Goncourt des Lycéens: le Prix qui échappe à l'oeil des adultes fête ses 30 ans

  • Alice Zeniter (au centre) s'était déjà vu attribuer le 30e prix Goncourt des Lycéens le 16 novembre 2017 à Paris pour "L'Art de perdre"
    Alice Zeniter (au centre) s'était déjà vu attribuer le 30e prix Goncourt des Lycéens le 16 novembre 2017 à Paris pour "L'Art de perdre" Lionel BONAVENTURE / AFP
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Relaxnews

(AFP) - "Elle avait des livres, j'avais des élèves"... Né en 1988 à Rennes d'une rencontre entre Bernard Le Doze, professeur de français, et Brigitte Stephan, de la Fnac, le Goncourt des Lycéens, qui sera décerné jeudi, a embarqué des générations d'adolescents dans le tourbillon de la lecture.

Retraité depuis 10 ans, Bernard Le Doze n'est pas peu fier de sa progéniture, définitivement installée dans le paysage des Prix de la rentrée, avec en moyenne 443.100 exemplaires vendus entre 2012 et 2016, selon l'institut GfK. Soit davantage que le Goncourt lui-même.

"En 1988, nous étions dans une époque bouillonnante, Jack Lang était aux affaires, on invitait les professeurs à la réflexion pour inciter les élèves à lire alors qu'ils étaient déjà captés par les écrans de télévision", se rappelle l'ancien professeur.

Pourtant, les débuts n'ont pas suscité l'adhésion immédiate du ministère de l'Éducation. M. Le Doze parle d'une première édition "quasi clandestine" alors que le coup d'envoi du Prix est aujourd'hui publié au Bulletin officiel.

Si la création du Goncourt des Lycéens s'est faite sous l'œil bienveillant de l'Académie Goncourt, son succès n'en a pas moins agacé certains académiciens, les deux Prix étant proclamés le même jour. "Aujourd'hui, on nous a mis à distance et le Goncourt est annoncé une semaine avant. On leur raflait un peu la vedette", s'amuse l'ancien prof de collège.

Trente ans plus tard, les deux Prix cohabitent à merveille. "On pourrait croire que les académiciens sont des gens vieillissants, c'est donc une très bonne chose que les lycéens s'emparent du Goncourt", juge Pierre Assouline, membre de l'Académie depuis 2012.

Véritable marathon de lecture, il consiste à faire lire en deux mois à quelque 2.000 jurés lycéens allant de la seconde au BTS les 15 livres de la première sélection du Goncourt. Une aventure ponctuée de rencontres avec les auteurs.

- Avis "authentiquement lycéen" -
"Quand +Charlotte+ a été couronné, ce fut le plus beau moment de ma vie littéraire, la seule fois où j'ai eu les larmes aux yeux", confie à l'AFP David Foenkinos, lauréat 2014. "La jeune fille qui m'a remis le prix m'a dit +Maintenant, Charlotte fait partie de ma vie+. C'est cette beauté, cette pureté dans les échanges qui me vient en premier".

Un enthousiasme partagé par les élèves, telle Emmanuelle Paty. Aujourd'hui coordinatrice du Théâtre du Cercle à Rennes, elle raconte "faire encore chaque année la petite souris dans les couloirs le jour de la proclamation des résultats", 30 ans après avoir été jurée. "Cette expérience m'a profondément marquée et influencée. A l'époque, c'était la première fois que je rencontrais un auteur. On a réalisé ce qui nous arrivait quand on a vu le mur de journalistes en sortant du restaurant où se tenaient les délibérations", raconte-t-elle.

"Il y a une effervescence autour de ce Prix", reconnaît Muriel Chemouny, professeur d'une classe de seconde dans l'Essonne. "Il a créé un enthousiasme autour de la littérature, ce qui n'est pas le quotidien de toutes les classes", sourit-elle en ajoutant que sa classe n'était pas composée de "gentils petits élèves qui aiment lire".

"Le Prix a développé leur envie de lire, leur esprit critique. Les élèves ne lisent plus comme avant", observe Virginie Genet, professeur dans un lycée professionnel des Deux-Sèvres. "C'est formidable car ça montre que la littérature a sa place en lycée pro", renchérit sa collègue Soline Goguet, professeur documentaliste.

Le Goncourt est également l'occasion d'expériences originales: soirées de lecture collective et de débats avant de s'endormir à l'internat, sortie en roulotte pour "se plonger dans la lecture", "commandos littéraires" qui débarquent dans les classes en lisant...

"Toute la difficulté a été d'arriver à faire germer un avis authentiquement lycéen sur une littérature à propos de laquelle personne n'avait encore dit quoi que ce soit", se souvient Bernard Le Doze, qui ne se lasse pas de citer Edmonde Charles-Roux qui disait: "La plus belle réussite du Goncourt, c'est le Goncourt des lycéens."

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