La cantatrice Emma Calvé était une grande patriote

  • Emma Calvé interprétant la Marseillaise, à New York, dans les plis du drapeau tricolore. Emma Calvé interprétant la Marseillaise, à New York, dans les plis du drapeau tricolore.
    Emma Calvé interprétant la Marseillaise, à New York, dans les plis du drapeau tricolore.
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Centre Presse Aveyron

Christian Bernad dresse le portrait d'un personnage hors norme dont le talent a marqué le monde entier, notamment durant la Grande Guerre. 

Emma Calvé, la grande cantatrice est née à Decazeville, le 15 août 1858, dans ce Bassin où son père entrepreneur boisait les galeries de mines. Elle passera une partie de sa jeunesse du côté de Tournemire, Saint-Affrique et Millau, fréquentant diverses institutions d’éducation. Brillante élève, elle réussit le concours d’entrée des PTT, mais déjà sa voix la distinguait, si bien que l’évêque Monseigneur Bourret, au cours d’une fête d’école à Saint-Affrique aurait dit : "C’est la voix du bon Dieu que cet enfant a dans la gorge, il faut qu’elle fasse carrière."

Sa mère, ambitieuse pour sa fille, n’hésitera pas à la faire monter à Paris, pour qu’elle poursuive des études de chant ; elle intègre l’école du comédien, chanteur, Jules Puget, remarquable pédagogue. C’est lui qui lui conseille d’abandonner le "T" de son vrai nom, Calvet.

Une grande diva

Après une scolarité sérieuse et un harassant travail de la voix, elle put se faire remarquer pour devenir la brillante diva qui séduira le monde entier. Elle chante à Milan, Rome, Florence, Venise, Naples, Madrid, Grenade, bien entendu Paris, Londres, New York où les Américains en 1894 affectent un train spécial pour qu’elle puisse faire le tour des États-Unis. Elle ira aussi en Russie, en Allemagne, en Algérie. Il suffit de lire son livre "Sous tous les ciels, j’ai chanté" pour se rendre compte de sa célébrité internationale. Aucun artiste français n’a connu un tel succès. Sa grâce, son physique andalou, sa gestuelle chaloupée élégante, séduit le public attirent particulièrement la gent masculine.

"L’unique Carmen"

Elle exulte, triomphe dans la "Carmen" de Bizet, qu’elle interprète, paraît-il plus de 1 400 fois. En 1898 les manchettes de journaux, de New York affichaient : "Calvé, la seule, l’unique Carmen". Elle sera aussi brillante dans tous les grands classiques de l’Opéra. Elle aime son pays, le Rouergue, elle sait chanter en Occitan. Déjà dans la presse en 1905, elle dit sérieusement qu’elle ira, avec joie finir ses jours parmi les paysans, "ce qu’elle fera." La fortune qu’elle a gagnée est considérable. Ce même journal parisien, prétend que "Melle Calvé possède assez de rentes pour dépenser, à elle seule, autant que 300 fermiers ruthénois !"

Femme de cœur

Emma Calvé est une femme de cœur, elle fonde un orphelinat pour les enfants en difficultés. Cette générosité va s’exprimer, dès les débuts de la guerre 1914-1918, comme le cite si bien son biographe, le regretté Georges Girard. En décembre 1914, elle part pour l’Amérique, afin de recueillir des fonds pour la Croix Rouge Française, destinés à soigner les blessés. "À mon tour de faire mon devoir, écrit-elle. Ma pauvre mère éplorée, mes amis, disent qu’il y a grand danger, de traverser l’Atlantique à cause des torpillages. Et après ? Est-ce que nos soldats hésitent à aller au front ?"

Elle engrange des recettes impressionnantes qu’elle transmet à l’Ambassadeur de France : des milliers de dollars. En avril 1915 au Théâtre Lafayette de New York, elle voulut que "la soirée fût donnée au profit de la Croix Rouge. Elle chante “La Marseillaise”, sa voix tremble un peu, mais elle se ressaisit. “Le Chant du Départ”, le “Clairon” de Déroulède eurent un succès indescriptible Au milieu des acclamations, la grande soprano déploya notre drapeau tricolore sur le sol des États-Unis".

Devant 30 000 personnes

Dans ses courriers, elle n’était pas tendre avec les Allemands "les barbares s’occupent en ce moment, de massacrer là-bas, nos chers martyrs, qui sacrifient leur vie… ces monstres." En 1916, au Bazar des Alliés-Central Palace, 30 000 personnes l’acclamèrent dans un programme patriotique ou elle interprète aussi "La Marseillaise" vêtue en Alsacienne et drapée dans les plis du drapeau tricolore. La quête dans un casque rapporte 50 000 dollars. à San Francisco, la diva à la demande du public chante le "Clairon" de Déroulède, c’est alors que 200 Allemands environ dans la salle, se mirent à la siffler ; les spectateurs vexés se lèvent et crient "Vive la France, à bas les Boches !" Au lendemain de la Victoire du 11 novembre 1918, Emma Calvé continue d’agir pour les orphelins de guerre et pour les blessés. La grande dame, "la Cigale" si riche, si généreuse terminera sa vie dans la misère, au château de Creissels, chez Mme Hubin et au couvent des sœurs du village. Elle meurt à Millau le 5 février 1942.

Ancien président de l’Association pour l’aménagement de la vallée du Lot, Christian Bernad a effectué sa carrière professionnelle dans l’Éducation nationale.

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