"Femmes de la terre" : un documentaire tourné exclusivement avec des agricultrices aveyronnaises

  • Un reportage à voir ce soir sur France 3 Occitanie.
    Un reportage à voir ce soir sur France 3 Occitanie. Repro CP
  • "Ce désir de devenir agricultrice".
    "Ce désir de devenir agricultrice". Repro CP
  • "Ce désir de devenir agricultrice".
    "Ce désir de devenir agricultrice". Repro CP
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Recueilli par Ph. R.

Rencontre avec Jean-Pierre Vedel, réalisateur de documentaires primé à maintes reprises. Ce lundi soir, sur France 3 Occitanie, sera diffusé son documentaire entièrement tourné en Aveyron.

Qu’est ce qui vous a amené à réaliser ce documentaire sur les agricultrices, entièrement tourné en Aveyron ?

Tout d’abord, documentariste c’est mon métier. J’ai la chance aujourd’hui de faire ce que j’aime en filmant des gens que j’aime. Mais avant de devenir documentariste, je suis passé par le… lycée agricole. Et, je vous le donne en mille, j’ai fait mes études à Saint-Affrique. J’étais plutôt un cancre et j’avais décidé de devenir agriculteur. Mais je n’avais pas de terre. Nous étions dans les années 70. Pendant deux ans, j’ai été engraisseur d’agneaux gris, à Broquiès exactement. Puis je suis allé à la fac, j’ai voulu reprendre les études.

Aujourd’hui, j’ai 63 ans, et j’ai de plus en plus envie de donner la parole à ceux qui sont dans la pliure de la carte. Ceux dont on ne parle jamais. Et pour moi, les agricultrices ont beaucoup compté, en Aveyron et dans la Creuse où j’ai grandi. Pour moi, c’est donner du sens à ce que je fais.

Mais je dois avouer que faire ce documentaire fut un chemin de croix car les producteurs n’ont pas trop envie de parler de ces ploucs. J’ai trouvé un producteur à Tours finalement. Puis il fallait trouver un diffuseur et les seuls capables d’emmagasiner cette mémoire agricole, c’est France 3.

On imagine que ce tournage vous a marqué…

Mon pilier à moi, c’est une femme formidable, exemplaire. Qui a beaucoup fait pour les agricultrices. C’est Marie-Thérèse Lacombe. J’ai un immense respect pour elle. Je l’admire. Son livre, "Pionnières", quand je l’ai lu, je me suis dit, il faut faire quelque chose. Et j’ai voulu savoir qui sont ces femmes, quel est leur désir de devenir agricultrice. Parler d’autre chose que de glyphosate ou de souffrance animale en évoquant l’agriculture.

L’humain d’abord…

C’est ce que j’aime dans le documentaire. Je suis ressorti de ce tournage complètement ébloui. Elles sont les héritières de Marie-Thérèse Lacombe. Au début du documentaire, il y a une gamine qui fait des études d’ingénieur agronome. Et on lui demande, mais pourquoi fais-tu ces études si tu veux devenir paysanne. Il y a un mépris de classe insupportable. D’ailleurs, on dit agricultrice depuis peu non ?

Le documentaire est accompagné d’une présentation dans laquelle il est dit que ces femmes-là cassent les codes, offrent un nouveau souffle…

Ah ça oui ! Par exemple, il y en a une qui produit du lait bio. Elle explique que le plus dur a été de convaincre son mari ! Quand une autre arrive sur une exploitation parce qu’elle est amoureuse du garçon qu’elle a rencontré, on lui dit qu’on lui trouvera une place dans l’exploitation. Mais elle, elle répond qu’elle veut être agricultrice, à parts égales avec son mari. Je ne veux pas épouser le fils de la ferme, mais mon mari dit-elle. Une autre explique que l’exploitation dans laquelle elle est arrivée faisait du veau, elle en a eu marre, elle a fait du canard pour développer plus de contact avec les autres.

Cela a été difficile de réaliser ce documentaire ?

L’approche a été difficile. Avec d’un côté la FNSEA qui voulait être sûre que l’on ne dise pas de mal et de l’autre la Confédération paysanne qui ne fait pas confiance aux journalistes. Il y avait du mépris d’un côté et de la crainte de l’autre. Mais une femme, comme Marie-Laure Rigal m’a beaucoup aidé. Et généralement, avec ces agricultrices, les échanges commençaient sur un coin de table, où je leur montrai ce que j’avais déjà réalisé comme documentaire, et cela se terminait par une grande confiance mutuelle. C’était vraiment super.

Vous connaissez donc bien ce milieu de l’agriculture, comment la voyez-vous évoluer ?

Je ne me fais pas trop de soucis. Je pense que les gens de mon âge sont ceux qui empêchent l’agriculture d’évoluer. Mai on ne va pas leur jeter la pierre. Moi, à l’école, on ne m’a pas appris l’écologie. Aujourd’hui, c’est différent. Les jeunes qui arrivent vont faire différemment. C’est une génération qui va changer les choses, et cela commence d’ailleurs à beaucoup changer.

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