Villefranche-de-Rouergue. Le mur de la connaissance

  • Le mur de la connaissance
    Le mur de la connaissance
Publié le
Centre Presse

Louis Bodin ne cache pas qu’au-delà de 6-7 jours, les prévisions météo n’ont pas de sens. Et ne parlons pas des prévisions saisonnières. "On ne sait pas faire." Il parle d’un "mur de la connaissance" presque infranchissable, qui s’arrête à une semaine, même avec des outils de prévision de plus en plus performants, notamment des satellites. "Je ne suis pas sûr que l’on puisse mettre un jour la météo en équation", lance-t-il. "Le climat a toujours connu des fluctuations naturelles. L’on doit accepter son côté aléatoire", souligne-t-il avec philosophie.

Quant aux dictons érigés en principe par les anciens, si certains ont du sens, comme ceux basés sur l’observation des nuages, de la couleur du ciel ou du changement de vent, Louis Bodin conseille d’oublier les autres. Il en est ainsi des phases de lune. "Si les changements de lune agissent sur les humains et la végétation, ils n’ont aucune influence sur la météo."

Louis Bodin, figure de la météo sur TF1 (il présente aussi les bulletins sur RTL), était, mardi soir à Villefranche, invité par Groupama dans le cadre de l’assemblée générale de ses caisses locales pour donner une conférence intitulée "Météorologie et évolution climatique". Un nombreux public s’était déplacé pour écouter celui qui, pour beaucoup, fait la pluie et le beau temps. Un homme abordable, disponible, qui maîtrise son sujet et qui tient un discours de vérité. Rencontre avec un passionné.

Comment devient-on présentateur de la météo ?

"Je suis d’abord un scientifique. Après maths sup et maths spé, j’ai intégré l’école nationale de météorologie dont je suis diplômé. Je suis un des seuls présentateurs prévisionnistes. Ce qui me permet de modifier le commentaire jusqu’au dernier moment face à une information nouvelle.

Comment êtes-vous venu à vous intéresser à la météo ?

Je suis passionné par plusieurs sports où les connaissances en matière de météorologie sont fondamentales : la voile, l’aviation, la montagne et le ski. C’est principalement grâce à la voile que j’ai beaucoup pratiquée. Pour un Breton, c’est assez normal. J’ai quinze ans de courses au large (il a notamment gagné Québec-Saint-Malo en 2000, NDLR). J’ai été le routeur météo de plusieurs navigateurs : Florence Arthaud sur la route du Rhum, Loïc Peyron, Laurent Bourgnon, Paul Vatine. À l’origine, je voulais devenir skipper professionnel.

Et vous êtes météorologue ou météorologiste ?

Je préfère le deuxième terme. Il est moins pompeux.

Et votre arrivée dans les médias.

Être routeur m’a fait connaître. En 1995, j’ai été appelé par la Chaîne météo. En 2009, je suis devenu consultant scientifique sur I Télé puis je suis rentré en 2010 à TF1. Et depuis 2002, je suis rédacteur en chef adjoint chargé du service météo à RTL.

C’est pour vous quelque chose d’exaltant de présenter la météo ?

Moi qui aime transmettre, échanger, j’ai trouvé là un terrain de jeu extraordinaire. Il faut garder constamment le souci de raconter au mieux une matière universelle qui est aussi une science jeune. Il faut essayer de la faire vivre. Sur TF1, nous n’avons pas de prompteur. Nous improvisons.

Les téléspectateurs ou les auditeurs voudraient que vous n’annonciez que de bonnes nouvelles…

La météo apparaît comme un marqueur de l’évolution de notre société. Les exigences sont de plus en plus fortes. Il faudrait que je sois un devin. Mais il faut garder du bon sens, le climat a un côté aléatoire qu’il faut accepter.

Justement, les récents évènements dramatiques qui ont frappé le département voisin de l’Aude étaient-ils prévisibles ?

Je voudrais d’abord préciser que les épisodes cévenols existent depuis toujours. En 1900, il y a eu quatorze ponts emportés en Lozère et en 1923 on a dénombré des centaines de morts. Leur fréquence n’est pas plus grande qu’autrefois. À présent, on peut espérer dans les 5-6 ans une prévision plus précise à l’intérieur d’un département.

Pour affiner les alertes ?

Ces alertes sont le principe de précaution érigé en loi. Mais c’est totalement illusoire. La nature sera toujours la plus forte.

Beaucoup y voient la conséquence du réchauffement climatique.

Je répète que ces phénomènes extrêmes ont toujours existé. Le réchauffement climatique, c’est autre chose, qu’il faut distinguer de ces épisodes. Mais il ne faut pas le renier. La météo agit comme un marqueur suffisamment fort qui nous dit que l’on doit changer. Nous avons la responsabilité de cette planète. Il n’y a pas que le CO2 qui doit nous alerter. Qu’est-ce qu’on fait de la démographie, avec une augmentation de 30 % de la population d’ici 30 ans avec 10 milliards d’êtres humains. L’équilibre des continents, l’éducation des gens, c’est tout cela qu’il faut voir. La météo apprend à connaître le monde. Les nuages n’ont pas de frontière. Nous avons une responsabilité par rapport aux générations futures, cela doit nous inciter à réagir. La météo est là pour nous rappeler notre devoir de citoyen.

Vous semblez prendre un goût particulier aux conférences.

Cela me permet de donner aux citoyens les armes pour leur réflexion.

Et animer une émission scientifique à la télévision ?

J’en rêve. Je voudrais le retour d’"Ushuaïa nature". Je milite pour ça. Cela me paraît le moment. Mais il y a le diktat de l’audience, surtout sur TF1. Une telle émission donnerait une dimension plus pédagogique et remettrait de l’intelligence humaine et de la bienveillance".

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?