"Silvio et les autres": Berlusconi vu par Sorrentino et Servillo

  • "Silvio et les autres" de Paolo Sorrentino arrive le 31 octobre dans les salles françaises "Silvio et les autres" de Paolo Sorrentino arrive le 31 octobre dans les salles françaises
    "Silvio et les autres" de Paolo Sorrentino arrive le 31 octobre dans les salles françaises Courtesy of Pathé Distribution
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Relaxnews

(AFP) - Raconter Silvio plutôt que Berlusconi, tel est le défi périlleux, parfois vain, de "Silvio et les autres", dans lequel excelle pourtant l'acteur Toni Servillo, qui concède avoir joué là son "rôle le plus difficile" en cinq films avec Paolo Sorrentino.

Attendu en mai à Cannes, où le réalisateur de "La Grande bellezza" présente ses films depuis quinze ans, "Silvio et les autres" a cette fois éclos dans son pays. D'abord parce qu'il a été monté en deux parties, ce qui compliquait sa diffusion cannoise, ensuite parce que le sujet est autant Silvio Berlusconi que les Italiens.

C'est dans sa version internationale de quelque 2H30 que ce long-métrage sort mercredi en France, précédé d'une réputation aussi sulfureuse que le furent les soirées "bunga-bunga" du "Cavaliere", dont il est pourtant peu fait état ici.

Si portrait décadent il y a, il est plutôt à chercher chez ces "autres" avides de pouvoir, obsédés par le sexe et la drogue.

Car pendant la première heure, le film dépeint la frange de la société italienne la plus amorale et arriviste qui soit. Celle qui rêve d'approcher le milliardaire, trois fois chef du gouvernement italien. Celle qui l'a même tatoué sur les fesses. Ce que s'amuse à filmer Sorrentino avec sa virtuosité et son excès habituels, sans s'épargner la vulgarité qu'il fustige.

Qui sont-ils ces Italiens? Pour beaucoup, jeunes et beaux, enfants de la télé berlusconienne; pour certains, vieux et pathétiques, depuis longtemps serviles. Tous le vénèrent, le craignent et veulent pénétrer ou rester en son cercle doré.

"Le film s'intitule en italien +Loro+, qui signifie +eux+. Si on met une apostrophe, ça devient +l'oro+, l'or. Je ne crois pas qu'+eux+ soient ses créatures et lui un Dr. Frankenstein. Je crois que +les autres+ dont il est question sont ceux qui ont cru que leur médiocrité pouvait être récompensée", estime Servillo.

- "Sourire figé, optimisme constant" -
Dans sa seconde partie, plus audacieuse, le film se concentre sur Silvio. On découvre un homme de 70 ans qui s'ennuie dans sa somptueuse propriété sarde, tente de sauver son mariage et se montre aussi un grand-père facétieux.

"J'avais quelques doutes quand Sorrentino m'a proposé le rôle. Mais lorsque j'ai compris que son approche consistait à éloigner Berlusconi des palais de la République et des écrans de télévision, j'ai été convaincu. Il voulait pénétrer l'intimité de l'homme, le montrer sous une lumière inédite. Ce défi méritait d'être relevé", dit-il.

Ce que l'acteur de 59 ans parvient à faire sans outrance malgré l'exubérance du personnage, dix ans après avoir incarné, déjà chez Sorrentino dans "Il Divo", un autre homme politique plus ombrageux mais aussi important, Giulio Andreotti (trois fois président du Conseil).

"Andreotti, je me l'étais figuré comme un prince de l'église, proche de la curie. Berlusconi, je l'ai vu comme une star hollywoodienne. De son sourire figé irradie l'optimisme constant des illusionnistes, qui finit par recueillir le consensus. Comme s'il nous disait à chaque fois que le meilleur est à venir et que c'est lui qui nous l'apportera. Berlusconi c'est +avant moi le déluge, après moi le déluge+", résume Servillo.

Si Silvio suscite une certaine empathie, Berlusconi n'est jamais loin. L'animal politique sommeille mais se réveille parfois. Pour mieux préparer son retour, tel un messie, ou pour conseiller son petit-fils de bien mentir, "car le plus important est d'être cru".

Toni Servillo a "beaucoup cherché le ton juste" en jonglant entre ces deux personnalités. "D'autant qu'il y avait au départ un scénario fleuve de 200 pages, riche en occasions pour présenter Berlusconi sous toutes ses facettes et en toutes circonstances."

Ainsi, parmi les "autres" se trouve son épouse, sur le point de le quitter et que Silvio, nullement dénué de tendresse, d'humour et de persévérance, tente de retenir. Une relation plombée par une hypocrisie réciproque. Au point qu'il soit possible d'y voir ici une parabole de celle qui lie Berlusconi aux Italiens.

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