Douleur chronique: 30 ans d'avancées compromises par le manque de moyens

  • Il faudrait former 30 à 35 médecins de la douleur chaque année pour permettre le seul renouvellement des effectifs des centres actuels.
    Il faudrait former 30 à 35 médecins de la douleur chaque année pour permettre le seul renouvellement des effectifs des centres actuels. Albina Glisic / Shutterstock
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Relaxnews

(AFP) - La prise en charge de la douleur, qui avait fait de grands pas en France depuis le premier "plan douleur" de 1998, est menacée faute de moyens, alors que 20 millions de Français souffrent de douleurs chroniques.

"C'est une catastrophe. Les pionniers vont partir ou sont partis, il y a un manque de successeurs et plusieurs centres de la douleur sont menacés de fermeture", a lancé lundi le professeur Patrice Queneau, co-auteur d'un rapport alarmant de l'Académie de médecine sur les douleurs chroniques et auteur de plusieurs ouvrages grand public comme "Soulager la douleur".

Les "structures spécialisées douleur chronique", ou SDC, mises en place par des pionniers de la douleur à partir des années 1990, verront la moitié de leurs médecins partir d'ici à 2025, et 16 d'entre elles sont menacées de fermeture, selon ce rapport voté à la quasi-unanimité par l'Académie.

Alain Serrie, qui a ouvert la première "structure spécialisée douleur chronique" de l'Hexagone à l'hôpital Lariboisière en 1998 et qui enseigne la médecine de la douleur et les soins palliatifs, souligne qu'ils ne sont que quatre enseignants de cette spécialité en France.

L'Académie de médecine s'inquiète du remplacement du diplôme d'études en deux ans "médecine de la douleur et médecine palliative" par une simple formation spécialisée transversale d'un an seulement.

Il faudrait former 30 à 35 médecins de la douleur chaque année pour permettre le seul renouvellement des effectifs des centres actuels.

Alain Serrie rappelle que 4,2 millions de personnes souffrent en France de douleurs rebelles, invisibles à l'examen, et pour lesquelles les centres de la douleur sont indispensables.

"Il y a une petite dizaine de maladies pour lesquelles on n'a pas d'explications, tous les examens sont normaux, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'anomalie", relève-t-il, citant les fibromyalgies, les douleurs chroniques aux coccyx, les vessies interstitielles (une envie d'uriner jusqu'à 25 fois par jour), l'intestin irritable, les névralgies faciales, les céphalées quotidiennes, etc.

- Malades en errance -
"On voit beaucoup de malades en errance à la recherche d'un médecin qui les écoute, et plus encore, qui les croit", ajoute le Pr Queneau. Combien de patients se sont vus répondre "c'est dans votre tête", sans plus d'explication?

Les centres de la douleur, avec leur caractère pluridiciplinaire regroupant neurologues, rhumatologues, psychologues, infirmiers, etc. sont précieux pour prendre en charge ces patients, dont certains nécessitent plusieurs mois de suivi, comme les migraineux qui souffrent de céphalées quotidiennes à la suite d'une surconsommation de triptans (traitements contre la migraine), et qu'il faut parfois hospitaliser pour les sevrer.

Les SDC prennent en charge 5.000 patients par centre et par an, avec un délai moyen d'attente de trois mois et le nombre de demandes de consultations "croît continuellement", avec le vieillissement de la population et les progrès thérapeutiques, qui permettent des survies plus importantes de malades, de cancer notamment, mais laissent des douleurs rebelles.

"Combien de femmes sont guéries de leur cancer du sein mais gardent une douleur à l'épaule ou au bras, voire au sein alors qu'il a été enlevé, ce qu'on appelle le sein fantôme", décrit le Pr Queneau.

L'arsenal thérapeutique des centres de la douleur va au-delà des médicaments conventionnels et recourt parfois à l'hypnose, à la méditation en pleine conscience. Le recours à petites doses à des spécialités qui ne sont pas sur le marché (hors AMM) comme la kétamine (un anesthésiant) permet parfois de soulager des douleurs rebelles à tout traitement classique.

Les patients qui arrivent dans les centres de la douleur sont pour la plupart adressés par le généraliste pour une douleur chronique - plus de six mois - et rebelle aux antalgiques.

Outre la consolidation du réseau existant et le renforcement de la formation à la douleur dans les facultés de médecine, l'Académie préconise de relancer la recherche clinique et fondamentale.

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