Laguiole peut à nouveau vivre en son nom propre

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  • Une histoire vieille de 25 ans.
    Une histoire vieille de 25 ans. CPA
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Centre Presse

Mercredi matin, le maire de Laguiole Vincent Alazard n’a pas caché sa satisfaction de voir le nom de son village revenir à sa commune, après une affaire qui aura duré un quart de siècle. Entretien.  

Quel sentiment vous anime après cette décision rendant à la commune son nom ?

D’abord je suis content que l’on soit enfin reconnu dans ce combat juridique qui a été long et compliqué. C’est une très bonne nouvelle.

Lorsque vous avez plaidé pour "Laguiole", à la cour d’appel de Paris, aviez-vous senti que la décision pouvez vous être favorable ?

Le moment le plus important fut cette procédure à l’issue de laquelle la cour de cassation a reconnu notre position. Ce fut primordial pour nous. Cela nous donnait toutes les raisons d’espérer. Notre entêtement nous a donné raison. On peut reprendre notre nom et l’utiliser, c’est ce qui a été décidé avec la nullité des marques. C’est énorme pour toute la commune.

Craignez-vous que M. Sjazner ne fasse appel comme il en a la possibilité ?

Je ne sais pas s’il le fera. Il faut laisser faire les choses. Mais je suis serein. Ce qui me rassure c’est cette décision qui vient d’être rendue. Elle va nous permettre de relocaliser l’emploi et cela va dans le sens de ce que l’on veut pour le département et notre territoire. On va ramener de l’activité.

Cela fait 25 ans que ce combat est mené. Quel regard portez-vous sur toutes ces années ?

25 ans… Cela représente une génération. Une génération qui s’est battue pour ce nom. C’est le temps qu’il a fallu pour être reconnu dans notre combat. Il faut finalement une certaine capacité de résistance dans ce type de dossier et cela correspond bien au caractère de notre territoire… Ça me va bien ! (rires)

On imagine une certaine fierté… Notamment quand on voit la résonance médiatique de cette décision.

Cela réconforte l’homme et le garant des intérêts de la commune. Je suis là pour cela, pour défendre nos administrés. C’est un combat collectif que, finalement, j’ai eu la chance de pouvoir mener. Parce qu’il a fallu se battre sans relâche, et convaincre beaucoup de monde.

Vous allez fêter cela ?

Ce n’est pas dans notre caractère. Nous sommes plutôt des gens modestes. Ce que l’on retient c’est l’opportunité qui nous est désormais rendue. Dès aujourd’hui, on se met au travail pour concrétiser cette décision de justice qui nous rend notre nom.

 

Vingt marques "Laguiole" annulées par la justice

Laguiole a enfin récupéré son nom ! Le litige opposant le village de l’Aubrac à un entrepreneur originaire du Val-de-Marne, Gilbert Szajner, depuis plus d’une vingtaine d’années a tourné en faveur de la commune aveyronnaise, mardi soir. Un soulagement pour Vincent Alazard (voir ci-contre) et ses administrés.

En soirée, la cour d’appel de Paris, en charge de juger le dossier, a annulé le dépôt d’une vingtaine de marques sous l’appellation du village, réalisé par l’entrepreneur francilien. Des sociétés qui, en plus, de la traditionnelle coutellerie, proposaient du linge de maison, des engrais et même des barbecues sous la dénomination "Laguiole".

Le volet judiciaire de cet improbable imbroglio avait démarré neuf ans plus tôt, en 2010, date à laquelle le premier magistrat avait saisi le tribunal de grande instance de Paris en 2010. La juridiction avait débouté deux ans plus tard le village perché sur les hauteurs de l’Aubrac. Confirmé en appel en 2014, le jugement avait toutefois été cassé en 2016 par la Cour de cassation.

Vers un pourvoi en cassation ?

Se refusant à condamner le propriétaire des marques en question pour pratiques commerciales frauduleuses, la cour d’appel de Paris a toutefois reconnu l’existence d’une fraude. Conséquence immédiate pour l’entrepreneur, son fils et leur société, la nécessité de verser une somme "solidaire" de 50 000 € à la commune, au titre de préjudice moral. Rien n’indique, pour autant, que l’affaire ne se termine sur cette ultime décision, Gilbert Szajner, pouvant, s’il le souhaite, former un pourvoi en cassation.

 

Chronologie de l'affaire

  • 1993.  L’homme d’affaires Gilles Szajner décide de déposer le nom de Laguiole afin de pouvoir commercialiser cinq classes de produits, dont les « tranchants », en l’occurrence les célèbres couteaux.
  • 1997.  Le TGI de Paris donne raison à Laguiole et condamne pour contrefaçon Gilles Szajner, qui fait appel.
  • 1999.  La cour d’appel infirme cette décision et donne raison à Gilles Szajner, considérant que « laguiole » est devenu un terme générique pour un couteau de ce type de forme.
  • 2014.  En avril, la cour d’appel de Paris déboute la commune qui dénonce des « pratiques commerciales trompeuses » et demande la nullité des marques. La ville est condamnée à verser 52000 € de dommages et intérêts à Gilles Szajner.
  • 2016.  Mardi 4 octobre, la cour de cassation estime qu’il existe «un risque d’induire en erreur le consommateur en lui faisant croire que ces produits étaient originaires de ladite commune». L’instance reconnaît les pratiques commerciales trompeuses mais ne tranche pas sur la nullité des marques.
  • 2017.  Début avril, la justice européenne a définitivement annulé la marque «Laguiole» pour la vente de couteaux, déposée par Gilles Szajner, qui reste cependant autorisé à utiliser le nom de la commune aveyronnaise pour d’autres produits, une vingtaine en tout. Même année toutefois, la cour de cassation rend un jugement favorable à la commune de Laguiole.
  • 2019.  L’ultime étape judiciaire  au Tribunal de grande instance de Paris était le rendez-vous de la dernière chance pour la commune de Laguiole.
     
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