Conques: le recueillement fait son chemin

  • L’abbatiale et le pont des pèlerins de Conques sont inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco au titre des chemins de Compostelle en France.
    L’abbatiale et le pont des pèlerins de Conques sont inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco au titre des chemins de Compostelle en France. Centre Presse
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Olivier Courtil

Tous les étés, ils sont des milliers à arpenter le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Conques est un phare dans ce parcours qui est un viatique à une paix intérieure retrouvée. 

Dans un écrin vert, comme à l’abri des regards, se niche Conques. Ce n’est donc pas le fruit du hasard si l’ermite Dadon a choisi ce site à la fin du VIIe siècle pour se retirer dans la solitude donnant naissance à un monastère de bénédictins. Malgré la foule nombreuse, de cheminants et de touristes, le lieu demeure silencieux. Respectueux de la beauté du site et de sa caractéristique en devenant un centre de pèlerinage et étape majeure sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Un silence qui émane des bouches ébahies par tant de beautés. D’où que l’on se trouve, l’abbatiale émerge, symbole de ce riche patrimoine qui fait de cette étape du GR65, un passage incontournable, flamboyant, le plus beau même, reconnu internationalement. De quoi redonner des forces pour parcourir les 1 319 km restant, menant à St-Jacques de Compostelle.

Rencontre: Ferdinand, philosophe en marche

Ferdinand Soler n’est pas dans le bistrot qu'il tient, quartier Saint-Michel à Paris, et baptisé Le Pot du Pèlerin. Mais bien en chemin, en Galice. « Je n’ai pas de mérite, c’est la 19e fois que je le fais, je sais où sont les meilleurs arbres ! ». Et d’ajouter : « Mais jusqu’au dernier pas, il faut faire gaffe ». Une hernie discale avait eu raison de lui l’été dernier mais Ferdinand a repris son bâton en ce mois de juillet pour reprendre le chemin. « Mon prétexte pour le refaire ? J’ai écrit un guide que je mets à jour ». Humour et humilité semblant être les deux mamelles du pèlerin. Les deux H en tout cas, comme Homme et Humanisme. Loin de son repaire parisien, loin de ce tumulte quotidien, Ferdinand marche au milieu des êtres. Son bien-être. Au fil des années, il en a vu aussi son évolution. « Il y a beaucoup de récupération commerciale comme ces machines à soda tout au long du chemin en Espagne et le racolage mais malgré l’envers du décor, cela reste magique ». Lucide donc. D’autant que marcher c’est méditer. C’est penser « le soi ». Il fut pionnier pour proposer des pots de pèlerins. Au départ, « plein d’associations obligeaient à être adhérents puis finalement elles ont emboîté le pas ». Chez lui, pas de réservations. Tout reste informel.

«Un pèlerin ? Ça ressemble  à tout le monde »

Les gens viennent du monde entier. Marcheurs, hypothétiques marcheurs et même des curieux qui se demandent à quoi ressemble un pèlerin. « Ça ressemble à tout le monde », dit-il. Marcher c’est comme la vie, aussi simple que cela. Marcher c’est la vie. Comme on fait ses premiers pas. « La vie, c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre », a dit Albert Einstein. À pied, c’est pas plus difficile ! Mais marcher c’est les jambes… et la tête. « Après avoir fait le chemin, vous verrez les choses différemment. Cela permet de faire le point dans une vie, de faire un break, de partir sur la bonne voie. Pour certains, c’est lourd dans leur âme, dans leur conscience ». Car s’interroger amène parfois à se remettre en question. Et Ferdinand de poursuivre sous son chêne en Galice : «Il y a plein de gens traumatisés mais ça ne se voit pas ». Il confie alors, à titre d’exemple, la rencontre avec un Allemand qui a perdu sa femme, fermé sa boîte et prit le chemin. L’intimité vient en marchant. Dans la douleur. Dans la douceur du temps sans heurt. Au bout d’une semaine, ils se sont tutoyés. Après un chaos, marcher c’est la fraternité possible en chemin. « On peut rencontrer aussi l’amour de sa vie ». Ferdinand en a croisé en chemin et lui-même l’a vécu avec une Américaine mais la distance a eu raison de leur amour. Qu’importe, Ferdinand trace sa route. Encore et toujours. Une vie de bohème. Avec soif de rencontres et de quiétude. Entre lucidité et lâcher prise. Le juste équilibre. « Il y a des attrape-couillons et des gens honnêtes. Je les connais depuis le temps. Je sais où bien manger ce soir ». Ferdinand a même fait du bénévolat pendant 18 mois dans des gîtes. Il connaît l’envers du décor et son endroit. Avec son guide, il est dans la transmission. Ce partage qui manque tant et f(er) ait tellement de bien dans notre société malade qui oblige à tant de vigilances. « Il faut franchir le pas, se fixer une date et s’y tenir », glisse-t-il comme précieux conseil avant de repartir. Vers un autre arbre. Vers demain. Vers la vie, tout simplement. Toujours plus loin, toujours plus haut. L’espérance en chemin et la lumière de l’humanité pour y poser ses pas car « cela reste magique », nous a bien dit Ferdinand. Suivez ce guide, Ultreïa !

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