Grand débat national : " Nos populations se sentent abandonnées "

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  • On connaît, depuis mardi, les modalités exactes du débat national qui vient, officiellement, de s’ouvrir. Ici, la mairie de Druelle.
    On connaît, depuis mardi, les modalités exactes du débat national qui vient, officiellement, de s’ouvrir. Ici, la mairie de Druelle. José A. Torres
Publié le
Joël Born et Christophe Cathala

Une cinquataine de maires aveyronnais, accompagnés des parlementaires et du président du conseil départemental, iront à la rencontre du Président de la République, ce vendredi 18 janvier, à Souillac. Qu’attendent-ils du Grand débat national qui s’ouvre. Quelles sont leurs attentes ? Nous avons interrogé plusieurs d’entre eux, dont le président de l’association départementale des maires de l’Aveyron, Jean-Louis Grimal.

 On connaît, depuis mardi, les modalités exactes du débat national qui vient, officiellement, de s’ouvrir. Une initiative inédite, selon les propres termes d’Emmanuel Macron, dans sa lettre adressée aux Français. « Une grande démocratie comme la France doit être en mesure d’écouter plus souvent la voix de ces citoyens», écrit notamment le Président de la République. Cette grande consultation nationale - une vingtaine de questions seront en discussions jusqu’au 15 mars -  parviendra-t-elle à calmer les plus récalcitrants et à apaiser le pays, qui s’est enfoncé dans une profonde crise sociale et politique depuis plus de deux mois ? « C’est, je crois, un grand pas en avant pour notre République que de consulter ainsi ses citoyens, insiste Emmanuel Macron.  C’est ainsi que j’entends transformer avec vous les colères en solutions. »

« Renouer le dialogue »

« Le gouvernement a le mérite d’essayer, commente le président de l’association départementale des maires de l’Aveyron (ADM12), Jean-Louis Grimal. On ne peut pas continuer longtemps comme cela. On ne peut pas continuer à avoir des manifestations et des violences tous les samedis. Tout le monde a son mot à dire. C’est une façon de renouer le dialogue avec l’ensemble des Français. Il faut essayer de rassembler les Français pour dialoguer.»
Avec près d’une cinquantaine d’autres maires aveyronnais, accompagnés des parlementaires et du président du conseil départemental, Jean-Louis Grimal sera de la délégation qui ira à la rencontre du Président de la République, ce vendredi 18 janvier, à Souillac.   Un bus partira de Rodez, en fin de matinée. Après un arrêt à Decazeville, les élus aveyronnais prendront la direction de la cité lotoise, où Emmanuel Macron s’exprimera devant plusieurs centaines d’élus d’Occitanie et de quelques départements limitrophes. Le chef de l’Etat sera notamment accompagné par le ministre des Collectivités territoriales, Sébastien Lecornu,  l’un des deux ministres chargés par le Premier ministre édouard Philippe de faire vivre le Grand débat national. «On ne sait pas trop comment cette journée va s’articuler, poursuit le porte-parole des maires aveyronnais, mais la lettre du Président, dont lesélus sont invités à prendre connaissance, constitue une rampe de lancement qui permet d’ouvrir le débat.»

Du pouvoir d’achat aux services publics de proximité

Pour Jean-Louis Grimal, l’amélioration du pouvoir d’achat doit constituer la principale priorité gouvernementale. «Il faut revaloriser certaines retraites et petits salaires, précise Jean-Louis Grimal. C’est, peut-être, le moment de revoir la fiscalité, en supprimant ou en baissant la TVA pour certains produits de première nécessité et en la maintenant pour les produits de luxe.»
Plus près des réalités départementales, le président d’ADM12 évoque, sans sourciller, les services publics de proximité. Ces services que plusieurs gouvernements successifs ont détricoté, depuis des années, au nom d’une certaine rentabilité centralisatrice... « On a supprimé des tribunaux, des trésoreries, des services hospitaliers.Dans des territoires ruraux comme les nôtres, il faut rétablir les services publics de proximité. Nos populations se sentent parfois abandonnées. Il faut de nouveau établir une proximité, sinon qui viendra s’installer en Aveyron ? Les jeunes ont plutôt tendance à s’installer dans les métropoles que dans nos campagnes.» Jean-Louis Grimal en est intimement convaincu. Et il n’est pas le seul à le penser.  « L’attractivité du département passera par une meilleure présence des services publics. Il ya beaucoup de choses à reconsidérer. Chaque fois que l’on doit entreprendre une démarche, on ne doit pas être obligés d’aller à la préfecture ou à la sous-préfecture.»

PIERRE PANTANELLA : « Une société plus égalitaire et plus démocratique »

Pierre Pantanella, maire de Saint-Rome-de Cernon.
Pierre Pantanella, maire de Saint-Rome-de Cernon. Repro CPA

Pierre Pantanella est maire de Saint-Rome-de-Cernon, commune de 895 habitants, du Sud-Aveyron, mais également président de l’association des maires ruraux de l’Aveyron :
« Pour moi, me rendre vendredi dans le Lot est un acte républicain ; et en tant que président des maires ruraux, c’est presque une obligation. Actuellement, une certaine population souffre alors qu’elle ne demande qu’à vivre. De l’autre côté, nous avons un gouvernement jusqu’à maintenant autiste. On nous annonce un débat national, je dis chiche ! Je trouve qu’il n’est pas très ambitieux mais il n’est pas fermé non plus et il faut donc jouer le jeu en remontant toutes les doléances. En tant que maires, nous sommes les premiers maillons qui font notre République…
Mais je suis interrogatif car, historiquement, quand on veut enterrer quelque chose, on crée un débat, des discussions… Si c’est ça après deux mois, cela va être catastrophique. Le Président est certes élu et donc légitime, mais n’oublions pas que les citoyens n’ont pas voté le projet Macron mais plutôt contre Fillon et Le Pen.
Pour les maires ruraux que nous sommes, nous subissons de plein fouet les aménagements des territoires. Prenons les services publics, il en existe beaucoup moins. Dans les zones rurales, les gens sont délaissés. Nous sommes ponctionnés continuellement car il faut prendre de plus en plus souvent la voiture alors que l’essence augmente et que la vitesse est limitée à 80 km/h. Les gens ont envie de participer car ils souhaitent une société plus égalitaire et plus démocratique. »

JACQUES BARBEZANGE :  « Rendre les services publics plus efficaces »

Jacques Barbezange est maire de Baraqueville, commune de 3 146 habitants, du Ségala :
« Je souhaitais me rendre à Souillac car c’est l’occasion d’entendre le Président de la République. Le pays est à un moment charnière avec tout ce qui se passe sur le plan social. On peut être d’accord ou pas avec la politique du gouvernement, il faut faire en sorte que les choses bougent, dans le bon sens du terme. Que ce soit bien entendu avec ma position de maire mais également de par ma profession (il travaille au Smica, NDLR), je suis au contact des collectivités. Effectivement, celles qui se trouvent en zones rurales ont tendance à souffrir un peu plus. Notamment car les services publics disparaissent petit à petit, même si c’est inéluctable du fait de la baisse de la population. Il faut certes les rationaliser, mais il faudrait surtout les rendre beaucoup plus efficaces. »

RENE PAGES : « Il y a une urgence… »

René Pagès est maire de Taussac, commune de 510 habitants, du Nord-Aveyron :
« On se doit de réagir compte tenu du contexte. Il est normal que les élus s’y rendent. J’attends que cela débouche sur des solutions qui puissent atténuer la situation. Il y a une urgence, il y a des problèmes posés qui se comprennent, et surtout, il faut mettre fin à ces actes de violence. C’est indispensable, on ne peut plus vivre comme cela. Il y a un cahier de doléances en mairie. J’envisage de tenir une réunion du conseil municipal spécifique. Les doléances restent limitées, demandant à reconsidérer le travail et à rechercher des économies en particulier au niveau des institutions comme les rémunérations des parlementaires. C’est un début, cela part de bonnes intentions. J’ai notamment apprécié les manifestations pacifiques des femmes. J’ai rappelé lors des vœux une phrase d’Antoine de Saint-Exupéry : “Être un homme, c’est être responsable”. Aujourd’hui, dans la rue, il y a des irresponsables qui ne regardent que leurs nombrils, il faut que cela cesse. »

FRANCIS CAYRON : « Depuis 2006, notre commune a perdu 40 000€ de DGF »

Francis Cayron, maire de Boisse-Penchot.
Francis Cayron, maire de Boisse-Penchot. Repro CPA

Francis Cayron est maire de Boisse-Penchot, petite commune du Bassin de Decazeville, située sur les rives du Lot, qui fut longtemps une cité industrielle, avec notamment un laminoir et une verrerie :
« Je voudrais, avant tout, savoir ce que le Président de la République compte faire de nos communes rurales, s’il veut les abandonner ou quoi? On dit bien assez que les maires ruraux sont importants mais les moyens que l’on nous donne vont à l’encontre de ce discours.
J’ai adressé une carte de visite à l’Élysée pour poser deux questions essentielles.
On nous rabâche que la DGF (NDLR : dotation globale de fonctionnement) ne baisse pas mais dans les faits, depuis 2006, notre commune a perdu 40 000 euros. Il faut que l’on m’explique. Boisse-Penchot était une commune riche, aujourd’hui, c’est une commune pauvre.
La deuxième question porte sur les dotations d’État pour financer les investissements. Pour percevoir la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), il faut déjà pouvoir investir. Cette dotation intervient à hauteur de 40 % maximum, généralement c’est plutôt 30 %, mais il faut pouvoir trouver les 60 % à 70 % restants. Dans les années cinquante, Boisse-Penchot avait près de 1 000 habitants, nous en avons aujourd’hui un peu moins de 600 mais il nous reste des infrastructures, comme les écoles. Essayons de les exploiter, plutôt que d’en construire de nouvelles dans d’autres communes. Ce serait un moyen d’économiser quelques fonds publics. »

JEAN-PAUL PEYRAC : « Pas persuadé que le débat réponde aux problèmes »

Jean-Paul Peyrac, maire de Palmas-d'Aveyron.
Jean-Paul Peyrac, maire de Palmas-d'Aveyron. Repro CPA

Jean-Paul Peyrac, maire de Palmas-d’Aveyron et président de la communauté de communes Des Causses à l’Aubrac, sera du voyage vendredi à Souillac.
« Ce déplacement répond pour moi à une certaine curiosité, celle d’écouter la parole présidentielle par rapport aux événements que l’on connaît depuis plus de deux mois. L’initiative n’est pas ininterressante d’autant que l’on s’achemine de plus en plus dans une impasse, le mouvement des Gilets jaunes semblant reprendre de la vigueur. J’attends donc une explication de la démarche présidentielle. Mais je ne suis pas persuadé que le débat réponde aux problèmes… Sur quoi porteront les questions ? Le cadre ne sera-t-il pas trop restrictif ? »
Justement, ce débat, comment l’imagine Jean-Paul Peyrac pour l’Aveyron ?
« Il est important de savoir quelles sont les mesures mises en place pour les départements ruraux, ce que le gouvernement envisage pour nos territoires, notamment en matière de mobilité mais aussi concernant les services publics de proximité. Au-delà des revendications portant sur le pouvoir d’achat, sur les aspects financiers. Je pense que nous aurons du monde qui va vouloir débattre, car il y a de nombreuses attentes en ce sens, et de la pédagogie à faire. Mais j’ai peur que face à ces demandes des concitoyens, les réponses ne soient pas au niveau des attentes, car il y a tellement de contraintes financières et d’équilibres à respecter… Les gens qui nous gouvernent sont issus du suffrage universel et, partant de là, on ne peut pas revoir tous les objectifs nationaux, remettre tout en question… »

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