Sisco: le procès d'une banale altercation "qui aurait pu s'achever sur un drame"

  • Plusieurs centaines de personnes sont rassemblées devant le tribunal de Bastia le 15 septembre 2016 pour soutenir deux habitants du village corse de Sisco avant leur procès pour une rixe le 13 août
    Plusieurs centaines de personnes sont rassemblées devant le tribunal de Bastia le 15 septembre 2016 pour soutenir deux habitants du village corse de Sisco avant leur procès pour une rixe le 13 août AFP - PASCAL POCHARD-CASABIANCA
  • La crique de Sisco, en Corse, le 14 août 2016, où des affrontements ont eu lieu entre  entre trois frères marocains et des villageois
    La crique de Sisco, en Corse, le 14 août 2016, où des affrontements ont eu lieu entre entre trois frères marocains et des villageois AFP/Archives - PASCAL POCHARD-CASABIANCA
  • Le président de l'Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni (D) aux côtés de Gilles Siméoni, le président du Conseil exécutif de Corse (C) et du maire de Sisco, Ange Pierre Vivoni, avant le début de la première audience, le 18 août 2016, à Bastia
    Le président de l'Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni (D) aux côtés de Gilles Siméoni, le président du Conseil exécutif de Corse (C) et du maire de Sisco, Ange Pierre Vivoni, avant le début de la première audience, le 18 août 2016, à Bastia AFP/Archives - PASCAL POCHARD-CASABIANCA
  • Lucien Straboni quitte la gendarmerie de Borgo, le 17 août 2016
    Lucien Straboni quitte la gendarmerie de Borgo, le 17 août 2016 AFP/Archives - PASCAL POCHARD-CASABIANCA
  • Le quartier populaire de Lupino, à Bastia, le 18 août 2016
    Le quartier populaire de Lupino, à Bastia, le 18 août 2016 AFP/Archives - PASCAL POCHARD-CASABIANCA
Publié le
Centre Presse Aveyron

"Arrêtez de photographier, je vais monter et en crever un": une banale altercation est à l'origine de la violente rixe "qui aurait pu s'achever sur un drame" survenue à Sisco (Haute-Corse) à la mi-août et pour laquelle cinq hommes sont jugés jeudi à Bastia.

Très calmement, la présidente Anne David décortique le déroulé des faits de cette journée du 13 août, à l'issue de laquelle une centaine de policiers et de gendarmes avaient été nécessaires pour ramener le calme après la rixe opposant une famille de Marocains de Corse et des villageois de Sisco. Quatre personnes avaient été blessées, et plusieurs véhicules retournés et incendiés.

Tout est apparemment parti de quelques photos prises depuis le bord de la route. Installé avec sa famille depuis le matin dans une petite crique de Sisco, Mustapha Benhaddou n'apprécie pas et le fait savoir, d'abord à un couple de touristes, puis à un groupe de jeunes.

Jeudi, lui qui comparaît détenu et qui a déjà été condamné à plusieurs reprises, notamment pour trafic de drogue, est le seul membre de sa famille présent devant la cour --ses deux frères, eux aussi poursuivis, ne se sont pas présentés, faisant savoir par le biais de leurs avocats qu'ils craignaient pour leur sécurité.

Interrogé par Mme David, Mustapha Benhaddou reste assez vague dans ses réponses. Il assure que des jeunes qu'il interpellait pour qu'ils ne prennent pas de photos leur ont lancé "Rentrez chez vous, vous n'avez rien à faire ici, les Arabes".

Jerry (BIEN Jerry) Neumann, 18 ans, partie civile dans le dossier, le dément fermement. Mustapha Benhaddou dit regretter de l'avoir "secoué et giflé", mais nie tout usage d'un couteau ou d'une machette. A partir de là, la rixe prend de l'ampleur, quand des villageois descendent porter secours aux jeunes "secoués".

Deux d'entre eux comparaissent aussi jeudi, libres: Lucien Straboni, 50 ans, un boulanger déjà condamné dans une affaire d'extorsion, et Pierre Baldi, 22 ans, employé de la mairie de Sisco.

"Vous avez conscience que tout cela aurait pu s'achever sur un drame?", leur demande la présidente. Les deux prévenus opinent, mais eux aussi tentent de minimiser leur rôle. Jamal Benhaddou "m'a dit +fils de pute, je vais vous égorger+ et a fait le geste", raconte Lucien Straboni, accusé d'avoir porté un coup de poing à Jamal Benhaddou, un des frères absents jeudi, alors qu'il était transporté inconscient sur un brancard. Pierre Baldi assure, lui, avoir donné involontairement un coup de pied sur le brancard alors qu'il était ceinturé par des gendarmes.

- Demande de dépaysement -

Devant le palais de justice, plusieurs centaines de personnes s'étaient rassemblées en début d'après-midi pour soutenir les deux Siscais. Le parti indépendantiste Corsica Libera, dont le président de l'Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni est un des dirigeants, avait appelé au rassemblement, dénonçant "la prétention grandissante des petits caïds de quartiers" - des termes visant directement les trois frères marocains que le procureur de Bastia, Nicolas Bessone, avait accusés d'être à l'origine des échauffourées, en voulant "privatiser" une petite crique de Sisco.

Invoquant la "sûreté des prévenus" et critiquant "l'immixtion du politique" dans l'affaire, les avocats d'un des frères marocains avaient demandé le dépaysement du procès. Une demande qu'a rejetée jeudi matin le procureur général de Bastia et dont ils ont pris acte sans déposer de recours.

Quelques mois après l'agression de pompiers dans un quartier populaire d'Ajaccio le soir de Noël, qui avait été suivie d'une manifestation émaillée de slogans racistes et du saccage d'une salle de prière musulmane, la rixe de Sisco avait ravivé les tensions sur l'île.

Le flou initial à propos des circonstances des échauffourées y avait contribué. Le 14 août, au lendemain des incidents, aux cris de "Aux armes!" et "On est chez nous!", quelque 500 personnes avaient défilé à Bastia dans le quartier populaire de Lupino, où certains pensaient que les familles marocaines impliquées vivaient.

Le 16 août, le maire de Sisco avait interdit le burkini dans sa commune. Sa décision avait été validée par le tribunal administratif de Bastia, qui a pris le contre-pied du Conseil d'Etat et mis en avant la rixe pour justifier sa décision.

Source : AFP

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