L’esprit de l’art gutai japonais souffle sur le musée Soulages

  • Mino Yutaka devant un portrait de Yoshihara Jirô, le chef de file du mouvement gutai.
    Mino Yutaka devant un portrait de Yoshihara Jirô, le chef de file du mouvement gutai. Joel Born
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Joel Born

Dans le cadre des Japonismes 2018, le musée ruthénois présente des œuvres de ce mouvement pictural qui a marqué le renouveau de l’art japonais d’après-guerre. Et qui avait séduit Pierre Soulages.

À la fin des années cinquante, alors qu’il se trouvait au Japon où sa première toile fut exposée dès 1950, Pierre Soulages découvre l’art gutai. Il fut séduit par la démarche artistique de ce mouvement, en avance sur son temps, qui marqua le renouveau de l’art japonais d’après-guerre, principalement de 1955 à 1972, et dont la première exposition en plein air eut lieu un peu plus de 10 ans après l’explosion de la première bombe atomique, à Hiroshima. Un art, à contre-courant, voulant se démarquer de l’influence occidentale, auquel Pierre Soulages était déjà très sensible. Un art qu’Européens et Américains ont découvert, à l’époque, grâce au critique d’art français Michel Tapié, qui a permis à gutai d’accéder à une reconnaissance internationale.

Tradition et modernité

" J’adore le Japon, d’abord pour son art de vivre, puis pour le nombre étonnant d’individus vraiment créateurs, tant dans le secteur de la plus avancée des aventures de l’authentique avant-garde, que dans celui en quelque sorte plus étonnant, pour nous Occidentaux, d’une merveilleuse tradition vivante ", écrivait alors le petit-neveu de Toulouse-Lautrec, dont la mémoire reste toujours vivante et précieusement gardée, non loin d’ici, dans le château aveyronnais du Bosc.

Plus d’un demi-siècle plus tard, les visiteurs du musée Soulages sont appelés, à leur tour, à découvrir ce mouvement artistique encore méconnu du grand public, à travers l’exposition " Gutai, l’espace et le temps ". Cette exposition, remarquablement scénographiée par le Ruthénois Olivier Arnaudo, comprend une quarantaine d’œuvres, dont seize tableaux, " rares et très peu montrés ", prêtés par le musée d’art départemental de Hyôgo, à Kobé, ainsi que des documents, films et photographies. Plusieurs autres œuvres proviennent du Centre Pompidou, du musée Cantini de Marseille, des Abattoirs de Toulouse et de collections privées.

Sobriété

" Nous avons voulu une exposition aérée dans un esprit très discret, sobre ", a commenté le directeur des musées de Rodez Agglomération, Benoît Decron. Quand il parlait de son mouvement, Yoshihara Jirô, son chef de file de 50 ans, évoquait " le jardin d’enfants, la maternelle. " La plupart des artistes de gutai étaient, en effet, de jeunes artistes. Parfois très jeunes. Matsutani Takesada en était.

Originaire d’Osaka, il vit à Paris, depuis 1966, et a gardé l’esprit de gutai. Plusieurs de ses œuvres, dont certaines de sa période parisienne, plus récente, sont présentées lors de cette expo. " On avait tout perdu. On a dit, on recommence à zéro, a-t-il expliqué, hier, devant les journalistes. Ce ne sont pas des œuvres réfléchies, ce sont des œuvres vivantes. Pour nous, il était important de mettre en valeur la matière et le souffle de l’esprit. "

" L’art concret ne transforme pas la matière, il lui donne vie ", affirmait le maître Yoshihara Jirô, qui appréciait tout particulièrement la peinture de Soulages, dans le manifeste de l’art gutai, en 1956. Novateur, dans un Japon encore traumatisé par les ravages de la guerre, le mouvement n’en est pas pour autant provocateur. " Il y a plus du jeu ", souligne Benoît Decron. Les artistes de gutai étaient des adeptes d’une peinture gestuelle, dans des mises en scène, que l’on appelle depuis des performances. Plusieurs femmes, dont Anaka Atsuko, connue pour sa Robe électrique, faisaient partie du mouvement, qui les considérait comme des artistes à égalité avec les hommes.

Cette exposition, qui s’inscrit dans la programmation nationale des Japonismes 2018 et préfigure une exposition Soulages à Kobé, en 2019, pour célébrer le centenaire du peintre natif de Rodez, démontre, une fois de plus, comment l’art et la culture rapprochent les hommes et les peuples.

L’art gutai, l’espace et le temps, musée Soulages, du 7 juillet au 4 novembre. 

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