Souvenir. Ces Aveyronnais qui ont vécu le 13 novembre à Paris

  • La mythique salle parisienne de concerts et spectacles du Bataclan dans laquelle les terroristes de l'État islamique ont abattu 90 personnes le 13 novembre 2015 accueille Sting pour sa réouverture.
    La mythique salle parisienne de concerts et spectacles du Bataclan dans laquelle les terroristes de l'État islamique ont abattu 90 personnes le 13 novembre 2015 accueille Sting pour sa réouverture. AFP
  • Balint Porneczy, installé à Rodez, se trouvait ce soir-là dans un taxi à proximité du Bataclan où 90 personnes ont péri.
    Balint Porneczy, installé à Rodez, se trouvait ce soir-là dans un taxi à proximité du Bataclan où 90 personnes ont péri. Archives CP
  • Le Primaubois Pierre-Louis Pignède (à gauche) et son copain assistaient eux à la rencontre France-Allemagne au Stade de France, où un homme a été tué dans une explosion.
    Le Primaubois Pierre-Louis Pignède (à gauche) et son copain assistaient eux à la rencontre France-Allemagne au Stade de France, où un homme a été tué dans une explosion. Archives CP
  • Le 13 novembre 2015, il y a un an jour pour jour, 39 personnes ont péri sur les terrasses des Xe et XIe arrondissements de Paris, dont celle de La Belle équipe France.
    Le 13 novembre 2015, il y a un an jour pour jour, 39 personnes ont péri sur les terrasses des Xe et XIe arrondissements de Paris, dont celle de La Belle équipe France. AFP
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Philippe Henry

Ils étaient à Paris lors des attentats qui ont frappé la capitale, le 13 novembre 2015. Ces témoins directs des événements se souviennent, et racontent comment ils vivent aujourd’hui, lourds de cette tragédie.

Qu’ils aient été au Stade de France, non loin du Bataclan ou dans le XIe arrondissements de Paris, les Aveyronnais que nous avions interrogés le lendemain des attentats meurtriers, dans notre édition du 15 novembre 2015, gardent un souvenir vif de ces événements. Un an après ces attaques transparaît pour certains une forme de résilience dans leurs propos. Pour d’autres, la seule évocation de ces souvenirs rouvre une plaie à peine cicatrisée. Mais tous gardent à l’esprit cette date du 13 novembre, et aujourd’hui est assurément un jour particulier pour eux.

Le Primaubois Pierre-Louis Pignède (à gauche) et son copain assistaient eux à la rencontre France-Allemagne au Stade de France, où un homme a été tué dans une explosion.
Le Primaubois Pierre-Louis Pignède (à gauche) et son copain assistaient eux à la rencontre France-Allemagne au Stade de France, où un homme a été tué dans une explosion. Archives CP

P.-L. Pignède (Stade de France) : «Il faut continuer de vivre»

Il y a un an, ils étaient dans les travées du Stade de France. Ce soir-là, l’équipe de France rencontre l’Allemagne, pour un match qui s’annonce plaisant. À 21 h 17, une première explosion retentit aux abords du stade. « On a d’abord cru à des pétards, se souvient Pierre-Louis Pignède, venu assister au match avec un ami. Puis on a très vite compris de quoi il s’agissait. » Coupé du monde durant plusieurs heures, faute de réseau, le Primaubois de 22 ans voit « les gens s’enfuir, courir, crier » autour de lui. Avec le recul, Pierre-Louis Pignède « repense souvent à ces instants si particuliers ».

« À ce moment-là, je faisais mes études à Paris, poursuit le jeune homme. Et durant plusieurs semaines, j’ai vécu des moments assez angoissants. On en a peu parlé autour de moi. Avec mon ami (celui présent au stade au moment des explosions, NDLR), nous avons mis longtemps à l’évoquer. Mais petit à petit, la parole s’est libérée. Nous avons fini par en discuter plus librement. » Au fil du temps, l’angoisse des premiers jours a laissé place « à cette envie d’avancer ». Pierre-Louis Pignède a retrouvé le chemin des stades. Bénévole durant l’Euro de football, il a fréquenté les enceintes, s’est retrouvé au milieu de la foule. Quelques souvenirs sont alors remontés à la surface. « On regarde différemment autour de soi, on devient sans doute plus angoissé, glisse-t-il. Mais je crois qu’il faut, malgré tout, continuer de vivre. Et espérer que tout cela ne se reproduise pas. »

Gilles Boscus (Stade de France) : «Aujourd’hui, j’ai pris du recul»

Toujours au Stade de France, peut-être non loin du jeune homme, se trouvait Gilles Boscus, conseiller technique départemental au district de football de l’Aveyron. Lui aussi a vu les mêmes scènes de panique, a ressenti cette même peur qu’ont vécue les spectateurs présents ce soir-là. « J’ai pris du recul par rapport aux événements, assure aujourd’hui Gilles Boscus. Mais durant de nombreuses semaines, il y a eu des moments compliqués. » Et puis, il y a eu les attentats de Bruxelles, de Nice, ravivant ces souvenirs tragiques. « Je n’ai jamais beaucoup parlé des événements à mon entourage, souffle-t-il. Uniquement lorsque l’on me pose la question. Mais il n’empêche que mon regard a changé. Par exemple, je suis plus attentif à ce qu’il peut se passer autour de moi, on devient vigilant pour tout. »

Depuis le 13 novembre, Gilles Boscus n’a plus remis les pieds au Stade de France. « Je ne suis pas encore prêt, confie-t-il. Sans doute, un jour, je m’y rendrais de nouveau, que ce soit pour mon métier ou pour le plaisir. » Si son regard a changé sur l’environnement qui l’entoure, il a également évolué sur celui qu’il porte sur son prochain. En tout cas, cette série d’attentats n’a fait que renforcer et légitimer un peu plus son travail d’éducateur. « Dans quel monde et quelle société voulons-nous vivre pour demain ? », s’interroge Gilles Boscus. Des questions récurrentes qui, par sa fonction, mais aussi sa condition de citoyen, font désormais parties de son quotidien. «Ce drame incompréhensible, qui n’est pourtant rien comparé à ce que d’autres ont pu vivre, nous oblige à regarder plus loin, à envisager une autre société.»

Balint Porneczy, installé à Rodez, se trouvait ce soir-là dans un taxi à proximité du Bataclan où 90 personnes ont péri.
Balint Porneczy, installé à Rodez, se trouvait ce soir-là dans un taxi à proximité du Bataclan où 90 personnes ont péri. Archives CP

Balint Porneczi (près du Bataclan) : «La vie reprend son cours»

Il a l’habitude de courir le monde, de vivre des situations assurément particulières. Le soir du 13 novembre, le photographe Balint Porneczi est avec son fils à Paris. Dans le taxi le menant à la gare d’Austerlitz, pour prendre le train et rentrer à Rodez, il écoute les informations qui diffusent des nouvelles parcellaires sur les attentats en cours. Ce n’est que lorsque leur taxi longe les abords du Bataclan, que, pour Balint et son fils, tout se précise. Une fois dans le train qui file vers Rodez, le photographe mesure l’ampleur du drame se nouant dans les rues de Paris.

« Si je n’avais pas eu mon fils, peut-être que je serais descendu du taxi pour aller faire mon métier de photographe », glisse Balint Porneczi qui se baladait, hier encore, au cœur de la capitale. « Aujourd’hui (hier, NDLR), je ne vois pas de dispositif particulier, la vie reprend son cours. Mais j’espère que l’on ne s’habitue pas à cette situation. » Avec le temps, quels sentiments laisse cet épisode ? « Cela a déclenché des choses chez certains, avance-t-il. J’ai vu une mobilisation des citoyens comme rarement auparavant. Peut-être que nous nous étions perdus, ou tout simplement étions-nous endormis pour ne pas voir ce qui se passait alors. »

Julien Rigal (Boulevard Voltaire) : «Les terrasses sont pleines»

Boulevard Voltaire, aux portes du métro Charonne, Julien Rigal sert, comme à son habitude, les clients qui se pressent à la terrasse du Léopard, le soir du 13 novembre 2015. Il est un peu plus de 22 heures vendredi, le jour des soirées à thème. Cette fois, place au match, son de la télé coupé. Des coups de feu retentissent rue de Charonne, à deux pas de là. Julien Rigal ferme sa terrasse, met à l’abri ses clients à l’intérieur, baisse les lumières. La Belle équipe est à 50 mètres de là, où vingt personnes ont été tuées.

Aujourd’hui, ce natif de Saint-Hippolyte, dans le Nord-Aveyron, habite toujours le quartier, entouré par ces lieux frappés par la mort. « La vie reprend son cours, admet le patron du restaurant. Le Bataclan a rouvert, les restaurants qui ont été touchés aussi. Et les terrasses sont pleines. Si les touristes sont moins nombreux à Paris, je crois que les Parisiens eux-mêmes ont ressenti le besoin de sortir après ces événements, de se retrouver autour d’une table. » Julien Rigal confesse toutefois « que lorsqu’une voiture reste un peu trop longtemps stationnée devant mon restaurant, je me pose quelques questions ». « Mais cela ne dure jamais très longtemps. Paris a été frappé, puis d’autres villes : il y a eu Nice, Bruxelles. Malheureusement, nous sommes peut-être habitués à cet état d’urgence permanent, concède-t-il. D’un autre côté, de voir que nous ne cédons pas à cette peur me rend confiant pour l’avenir. »

La mythique salle parisienne de concerts et spectacles du Bataclan dans laquelle les terroristes de l'État islamique ont abattu 90 personnes le 13 novembre 2015 accueille Sting pour sa réouverture.
La mythique salle parisienne de concerts et spectacles du Bataclan dans laquelle les terroristes de l'État islamique ont abattu 90 personnes le 13 novembre 2015 accueille Sting pour sa réouverture. AFP

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