Stéphane Mazars et les gilets jaunes : "J’en appelle au calme et à la raison de tous"

Abonnés
  • Le député Stéphane Mazars a répondu jeudi matin à l’invitation de la rédaction.
    Le député Stéphane Mazars a répondu jeudi matin à l’invitation de la rédaction. José A. Torres
Publié le
Centre Presse

Après trois semaines de mobilisation des gilets jaunes, le député La République en Marche de la première circonscription s’inquiète de la tournure que prennent les événements.

Abandon pur et simple de l’augmentation prévue en 2019 de la taxe carbone : mercredi soir, le Président de la République est allé plus loin que son Premier ministre. Quel discours veut porter désormais le député de la première circonscription, membre de la majorité à l’Assemblée nationale, et à ce titre régulièrement interpellé depuis le début du conflit ?

Les nouvelles décisions vont dans le sens des requêtes des gilets jaunes… Dont la mobilisation, pourtant, ne faiblit pas aujourd’hui. Qu’avez-vous à leur dire ?

On vous a entendus ! Et l’on a entendu les plus modestes, ceux que l’on retrouve en bon nombre dans les ronds-points. Cette écoute a abouti à ce que le gouvernement revienne sur cette surtaxe. Mercredi devant l’Assemblée, Édouard Philippe a été clair, il n’y aura pas d’inscription dans la loi de finances. Et Emmanuel Macron a eu une expression plus définitive encore. Les gilets jaunes peuvent être satisfaits. Les annonces sont faites, l’engagement est pris : cela doit être perçu comme un signe d’apaisement.

Et aussi comme une marche arrière du gouvernement, par trop tardive disent certains. Fallait-il attendre pour en arriver là ?

Oui, c’est une marche arrière du gouvernement. Je n’ai pas de tabou avec ce terme-là. On apaise avec de telles décisions. Alors sont-elles trop tardives ? Mais quand on a des convictions, que l’on veut prendre le temps d’écouter les territoires, les députés, le temps de se concerter avec chacun, le temps de repenser l’organisation du budget et la mise en place de décisions alternatives, alors oui, cela prend du temps, car de telles décisions vont coûter deux milliards d’euros à l’état.

Que comprenez-vous quand les gilets jaunes veulent poursuivre encore leur mouvement ?

Quand on les écoute - je les ai reçus, je suis allé discuter deux heures avec eux au rond-point à Rodez et encore ce jeudi après-midi pendant 90 minutes devant l’Urssaf - on perçoit que leurs revendications sont très diverses et touchent aux institutions. Mais il y a un point commun, le pouvoir d’achat. C’était un axe fort de la campagne présidentielle, mais il a été remis à mal par ces décisions concernant la "fiscalité écologique". D’où la colère, l’occupation du terrain. Les gilets jaunes veulent dire qu’ils existent, qu’il faut les écouter. C’est ce que nous faisons là.

C’est pourquoi j’en appelle maintenant au calme et à la raison de tous, élus, gilets jaunes, corps intermédiaires, tout ce qui fait sens dans notre société. On en est à l’heure où chacun doit prendre ses responsabilités : est-ce que l’on est pour ou contre la démocratie et la République ? Ce qu’il faut savoir aujourd’hui, c’est si l’on respecte les valeurs de la République ou si on veut les faire tomber. J’appelle aussi ceux qui veulent continuer le mouvement au respect de l’ordre républicain. On ne pourra pas cautionner le saccage des bâtiments publics, ni que certains s’en prennent aux institutions, aux élus…

Vous avez été menacé ? En Aveyron pour autant, les gilets jaunes n’ont pas cédé à la violence…

Je n’ai pas été menacé directement. Mais des menaces pèsent sur certaines mairies, bâtisses symbolisant la démocratie que des violences pourraient atteindre dans les jours qui viennent. La Ronde de Noël de Rodez prévue ce dimanche a dû être annulée. Je n’y suis pour rien même si j’y participe tous les ans. Un climat de peur s’instaure, même dans notre département. Et pourtant, cela ne nous ressemble pas, nous les Aveyronnais. Et je salue à cet effet le sens des responsabilités de ceux qui ont manifesté pacifiquement samedi dernier. Mais que l’on ne bloque plus l’économie, les commerces, et que l’on ne s’attaque plus aux institutions.

Mais n’est-ce pas une certaine faillite des institutions qui nourrit le mouvement ?

La défiance à l’égard de la politique, en particulier, n’est pas nouvelle, les partis sont démonétisés, les corps intermédiaires n’ont pas fait remonter ces problèmes en temps réel… Le malaise des gilets jaunes était quelque chose d’assez latent, les problèmes de fins de mois ne datent pas d’aujourd’hui. Il y a un dépassement exprimé de façon factuelle par nos concitoyens.

Mais les gilets jaunes ne sont-ils pas, à leur façon, politisés ?

A mon avis, oui, les gilets jaunes composent trois catégories. D’abord ceux qui manifestent pour les problèmes de pouvoir d’achat. On leur dit aujourd’hui : "On arrête tout, on vous a entendus". Et puis ceux qui sont carrément politisés. J’ai reconnu sous les masques des militants du Rassemblement national et d’extrême gauche, qui ont trouvé une façon de faire de la politique autrement autour de partis qui veulent remettre en cause nos institutions. Et puis il y a ceux qui sont peu politisés, mais qui se radicalisent car ils sont très alimentés par les réseaux sociaux et leur cortège de "fake news".

Alors s’ils veulent faire de la politique, s’ils veulent s’emparer de l’appareil d’état, je leur dis : faites-le dans un cadre démocratique, constituez des listes aux élections. Si vous voulez une alternative, faites de la politique ! C’est ce que le mouvement En Marche ! a porté à la présidentielle. En 2017, tout volait en éclat avec beaucoup d’abstentions et un vote des extrêmes. Face à une grande crise institutionnelle, on a fait notre révolution à nous dans un cadre démocratique. Beaucoup de gens de la société civile ont été élus pour la première fois… Cette poussée de fièvre actuelle est le fait de beaucoup de gens qui aspirent à cela, à plus de démocratie. Mais nombre d’entre eux ne veulent pas voir, ne veulent plus croire, ne participent à rien…

Au-delà d’entendre les gilets jaunes, n’est-il pas urgent d’impliquer la population dans les décisions ?

La deuxième phase en effet, est celle de la concertation. On va lancer de grands états généraux dans les territoires, dans chaque circonscription, de manière décentralisée. Pour mettre tout le monde autour de la table de la réflexion. Pour une parfaite transparence dans l’expression des uns et des autres, il faut une forme à définir pour ce grand débat public qui doit être organisé par des tiers, neutres. Et cela ne se fera pas dans les préfectures.

 

A lire aussi : Gilets jaunes : l'appel du député Mazars

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?