Jamie Swanson, rugbyman itinérant

  • Jamie Swanson : « Je suis venu en France pour le rugby mais aussi pour une expérience de vie ». José Antonio Torres
    Jamie Swanson : « Je suis venu en France pour le rugby mais aussi pour une expérience de vie ». José Antonio Torres
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Centre Presse / Romain Gruffaz

Cet été, il a refait ses valises, une nouvelle fois, la quatrième en quatre ans. Une tâche des plus banales à ce moment de l’année, mais qu’il a certainement accomplie avec moins d’effervescence que bon nombre d’autres personnes, eu égard à la lourdeur qui l’a caractérisée.

À l’heure d’emballer ses affaires, Jamie Swanson n’a, en effet, pas eu de choix à effectuer entre ce qu’il devait prendre et ce qu’il devait laisser. Chez lui, cette interrogation n’a trouvé qu’une seule réponse : tout, ce tout qu’il avait déjà emporté au mitan de 2014, lorsqu’il avait quitté son Écosse natale pour la France et Châteauroux, et qu’il a, depuis, encore enrichi du fruit de ses expériences à Bergerac et Dax.

Formé à Glasgow

Avant de découvrir le Sud-Ouest, terre d’ovalie, c’est donc par le centre du pays que le natif de Glasgow s’est familiarisé avec l’Hexagone. Une destination choisie, mais pour laquelle il opta dans le cadre d’un exil forcé. « En Écosse, il n’y a que deux équipes professionnelles : Edimbourg et Glasgow, confie le troisième ligne centre. J’ai été formé à Glasgow, j’ai passé quatre ans à l’université d’Edimbourg, j’ai joué avec la sélection nationale des moins de 20 ans, mais alors que je pensais être dans la voie pour intégrer l’une de ces deux équipes, on m’a fait comprendre qu’il y avait trois-quatre numéros huit devant moi et que la meilleure chose à faire était de trouver une opportunité ailleurs, en Angleterre ou en France. Quand j’ai quitté l’université, un agent m’a contacté et m’a parlé de la France. Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour réfléchir et j’ai choisi cette option. »

Alors âgé de 22 ans, l’ex-pensionnaire de la Société royale d’Edimbourg a donc quitté son île, ses proches, cet environnement dans lequel il avait grandi jusqu’alors, pour mettre le cap sur un univers radicalement différent, avec tout ce que cela induit.

« Au début, ç’a été très, très compliqué, surtout pendant les trois ou quatre premiers mois, se souvient-il. Je ne parlais pas un mot de français, j’avais des moments...(il marque une pause). En France, il y a beaucoup de papiers à faire, pour ouvrir un compte en banque, pour l’assurance de la voiture. J’étais tout seul et je me suis demandé : qu’est-ce que je fais ici ? »

Là où certains auraient baissé les bras et décider de rebrousser chemin, « baby boy », ainsi qu’il fut surnommé par ses coéquipiers castelroussins, a choisi de s’accrocher et de se montrer aussi solide sur le plan mental que sur le plan physique.

« C’était important de continuer et aujourd’hui, j’ai beaucoup plus confiance en moi. Je suis venu en France pour le rugby mais il s’agit aussi de ma vie. J’ai fait de gros efforts pour apprendre la langue et m’intégrer dans l’équipe, avec tous les mecs », dit-il, dans un français de grande qualité.

Titulaire d’un diplôme universitaire de médecine du sport  Une bonne chose, qui, j’espère, va m’aider plus tard dans la vie. C’était très important, surtout pour mes parents, que je ne fasse pas que du rugby »), l’ancien joueur du Stirling County RFC a pu vérifier, dès ses débuts au cinquième échelon national, que l’idée qu’il s’était faite du rugby tricolore collait à la réalité.

« Il y a un vrai jeu libre en France, ce qu’on appelle le “french flair”. J’ai vu des joueurs avec une très, très bonne technique, notamment dans le jeu à la main », détaille-t-il, avant d’admettre sa surprise concernant un autre point.

« En Écosse, la préparation pour un match à domicile est la même que pour un match à l’extérieur ; c’est aussi important, déclare-t-il. En France, ce n’est pas pareil. À l’extérieur, des fois, j’ai l’impression qu’avant même que le match commence, on a déjà décidé qu’on n’allait pas gagner. J’ai constaté ça dans toutes les équipes dans lesquelles j’ai joué. C’est bizarre. Peut-être que c’est dû au fait qu’en Écosse, on ne fait pas six heures de bus pour aller jouer quelque part, comme en France. »

Convaincu par le style de jeu qu’il a découvert, celui qui était décrit par Franck Varoqueux, entraîneur de Châteauroux, comme « un charmant garçon, très chouette », s’est nourri de cette différence de culture pour enrichir sa palette. « J’espère être un meilleur rugbyman aujourd’hui qu’il y a trois saisons », glisse-t-il timidement, en avouant son ambition « de faire un peu plus de “french flair”, petit à petit ». Un souhait qu’il pourra peut-être réaliser au SRA, qu’il a rejoint au cours de l’intersaison, après un an sous les couleurs de l’Union sportive dacquoise, formation qui lui a permis de goûter à la Pro D2.

« Avec Dax, la fin a été un peu compliquée. J’ai eu plusieurs blessures, notamment à la fin du championnat, qui ont tué ma saison (sic) et le club a décidé de ne pas me garder. J’avais beaucoup joué avant Noël, j’étais titulaire et j’avais montré que j’avais le niveau pour jouer là-bas, mais ç’a été vraiment compliqué et j’ai été déçu de ne pas rester. Je suis retourné en Écosse pour me soigner et Arnaud (Vercruysse, l’entraîneur, NDLR) m’a contacté. C’est grâce à lui que je suis venu à Rodez.

« On a eu un entretien sur Skype et au bout de cinq minutes, tout était clair. Il a très bien parlé du club, de l’ambition qu’il avait, de son envie de créer une équipe intéressante. ça me permettait de découvrir une nouvelle ville, une nouvelle expérience », éclaire-t-il, tout en prenant le soin de préciser, au sujet de ses changements successifs de maillot : « Il y a des situations où ça peut mal finir mais ça n’a jamais été le cas. Je cherche à repousser ma zone de confort et s’il y a une opportunité, je la saisis. J’ai la motivation de faire la meilleure carrière possible et les choses se sont passées comme ça, jamais parce que je n’étais pas prêt à rester ».

Aujourd’hui, celui qui partage la vie d’une Française se verrait bien s’installer de ce côté-ci de la Manche, même s’il n’exclut pas une nouvelle traversée, pour reprendre, peut-être, le cours de son histoire avec la sélection nationale, lui qui n’a défendu les couleurs du quinze du chardon que chez les juniors.

« J’ai eu la chance de jouer deux fois la Coupe du monde des moins de 20 ans, raconte-t-il. Ma famille est venue me voir en Afrique du Sud (2011) et en Italie (2012). C’était une grande fierté mais aussi une grosse responsabilité. J’en garde de très bons souvenirs mais aussi des regrets. Quand tu en es là, tu crois que c’est le moment le plus important de ta carrière mais ce n’est qu’une étape du chemin. Je faisais partie de l’Institute of sport, avec des joueurs comme Stuart Hogg et Jonny Gray, qui sont en équipe nationale maintenant.

J’avais dans ma tête qu’en faisant partie de ce groupe, ce serait super facile, alors que pour arriver au sommet, il faut du travail, du travail, du travail. J’ai peut-être été un peu arrogant, un peu confortable (sic), et cru que ça allait continuer alors que ç’a été l’inverse. Ce qui est ironique, c’est que si ça s’était passé autrement, je ne serais peut-être pas là où j’en suis aujourd’hui et pas en train de vivre cette expérience extraordinaire. »

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