Concessions hydroélectriques : «La France ne doit pas brader son patrimoine industriel»

  • Avec ses nombreux équipements hydroélectriques des vallées de la Truyère et du lot, l’Aveyron est en première ligne de ce combat pour le maintien des opérateurs historiques, dont EDF, face aux nombreuses convoitises d’investisseurs étrangers.
    Avec ses nombreux équipements hydroélectriques des vallées de la Truyère et du lot, l’Aveyron est en première ligne de ce combat pour le maintien des opérateurs historiques, dont EDF, face aux nombreuses convoitises d’investisseurs étrangers. JB
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Joël Born

Le président du Ceser, Jean-Louis Chauzy, appelle les parlementaires et conseils départementaux d’Occitanie, ainsi que le gouvernement, à faire bloc pour refuser les injonctions européennes et protéger le service public de l’énergie, d’une «privatisation déguisée.»

C’est un Jean-Louis Chauzy particulièrement déterminé et incisif qui a lancé, du siège toulousain du conseil économique, social et environnemental régional, un appel à la mobilisation générale pour s’opposer aux injonctions européennes sur le dossier majeur du renouvellement et de l’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques.

Une mobilisation de tous les parlementaires et présidents de conseils départementaux d’Occitanie - mais aussi ceux de la Corrèze et du Cantal - que le président du Ceser entend bien de nouveau relayer auprès de Matignon, Michel Sapin et Ségolène Royal. Car Jean-Louis Chauzy n’a de cesse de le clamer haut et fort : «Les barrages français ne sont pas à vendre et il n’est pas question de les vendre...» Le message a le mérite d’être clair : «La France ne doit pas brader son patrimoine industriel.» 

«Il y a le feu au lac»

Voilà cinq ans que l’affaire traîne passablement en longueur. Pour Jean-Louis Chauzy, cela n’a que trop duré. Et cela d’autant plus que «depuis 15 ans, il n’y a toujours pas de politique de l’énergie.» «Il y a un peu le feu au lac, insiste l’élu aveyronnais. Les ouvrages les plus convoités sont les pépites du Nord-Aveyron. Le danger est imminent, si la France baisse la garde, les concessions seront mises à la concurrence et les collectivités devront aller discuter avec des Chinois, des Norvégiens, des Canadiens ou des Suédois... sachant que les grands opérateurs internationaux sont avant tout intéressés par les royalties... Aujourd’hui, l’Europe c’est l’addition des égoïsmes. Les Allemands ont ouvert 22 centrales au charbon et on a tué l’industrie des panneaux solaires...» 

Bras de fer et marché de dupes

Malgré la loi sur la transition énergétique, qui prévoit que dans le cas d’investissements importants réalisés par les opérateurs industriels, les ouvrages ne sont pas soumis à la concurrence, Bruxelles conteste cette décision. Le Ceser de la région Occitanie réaffirme son opposition à cette «privatisation déguisée» et demande le renouvellement des concessions du Grand Sud-Ouest aux trois opérateurs historiques que sont EDF (90%), la Société hydroélectrique du midi (SHEM) et la Compagnie nationale du Rhône (CNR).

La dernière proposition française consisterait à mettre en place une société d’économie mixte dans le périmètre des sites concernés, dont les collectivités pourraient être actionnaires à hauteur maximun de 34%. «Une vraie fausse idée», un véritable «marché de dupes», selon Jean-Louis Chauzy prenant pour exemple l’aéroport de Toulouse-Blagnac, dont la gestion a été cédée au consortium chinois Symbiose, les collectivités se retrouvant bel et bien dépossédées de leurs prérogatives, bien qu’elles soient actionnaires à hauteur de... 40%. 

Service public de l’énergie

Pour le président aveyronnais du Ceser, rejoint en cela par tous les élus d’Occitanie, de droite comme comme de gauche, les concessions hydroélectriques doivent rester dans le périmètre du service public de l’énergie. «On ne doit pas laisser partir notre patrimoine. Si on a l’énergie la moins chère, c’est que l’on y a mis les moyens.» Et Jean-Louis Chauzy de soulever un autre problème déterminant: celui de la sûreté des ouvrages et de la sécurité, les entreprises françaises étant dans ce domaine des leaders mondiaux. Sans oublier l’ancrage territorial et les investissements programmés par les opérateurs historiques (1,5 à 2 milliards d’euros pour EDF, dans les vallées de la Dordogne et de la Truyère).

«Un jour, il faut dire non», martèle Jean-Louis Chauzy, fermement décidé à mettre la pression nécessaire, pour obtenir le renouvellement des concessions et des partenariats des opérateurs historiques avec les collectivités territoriales, dans le cadre du soutien à l’économie, à travers notamment la sous-traitance, et du bon usage de l’eau. Un enjeu de taille quand on sait que la première énergie renouvelable représente dans le Grand Sud-Ouest, près de 1500 emplois directs, 170 barrages et 186 centrales hydroélectriques pour une puissance totale de 6600 Mw (dont plus de 2000 Mw, pour le bassin de la Truyère et du Lot) soit l’équivalent de près de 7 réacteurs nucléaires. À l’heure où l’on ne parle que de transition énergétique, ces quelques chiffres situent mieux la portée de ce combat contre la libéralisation excessive des marchés. Un combat que Jean-Louis Chauzy voudrait bien gagner d’ici la fin de l’année. 

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