Bozouls. Marcel Mézy, portrait d'un homme qui y croit dur comme vert
Depuis le début des années 80, il est persuadé qu’une grande partie de la « solution écologique » se situe dans les micro-organismes. Son procédé, toujours secret, semble lui donner chaque jour un peu plus raison.
À l’entrée du village de Grioudas, entre Bozouls et Montrozier, en plein causse, on est marqué par l’éclat de ces belles bâtisses en pierres qui vous accueillent. On aperçoit au loin quelques chevaux qui paissent tranquillement. Sans doute ceux de Marcel Mézy. Car des chevaux, il en a. Beaucoup. Parce qu’il aime cela, certes. Mais aussi parce qu’ils apportent une des principales matières organiques à son fertilisant naturel considéré par le professeur Marcel Mazoyer, aujourd’hui son ami, comme étant « la troisième révolution agricole ».
Ce fertilisant naturel est une sorte de compost, qui a la capacité de permettre aux terrains de retenir l’humidité et le carbone, réduisant considérablement la nécessité d’un recours aux produits phytosanitaires et à l’irrigation. Une « bombe verte », en somme.
Ce terme de « troisième révolution agricole » fait toujours sourire Marcel Mézy. Lui, l’autodidacte, n’en revient toujours pas des propos de ce professeur émérite d’agriculture comparée et de développement agricole à AgroParisTech, où il a succédé à René Dumont, premier candidat écologiste de France.
Mais Marcel Mézy a souri un peu jaune, cette fois-ci, quand il a entendu tout le ramdam fait autour de l’écologie cet été après la démission de Nicolas Hulot. Ce n’est pas tant le départ de Hulot qui l’a mis en colère. Lui qui, dans les années 1970, s’essayait déjà à la vente de produits bio, ne comprend pas que le glyphosate soit toujours en vente. « C’est une catastrophe. C’est un véritable poison. Comme l’on travaille beaucoup avec les agriculteurs, je sais que l’on n’aime pas que j’aille sur terrain-là, mais franchement, le glyphosate non. Je sais les effets que cela a sur le sol. »
Cela fait très longtemps que Marcel Mézy hume la terre. L’observe. Persuadé, et sa trouvaille semble lui donner raison, que la solution pour maintenir à la terre toute sa richesse tout en la cultivant se trouve dans le compost. Dans la nature en somme. Pas dans la chimie.
Rapidement, Marcel Mézy va toutefois comprendre que ce qui est évident pour lui ne l’est pas forcément pour les autres. Qui plus est quand on garde secret son procédé. Aujourd’hui, à 77 ans, par l’entremise de son entreprise Sobac, avec ses trois associés Raymond et Patrick Fabre, et son fils Christophe Mézy, il continue à déployer toute son énergie à convaincre. Toute la harde de commerciaux de la Sobac multiplie les interventions dans les exploitations, en Aveyron, comme à Cruéjouls la semaine dernière, et partout en France. Des commerciaux qui font parler la nature. Profils de sols, effets sur les lisiers, détails techniques... Année après année, les témoignages en faveur de son procédé se multiplie.
En 2015, il s’est laissé convaincre par Pauline Blanquet, docteur en biologie, d’ouvrir un laboratoire.
Un procédé... secret
De quoi cautionner un peu plus l’impact de son fertilisant « secret ». « Il nous manquait ce dernier maillon et nous sommes maintenant les seuls à mesurer scientifiquement de façon aussi précise ce que nous faisons. Tous ceux qui nous ont fait confiance méritaient bien qu’on franchisse ce nouveau palier. C’est aussi une façon de les remercier car, sans eux, nous ne serions rien », écrit-il sur le blog de « Pour la santé de la terre et du vivant ».
« Ce laboratoire, je l’ai monté sur mes deniers propres. Nous séquençons les micro-organismes. Nous savons le rôle de chacun des composants. On comprend un peu plus encore comment ils agissent. » Toutes les analyses réalisées dans ce laboratoire sont répétées dans des laboratoires indépendants, histoire de faire taire tous ceux qui, comme au début de la mise en vente de ce produit, parlaient de « poudre de perlimpinpin ». « Et ils trouvent la même chose que nous », sourit-il.
Sa petite fille, Chloé, ingénieur en biologie, œuvre également au sein de ce petit laboratoire. Elle est en quelques sorte le relais scientifique de son grand-père. « Nos recherches nous permettent d’avancer à grands pas pour apporter notre soutien à d’autres problématiques. Comme celle de la qualité de l’eau. »
Convaincre, encore et toujours
Car la problématique se déplace aussi sur le terrain économique. Utiliser son procédé, c’est également réduire considérablement les intrants dans une exploitation. Et donc faire vaciller un pan de l’économie. En Bretagne, un important marché a échappé à la Sobac sur cet autel-là. Mais les temps changent. « L’urgence écologique » nécessite de revoir les habitudes. Et pas seulement en France.
Cet hiver, Marcel Mézy et sa petite-fille, entre autres, sont allés au Canada. Dans le Saskatchewan, au centre du pays. L’ouverture d’une unité de production du « Procédé Mézy » y est imminente. Au gré de ses rencontres lors des différents sommets sur le climat - la Sobac sera d’ailleurs la seule entreprise agricole française à participer à la Cop 24 en Pologne dans quelques semaines - il mesure chaque jour un peu plus la nécessité de stopper les dérives chimiques sur le sol. « Et l’on peut fabriquer notre procédé sur n’importe quel continent », assure-t-il. Une expérience des plus concluantes a ainsi été menée sur le sol africain, pour faire notamment face à la salinisation de certains sols.
Petit à petit, un regard de plus en plus intéressé est porté sur Marcel Mézy. Mais au fond, il n’y a pas meilleur argument que sa quête « naturelle ». Elle séduit tous ceux qui croisent sa route, hormis ceux qui pourraient y perdre un intérêt économique. Pas de quoi lui faire poerdre son sourire.
Il voit même l’avenir de la planète avec un véritable optimisme. Si, si... Il n’aime d’ailleurs pas le pessimisme de Nicolas Hulot. « Il y a quelques années, on m’avait approché pour adhérer à la fondation Hulot. J’ai accepté. On avait été invité à voir son film à Montpellier. Tout était noir dans ce film. Pas un brin d’éclaircie. Après la projection, un enseignant s’est levé, en colère et a lancé à Hulot : que voulez-vous que je dise à mes étudiants après cela ? J’étais le seul à applaudir ce propos dans la salle...»
Marcel Mézy dit voir l’avenir en bleu. C’est sa couleur de l’espoir. « Je crois très fort à la puissance des micro-organismes. Ils sont à l’origine de notre présence sur terre. Je crois à la recherche dans ce domaine pour la santé, notamment la maladie d’Alzheimer ».
À 77 ans, beaucoup de choses le démangent. Comme dévoiler le secret de son procédé. « Mais on m’a convaincu que cela pourrait avoir l’effet inverse de ce que j’espère. »
À Grioudas, derrière ces belles bâtisses en pierres qui abritent le cœur de son entreprise, Marcel Mézy, surnommé « Homo humus de l’Aveyron » par un journaliste du Monde, sent, plus que jamais, qu’il a vu juste.
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