À Réquista, le malaise gagne une jeune médecin…

  • À la maison de santé de Réquista, il manque au moins un médecin.
    À la maison de santé de Réquista, il manque au moins un médecin.
Publié le , mis à jour
François Cayla

À 33 ans, le docteur Chhoy Chi Roquefère dit avoir de plus en plus de mal à concilier travail et vie de famille, par manque de temps et d’une équipe plus étoffée.

Le docteur Chhoy Chi Roquefère ne cache plus sa lassitude. À 33 ans, la jeune médecin généraliste exerce depuis janvier dernier à Réquista. Formée à Tours, elle a d’abord rejoint la Gironde, avant de prendre le chemin de l’Aveyron et de la maison de santé pluridisciplinaire (MSP) de Réquista, où elle a remplacé poste pour poste le docteur Ricard, qui a fait valoir ses droits à la retraite fin 2017. Aujourd’hui, Chhoy Chi Roquefère tire la sonnette d’alarme. Car si trois médecins sont actuellement rattachés à la MSP réquistanaise, dont un qui n’exerce pas à temps complet, selon elle, "ce n’est pas suffisant".

Des heures à n’en plus finir

"Un de mes confrères est obligé de faire des heures à n’en plus finir, explique la jeune médecin. Moi, je n’en suis pas loin. La situation est de plus en plus tendue. Une journée de travail commence très tôt par quelques visites à domicile, avant le début des consultations en cabinet à partir de 9 heures. Entre midi et deux, après une pause déjeuner ultrarapide, nous effectuons à nouveau quelques visites à domiciles, avant de reprendre les consultations en cabinet vers 14 heures et jusqu’à 20 heures dans le meilleur des cas. On fait au mieux pour satisfaire nos patients, mais cela devient vraiment très difficile, sachant que l’on doit aussi conserver des plages horaires pour traiter les urgences."

Et Chhoy Chi Roquefère de mettre en avant sa situation familiale, qui pâtit visiblement de cet emploi du temps qui, par ailleurs, inclut ponctuellement des gardes en semaine et lors des week-ends. "Mes collègues sont des hommes et sont arrivés à un âge où leurs enfants sont grands. Moi, je suis une femme et j’ai un petit garçon de 3 ans. J’ai envie de le voir grandir, de ne pas passer à côté de plein de choses, de ne pas sacrifier ma vie de famille."

Fixer les jeunes, c’est dur

Comme ses deux collègues de la MSP de Réquista, Chhoy Chi Roquefère travaille au sein du réseau "Pôle de Santé du Réquistanais et des sept vallons", dans lequel se rajoute un médecin. Mais ce réseau couvre un territoire très vaste et concerne plus de 8 000 patients potentiels. Si le contexte rural ne la gêne pas, bien au contraire car elle l’a choisi délibérément, c’est évidemment le manque de praticiens qui fait émerger des doutes quant au maintien de son investissement pour la médecine de campagne à l’aveyronnaise.

"C’est vrai que je pourrai m’interroger sur mon avenir ici si rien n’évolue, souligne la médecin. Nous avons pourtant des atouts pour attirer des jeunes. La MSP, qui offre de bonnes conditions de travail, un cadre de vie agréable. Malgré tout, pour l’heure, ça ne marche pas, alors que nous aurions besoin, au minimum, d’un médecin supplémentaire, voire même deux. Les internes qui passent par ici ne restent pas. Ils ont étudié dans des CHU où ils ont pris leurs habitudes, noué des relations. Les faire s’installer à la campagne, c’est dur."

Quant au Plan santé récemment présenté par le gouvernement, il ne semble pas de nature à rassurer Chhoy Chi Roquefère. "Sincèrement, tout ça me semble assez opaque. En attendant d’avoir des informations plus détaillées, j’ai quelques doutes sur la réussite de ce plan. Il sera peut-être bénéfique aux médecins de ville. En milieu rural, je ne suis pas sûre…"

 

La situation en Aveyron n’est pas si critique

Michel Causse, maire de Réquista et ancien médecin, concède que "pour bien fonctionner, la maison de santé doit s’appuyer sur quatre médecins. À mon époque, nous étions cinq, mais les conditions de travail étaient bien différentes. Attirer des jeunes reste encore difficile. Mais je reste optimiste. Plusieurs outils de recrutement ont été activés et je pense que nous allons y arriver."

Cet optimisme est partagé par le docteur De Labrusse, président de l’Ordre départemental des médecins. Pour ce dernier, il est important de souligner que "les situations peuvent évoluer rapidement. Il y a quelques mois, à Bozouls, on n’avait plus aucun médecin. Très bientôt, ils seront quatre à travailler sur ce secteur, sachant bien que chaque secteur a sa propre vérité. Il faut aussi savoir qu’en France, il n’y a que deux départements qui présentent un excédent d’installations (différence entre les arrivées et les départs de généraliste, NDLR) : la Moselle et l’Aveyron. En 2017, nous avons compté 21 installations, à rapprocher de statistiques qui font apparaître que, ces dernières années, 9 % des jeunes internes qui sont passés par le département s’y sont installés, contre 1 % dans le Gers et 11 % en Haute-Garonne. Pour Réquista, je suis optimiste."

Et même si bon nombre de médecins aveyronnais ne partagent pas vraiment cet avis, le docteur De Labrusse va encore plus loin dans son optimisme : "Dans tout le département, quand les anciens partiront, les jeunes arriveront. Mais il faut aussi bien faire passer le message aux patients que ces changements ne se feront pas sans un nouveau modèle de fonctionnement. La médecine de demain ne sera pas celle d’hier."

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