En Aveyron, la tradition du cochon a toujours du bon
Des petites mains de Cassou, sur la commune de Saint-Amans-des-Côts, nous narrent le rituel et les secrets de fabrication.
En pratique, une équipe de cinq à six personnes se rassemble pour la préparation qui doit s’effectuer dans la journée pour tout ce qui est " viande fraîche ".
Dans certaines régions, le cochon est tué la veille. Il faut trois hommes " robustes ", deux qui tiennent le cochon attaché et celui qui le tue, appelé le " saigneur " ou " sagnaire " en patois. C’est lui qui le découpera, le dépècera et tous couperont la viande en petits morceaux. Il y a au moins deux femmes pour traiter le " ventre " et faire les saucisses, saucissons, boudin et pâtés.
La maîtresse de maison prépare aussi le repas du midi qui se compose traditionnellement d’un potage aux vermicelles fait avec le bouillon recueilli lors de la cuisson de l’échine, d’une entrée ou d’une volaille, de l’échine fraîche, cuite comme un pot-au-feu, accompagnée de légumes avec moutarde et cornichons, salade verte, fromage, dessert (souvent une salade de fruits accompagnée d’un gâteau).
1.
Le cochon jeûne pendant 48 heures, avec un peu d’eau. Au petit matin du jour J, soit il est suspendu par les pattes arrière, soit ses pattes sont tenues à l’avant et à l’arrière, attaché par le groin et couché sur un banc en lattes de bois. Avec ses doigts, le "saigneur" cherche la carotide et plante son couteau.
2.
Aussitôt, les femmes présentent des assiettes creuses garnies de mie de pain, d’échalotes et de persil hachés pour recueillir le sang pour la sanguette, ou bien le sang est recueilli dans une bassine et brassé immédiatement pour le boudin.
3.
Les poils du cochon sont brûlés et grattés ainsi que les sabots qui seront ôtés. La peau rose et lisse apparaît. En même temps, le cochon est lavé et brossé à grande eau, puis il est posé sur le dos pattes en l’air, sur un support propre. Les deux pattes avant sont coupées en premier ainsi que la pointe des pattes arrière si on garde les jambons.
4.
Il est retourné sur le ventre et la tête est coupée. Le cochon est fendu sur toute sa longueur au milieu du dos.
5.
L’échine est détachée des côtes à la scie aidée d’une petite hache, puis coupée en morceaux. Le foie, le fiel, les rognons, la rate, le cœur, les poumons sont ôtés. Le ventre (intestins et estomac) est enlevé en un seul morceau et mis dans une bassine pour être nettoyé.
Le saigneur découpe l’animal en morceaux, en gardant entier les jambons arrière suivant le souhait du propriétaire du cochon. Les pièces principales sont les deux jambons (cuisse enlevée entière), les deux épaules (appelée aussi jambon de devant), le filet mignon, les côtes, la longe et la poitrine. Chaque pièce de viande est déposée dans une corbeille recouverte d’un grand linge propre.
6.
Sans plus attendre, les femmes nettoient le ventre. Avec un couteau pointu, les boyaux sont libérés de la graisse qui les emprisonne. Le but est d’avoir le boyau comme un grand ruban avec le minimum de graisse. La difficulté est de ne pas le percer durant cette opération. Ils sont coupés en longs morceaux et nettoyés à l’eau courante. On lave l’intérieur du boyau à plusieurs reprises, puis on le retourne, soit avec les doigts, soit à l’aide d’une baguette. Ils sont triés, les fins pour la saucisse, les gros pour les saucissons. Ils sont nettoyés à plusieurs reprises à l’eau tiède additionnée de vinaigre et de sel. On peut ajouter du jus de citron, du vert de poireau ou des feuilles de chou. Tous les petits boyaux sont dégraissés à l’aide de deux aiguilles à tricoter (dites aiguilles à chaussettes) attachées par une ficelle. Cette opération est archaïque et la difficulté est de bien nettoyer sans affaiblir le boyau et sans le déchirer.
L’eau doit être chaude, mais pas trop, pour ne pas fragiliser le boyau qui casserait au moment du remplissage.
7.
Pendant ce temps, la viande est triée, d’un côté les morceaux qui seront gardés entiers, de l’autre ceux destinés à être coupés pour la saucisse et le saucisson. On met de côté tous les os et les chutes de viande pour les pâtés. Sur une grande table, les coupeurs de viande s’affairent. Ils disposent chacun d’une petite planche en bois et d’un bon couteau bien affûté. Certains coupent avec deux couteaux. La viande pour la saucisse et le saucisson est la même et se coupe dans la matinée si le cochon a été tué tôt le matin.
8.
La viande est pesée, il est ajouté 23 à 25 g de sel et 1,5 à 3 g de poivre par kilo de viande.
Le poivre se met souvent "au nez". Certains ajoutent un peu d’alcool maison, d’ail ou de noix de muscade. Elle est brassée longuement pour être bien mélangée puis goûtée.
9.
La machine pour remplir les boyaux est fixée à une table, la bassine pleine de viande est approchée. Certains préparent de grosses boulettes. L’important est de ne pas laisser de poche d’air dans la viande. Là il faut être trois de préférence :
- Le premier met la viande dans la machine tout en tournant. Il ne doit pas aller trop vite, mais assez, il doit suivre le mouvement de celui qui tient le boyau.
- Le second tient le boyau et le façonne. Il doit s’assurer qu’il est bien rempli, assez tassé, sans poche d’air et en même temps, pas trop, sinon le boyau craque.
- Le troisième attache au début et à la fin de chaque saucisse et saucisson. Le nœud doit être assez serré pour qu’il ne se détache pas lorsque les saucissons seront suspendus. On fait un nœud en passant deux fois la ficelle, dit le nœud de Laguiole ou on recroise le nœud sur le saucisson, dit le nœud papillon. Ils seront attachés par ce côté-là sur une perche simple.
10.
Le boudin est préparé avec une partie de la gorge cuite et passée au hachoir, mélangée avec des oignons frits, un peu d’ail, de persil, un peu de lait ou de crème fraîche et le sang recueilli et caillé. On peut ajouter quelques feuilles de blettes ou d’épinards.
Cette préparation est mise dans des boyaux à saucisse à l’aide d’un entonnoir puis cuit dans l’eau frémissante sans laisser bouillir, durant une bonne demi-heure. Il faut le manipuler et le retourner délicatement tant qu’il n’est pas cuit car il casse facilement. Le boudin est cuit lorsque le sang ne s’écoule plus quand on le perce avec une aiguille.
11.
Les saucisses sont enroulées délicatement autour d’une " perche " double pour ne pas les casser. Chaque tour s’appelle " un pli " ou " un aller-retour ". Les perches sont suspendues au plafond près d’une cheminée pour quelques jours, puis elles seront déplacées dans un endroit plus frais, bien ventilé, jusqu’à ce qu’elles aient atteint leur état de maturité.
Les jambons seront enrobés d’un mélange de sel et poivre et gardés dans le saloir dans un endroit frais et ventilé. On compte deux jours par kilo de viande. Ensuite, ils sont mis dans un sac à jambon et suspendus dans l’âtre de la cheminée ou dans un endroit bien ventilé durant plusieurs mois, un an selon les anciens. Le lard gras est gardé au sel comme le jambon puis suspendu dans l’âtre. La ventrèche est un morceau moitié gras moitié maigre qui est salé, poivré, aillé, puis roulé et cousu. Comme le jambon, il ira au sel puis dans l’âtre. Le lard et la ventrèche seront consommables avant le jambon.
Le lendemain matin : Les pâtés
Le pâté de porc, la rillette, les fritons, grattons et autres… Certaines chutes de morceaux de viande ont été gardées pour les pâtés ainsi que le foie et les rognons. Le tout est haché et pesé.
On peut y ajouter des foies et cœurs de volailles. Cette préparation est assaisonnée avec 15 grammes de sel et 3 grammes de poivre par kilo. Certains ajoutent quelques champignons noirs séchés (trompettes-de-la-mort dit " la truffe du pauvre"), réhydratés dans de la "gnole maison" et hachés menu à la main. Le tout est mélangé, mis en bocaux ou en boîte sertie. Il faut prévoir 2 h 30 de stérilisation. Tous les restants, "très bas" morceaux et os, sont mis à fondre dans une grande marmite, salés et poivrés, à feu doux durant tout l’après-midi. Ensuite, ils sont égouttés, les os sont grattés de leur restant de viande et le tout est mélangé.
On les met en bocaux pour faire les grattons ou on passe cette viande au hachoir ce qui donne la rillette. Ils sont conditionnés en boîtes ou bocaux et stérilisés.
Les restants de boyaux serviront à faire les tripes, le groin du cochon, les pieds et les oreilles seront grattés et stérilisés.
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