L'Aveyronnais Stanislas Boyer empêche les pilotes d’avion de dormir

À première vue, le titre de sa thèse semble ressortir du domaine de la recherche fondamentale : « Contribution de l’analyse du signal vocal à la détection de l’état de somnolence et du niveau de charge mentale ». Pourtant, l’amélioration de la sécurité des transports, notamment dans le secteur aéronautique, viendra peut-être des travaux de Stanislas Boyer. Cet Aveyronnais de 29 ans, qui a fait ses études secondaires au lycée Monteil de Rodez, vient d’obtenir son doctorat en neurosciences et en acoustique à l’Université Toulouse III-Paul Sabatier. Avec les félicitations du jury, qui a souligné non seulement ses compétences mais aussi la profondeur de ses qualités humaines.

L’erreur humaine au cœur de l’accidentologie aérienne

L’humain constitue un facteur clef dans une chaîne aussi complexe que l’est le transport aérien. En effet, environ 70 à 80 % des accidents aériens ont pour cause – au moins en partie – l’erreur humaine, les systèmes technologiques devenant de plus en plus performants. Plus précisément, les exigences opérationnelles du métier de pilote sont susceptibles d’engendrer de la somnolence et des niveaux de charge mentale inadéquats (trop faible ou trop élevé) au cours des vols.

Les dettes de sommeil et les perturbations des rythmes biologiques quotidiens, liées à divers facteurs (longues périodes de services, horaires de travail irrégulier, vols de nuit, etc.), demandent aux pilotes de repousser sans cesse leurs limites biologiques. Par ailleurs, la charge de travail mental des pilotes présente de fortes variations au cours d’un vol. Élevée au cours des phases critiques (décollage et atterrissage), elle devient très réduite pendant les phases de croisière. Lorsque la charge mentale devient trop élevée ou, à l’inverse, trop faible, les performances se dégradent et des erreurs de pilotage peuvent apparaître. Dans ce contexte, la mise en œuvre de méthodes de détection de l’état de somnolence et du niveau de charge mentale, en temps quasi réel, constitue un défi majeur pour le suivi et le contrôle de l’activité de pilotage.

Ce que ma voix dit de mon état

La voix humaine pourrait représenter un support particulièrement intéressant de l’état de somnolence et/ou du niveau de charge mentale. Elle est le siège d’expressions verbales, qui vont traduire l’état physiologique d’une personne. L’usage de la parole est indissociable du métier de pilote. Son enregistrement est non invasif et peu coûteux. Partant de ce constat, l’objectif de la thèse de Stanislas Boyer était de déterminer si la voix d’un individu peut permettre de détecter son état de somnolence et son niveau de charge mentale.

Pour cela, Stanislas Boyer a enregistré la voix de participants placés dans des conditions expérimentales spécifiques, par exemple de privation totale de sommeil ou de charge mentale élevée. Le signal vocal a été analysé et corrélé à des indicateurs physiologiques fiables –par exemple électroencéphalographies (EEG), observation des pupilles– de l’état de somnolence ou du niveau de charge mentale. Les résultats obtenus dans le travail de thèse de Stanislas Boyer sont prometteurs et permettent d’envisager l’évaluation de l’état physiologique des pilotes, grâce à l’analyse de leur voix.

Stanislas Boyer, qui a réalisé sa thèse au Laboratoire Cognition, Langues, Langage, Ergonomie (CLLE) rattaché à l’Université Toulouse II–Jean-Jaurès, applique à présent ces travaux au sein de l’entreprise Bertin Technologie. L’avionneur européen Airbus a confié à cette société la mission de se pencher sur la fatigue des pilotes. Le doctorat de Stanislas, obtenu quatre ans après un Master II de Psychologie, rend très fière la famille Boyer –dont son grand-père, ancien mineur à Decazeville– ainsi que sa compagne, Aurore.