Sabrina Viguier, courant affectif

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    Sabrina Viguier, courant affectif
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Maxime Raynaud

Le 5 janvier dernier, l’ex-défenseur de Lyon ou Montpellier aux 93 sélections chez les Bleues a décidé de raccrocher. Joueuse de l’ombre, femme appréciée, la Laissagaise referme le livre d’une carrière toujours guidée par une seule chose : le plaisir.

C’était un jour normal au pays de Zlatan. Un après-midi frisquet à Malmö, troisième ville de Suède. Sur la pelouse, en ce 13 novembre 2016, les filles de l’IF Limhamn Bunkeflo viennent tout juste d’être éliminées de la coupe nationale par le prestigieux voisin de Rosengard (1-0). Le score est flatteur pour les pensionnaires de l’équipe de D2, seulement battues en fin de match par une formation croisant le fer en Ligue des champions. La joie est plus forte que le résultat.

Au milieu des effusions, Sabrina Viguier est en accord avec elle-même. À 36 ans, la défenseur central originaire de Laissac vient de disputer le tout dernier match de sa carrière et vit le moment intensément. Tant pis si une joueuse de son calibre, capée à 93 reprises chez les Bleues et vainqueur de deux Ligues des champions (2011, 2012), aurait sûrement mérité lumière plus intense que celle d’un gazon un peu anonyme de ce pays des meubles en kit qu’elle a adopté.

Comme toujours, Sabrina Viguier a le sourire grand et entier. «Cette fin me ressemble un peu car elle s’est faite dans la joie», dit-elle, plus de deux mois plus tard. Le corps pouvait encore La joie, toujours la joie. Les photos exhumées pour résumer plus de 15ans d’une carrière de très haut niveau ne mentent pas.

Même le 5janvier, jour de l’annonce officielle de sa retraite sportive, la grande blonde aux yeux bleus est restée fidèle à sa ligne de conduite. Et c’est avec le sentiment du devoir accompli, «sans regret», que les mots sont sortis de sa bouche. Sans gorge nouée. «C’était le moment, c’est tout. Je l’ai senti. Ça a été vite. Je ne l’ai pas réfléchi des mois et des mois. Je suis comme ça. D’une part très carrée, de l’autre je fonctionne à l’instinct.»

Cette fois, la petite voix lui a dit stop. Pas le corps, cet outil incroyable qui n’aura finalement cédé qu’une fois-une blessure aux ligaments croisés postérieurs du genou gauche pour deux petits mois d’absence en 2008-et aurait encore pu la porter sur de nombreux terrains. «Finalement, c’est peut-être la seule chose qui est dure à accepter. Mon corps pouvait encore», sourit-elle. Le sourire. Toujours.

«Je n’y peux rien, souffle-t-elle en s’excusant presque. Peut-être parce que j’ai beaucoup gagné, j’ai eu la chance de toujours prendre plus de plaisir que l’inverse. C’est le caractère aussi. Je positive.» Avec sa blondeur naturelle et cette propension à toujours tout ramener à la simplicité, on hésiterait presque à l’affubler du surnom de Lorie. Mais celle qui a chanté «la positive attitude» n’a franchement pas grand-chose à voir avec l’Aveyronnaise, épanouie dans les pas des talentueuses, «besogneuse» essentielle aux artistes de la balle ronde qu’elle a côtoyées partout où elle est passée. Jusqu’à se tailler une part de lumière. Avec fierté. «J’étais davantage une joueuse de l’ombre, décrit «Sabi», qui aura porté le même maillot que des monuments tels Sonia Bompastor, Corinne Diacre ou Camille Abily. Mais ça m’a fait plaisir d’avoir été vue. Même si je n’ai pas besoin de ça car je suis quelqu’un de discret.»

La foule de messages et félicitations reçue le jour de son arrêt lui a rappelé que ses 250 matches de Division 1 féminine n’étaient pas passés à l’as. Ces hommages, qu’ils soient d’anonymes ou d’ex-partenaires, l’ont «touchés». Tous autant les uns que les autres. «Car tous les gens m’ont marqué», glisse-t-elle. Sabrina Viguier ne fait pas de distinction. Pas plus qu’elle ne dresse de hiérarchie parmi ses titres. Pour elle, la coupe du Midi décrochée avec Lioujas trône sur la même étagère sentimentale que les Ligues des champions glanées avec Lyon ou le maillot frappé du coq. Elle retient la dimension «familiale».

Cette «base» lui permet de conserver son équilibre. Comme de poursuivre ses études de Staps puis l’enseignement d’EPS ou encore d’aider dans une cantine suédoise, expérience vécue lors de sa première virée chez les Vikings avec Göteborg (2014). Tout en menant en parallèle sa carrière. Ce besoin, cette fille d’un retraité d’EDF et d’une mère qui l’a élevé elle, son frère et sa sœur aînés, en est persuadée : «Aider les autres, s’occuper, je l’ai en moi. J’ai été élevée comme ça.»

«Vie de femme» et désir d’enfant

Loin du foot découvert à 6 ans à Laissac pour suivre son frangin à un entraînement dispensé par le paternel Francis, Sabrina Viguier a aussi dû apprendre à composer avec un ballon féminin de plus en plus professionnel. Sans le rejeter, elle a découvert le foot à plein-temps et le salaire qui va avec, à l’Olympique lyonnais.

«Cela n’a rien à voir avec les garçons mais j’avais du mal à dire que je vivais du foot. Comme une petite honte, confesse celle qui n’a jamais eu d’agent. Même maintenant, ça me fait encore bizarre. Enseigner l’EPS, servir dans une cantine, là tu sais pourquoi tu gagnes ton argent. Par exemple, je ne sais pas si j’aurais pu partir évoluer en Chine. Pour moi, le foot, c’est jouer.» Mais comme il fallait bien que ça s’arrête, la défenseur aux deux Coupes du monde (2003, 2011) et aux trois Euros (2001, 2005, 2009) a fini par tourner la page. Un jour de novembre dernier en Suède, elle s’est dit que sa «vie de femme» et son désir d’enfant devaient prendre le dessus.

Depuis, elle a posé sa valise et les maillots des huit clubs dont elle aura porté les couleurs. Comme on boucle la boucle, elle est retournée chez ses parents, à Laissac. Le ballon «ne (lui) manque pas», dit-elle. Mais elle s’entretient. Deux séances de badminton par semaine et «la gym à la télé, le matin avec Mohamed sur C8», se marre-t-elle. Sans oublier quelques entraînements à Lioujas, seul club aveyronnais 100% féminin de la carrière d’une joueuse jamais passée par le Raf. «C’est seulement pour m’amuser. Je me replace un peu moins, rit-elle. Mais je prends du plaisir.» Une autre conclusion aurait été étonnante. 

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