bonnes soeurs, la rue où des fois je les entends glousser. Mais moi j’y connais rien. « Tu es trop petite pour entendre ces choses là ! » qu’elle me dit ma mère. En tout cas ce qui est sûr c’est que je voudrais jamais glousser comme ça, mais plutôt rire comme Anne Benoît ou crier comme le Bastide, ou encore avoir la même voix que ce jeune homme fin qui vient des fois. Mais on ne peut pas être tout à la fois, alors j’habille ma soeur de tissus et de bisous comme à chaque fois et je pleure en partant dehors dans le froid.

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