Villefranche-de-Rouergue. Prévost, l’art sans filtre et à portée de main

  • « Je fais quelque chose qui me dépasse de manière heureuse. »
    « Je fais quelque chose qui me dépasse de manière heureuse. »
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GDM

Premier rendez-vous avec le plasticien Pierre Prévost dans le cadre de rencontres avec des personnalités fortes.

D’abord, il y a le nom du lieu-dit, "Léonard", qui claque sur le causse. Puis ce petit chemin de terre qui, l’hiver venu, ne sent guère la noisette. Tout au plus en y circulant ressent-on cette sensation furtive de l’été avec d’incroyables personnages faits de bric et de broc semblant saluer l’hypothétique passage des coureurs du Tour de France. Au bout de la voie, c’est le choc, jonglant avec l’incroyable. Une bâtisse tout de rouge vêtue, semblant s’évader d’un conte surréaliste. C’est autour d’elle, sur un espace de quelques hectares, que sévit Pierre Prévost. Soixante-huitard sur le retour, débarqué en Rouergue alors que les lendemains de mai chantaient et s’emballaient au plus près de la nature. Plasticien de la récup et faiseur d’univers surréalistes, l’artiste butine des parcelles qu’il entend partager. L’égoïsme ne colle pas aux basques du personnage. Pour preuve aussitôt qu’un enseignant lui demande d’ouvrir les portes de son "domaine", il ne se dérobe pas. De la théorie, toute relative s’entend, à la pratique, Prévost ouvre grand son cœur et ses ateliers à rallonges. Finalement, ses créations de personnages biscornus, nés de l’assemblage d’objets mis au rebut, lui ressemblent.

Lui n’aime pas le carré et le géométrique de l’architecte. Pas plus que le cordeau de l’artisan. Sa demeure, ayant pour point de départ une ancienne maison de vigne, n’a rien de pavillonnaire. Elle est le fruit de son imaginaire créatif et d’assemblages les plus hétéroclites qui soient. À la fois point central et point d’ancrage, on la croirait tout droit sortie d’une histoire de Lewis Caroll. Autour, ateliers, espaces d’expos et lieux de vie partagés avec les siens cohabitent. "Je dois éviter d’envahir", s’amuse le sculpteur. Car même s’il camoufle son "souk" (sic) d’objets chinés dans tous les vide-greniers du pays et chez un ferrailleur fournisseur attitré, celui-ci grignote du terrain… Tout en souriant, Prévost dégaine. Lui exècre ces vernissages tout en ronds de jambe pour ronds de cuir. Ne s’enfermant pas dans le "politiquement correct", il avoue ne pas aimer Soulages. "L’évènement de son musée, c’est le bâtiment…" On l’aura saisi, les conventions : très peu pour lui. " À force de normaliser l’art, on l’appauvrit, lâche-t-il, les artistes se pliant à ça se tirent une balle dans le pied, d’autant que l’art ne doit pas se vendre au mètre carré…"

Toujours en gamberge, entre créations à l’état brut - ne pas confondre avec l’art brut qui n’est pas non plus vraiment son truc - et les petits mots sur fond de courtes pensées dont ils raffolent. Pierre Prévost persiste dans la logique qu’il a faite sienne : "Le créateur doit insister, car l’école des beaux-arts s’arrête à la maternelle où il y a des dessins partout, les enfants mettent les pieds et les mains dans la peinture, s’en barbouillent les visages…" Créer oui, mais pas pour se limiter à se regarder le nombril. "La curiosité génère des rencontres, grâce à ça je mesure la chance que j’ai de faire ce métier." Lui ne se revendiquera jamais artiste maudit au spleen de façade : "Je fais quelque chose qui me dépasse de manière heureuse, j’essaye que ce soit sympa et pas morbide car je ne crois pas que plus une œuvre est chiante, plus elle est profonde et j’ai envie de me marrer…"

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