La Ruthénoise Mégane Routaboul a choisi la Guyane pour enseigner

  • Morgane avec Nino : « Ici, le rythme de vie y est paisible, bien éloigné de l’effervescence parisienne.»
    Morgane avec Nino : « Ici, le rythme de vie y est paisible, bien éloigné de l’effervescence parisienne.» DR
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Centre Presse Aveyron

Avec son conjoint, elle a choisi la Guyane Française pour enseigner. Un choix "réfléchi" pour la Ruthénoise, loin du "confort"... et de la Métropole.

Professeur de technologie depuis 2009, après un DUT GMP-SA (Génie Mécanique et Productique – Sciences Aéronautiques), Mégane Routaboul n’avait jamais envisagé de quitter la France. Désormais domiciliée en Guyane française, la Ruthénoise, jeune maman d’un petit Nino, évoque ses conditions d’exercice dans un département où se rendre en classe relève déjà du parcours du combattant. Terre sacrée pour les uns, "enfer vert" pour les autres, rencontre avec Morgane, à quelques 7000 kilomètres de la Métropole.

Tu as exercé en région parisienne pendant 7 ans, à Chevilly-Larue (94), avant de tout quitter pour la Guyane. Pourquoi ce choix ?

Avec mon conjoint, professeur d’anglais, nous voulions changer d’académie pour la rentrée 2017, nous avions le choix Amiens, Mayotte et la Guyane. Nous sommes partis en vacances en Guyane pour découvrir ce département qui nous a tout de suite plu. Les paysages sont à couper le souffle ; la forêt à perte de vue, les plages magnifiques même si l’eau est marron, les criques très nombreuses et très agréables pour se baigner, pique-niquer et même y dormir, dans un carbet (cabane en bois plus ou moins aménagée), dans son hamac… Nous avons aussi été conquis par le rythme de vie, plus paisible, bien éloigné de l’effervescence parisienne.

... le tableau est idylique. En est-il de même des conditions d’exercice ?

Ayant tous les deux exercé en région parisienne dans des établissements REP (Réseau d’Education Prioritaire), où le public est réputé et parfois difficile, les collèges guyanais majoritairement REP+ ne constituaient pas un frein à notre venue.

Le pays vit une mondialisation accélérée. 109 nationalités ! 37% de la population est étrangère ! La Guyane, une pédagogie à part ?

Il est vrai que les nationalités sont nombreuses en Guyane et de ce fait les dispositifs pour l’accueil des élèves allophones sont plus nombreux même s’ils restent insuffisants. Nous sommes souvent face à des élèves qui intègrent des classes classiques (6e , 5e …) sans maîtriser le français. D’autres le parlent mais ne savent pas le lire… Notre travail consiste à essayer de les faire progresser en différenciant notre pédagogie même si l’ensemble de nos élèves seront confrontés aux mêmes échéances, comme le diplôme national du brevet pour les collégiens par exemple.

On évoque aussi souvent, la grande pauvreté, les problèmes d’insécurité, de violence, de corruption...

Etant nouveaux arrivants en Guyane, certaines réalités nous échappent. Mais nous ne pouvons que constater une différence certaine avec la métropole : insalubrité de certains quartiers, vétusté des locaux publics, défaillances du réseau électrique et téléphonique, état déplorable des routes, manque voire absence d’éclairage public. Mes élèves vivent pour certains dans des conditions très difficiles, pas d’électricité sans groupe électrogène, pas d’eau courante, des parents qui n’ont aucun moyen de transport… Certains vivent dans un village inaccessible en voiture, ils partent donc très tôt le matin (4 ou 5h) pour prendre la pirogue puis le car et attaquer les cours à 7h. Ils ne rentrent pas le midi s’ils ont cours l’après-midi et doivent attendre la sortie des lycéens (18h) pour reprendre le bus et la pirogue. Ils arrivent chez eux exténués et avec en tête plein d’autres choses que les devoirs. L’absentéisme de ces élèves est d’ailleurs très conséquent. Les apprentissages en pâtissent obligatoirement. Notre rôle consiste ici à faire en sorte qu’ils aient la volonté de venir à l’école. Nous devons d’abord leur donner l’envie d’apprendre.

Beaucoup constatent aussi la grande vétusté des locaux (écoles, collèges, lycées),l’absence de transports fiables et le manque important de moyens financiers pour, ne serait-ce, accueillir dignement les élèves. C’est une réalité ?

Le climat Guyanais, très chaud et très humide, ne favorise pas la durabilité des locaux. Les bâtiments comme le matériel s’abiment très vite. Beaucoup mériteraient d’être réhabilités mais chaque année les établissements doivent recevoir de plus en plus d’élèves, le taux de natalité étant très important. Presque la moitié de la population à moins de 25 ans. Il faudrait construire plus vite pour accueillir l’ensemble de ces jeunes dans de bonnes conditions. Mon collège, situé à Matoury (ville voisine de Cayenne), n’est desservi par aucun bus de ville, sachant qu’il y en a déjà très peu à Cayenne. Ils prennent des cars qui les déposent pour 7h et viennent les chercher à midi, si les élèves n’ont qu’une heure de cours durant la matinée, ils doivent rester au collège, en permanence, les quatre autres heures. Certains élèves ne viennent donc pas ces jours-là !

Dans ces conditions, peut-on parler d’une spécificité de l’école en Guyane ?

L’école en Guyane est la même qu’ailleurs mais nous nous retrouvons parfois confrontés à d’autres problématiques. La diversité des nationalités que nous avons déjà évoquée en est une (apprentissage de la langue) mais elle apporte aussi une richesse culturelle. En tant que professeur, je pense qu’il est important d’apprendre à connaitre nos élèves, leur famille, leur condition de vie, leurs coutumes et leurs traditions. Mais cela est vrai dans chacun des établissements où nous enseignons. Pas seulement en Guyane…

Si c’était à refaire...

J’aime enseigner en Guyane comme j’aimais enseigner dans l’académie de Créteil d’ailleurs. Mais il est vrai que je me suis retrouvée face à des élèves foncièrement gentils, polis et respectueux. Je n’ai pas rencontré de problèmes de discipline comme ça pouvait être parfois le cas en région parisienne… Mon expérience y fait certainement mais je crois sincèrement que les rapports élève/professeur sont plus simples.

A ceux qui souhaitent suivre ton exemple, quels conseils peux-tu leur donner.

Il faut se donner les moyens de vivre la vie que l’on souhaite mener. Professeur est un beau métier, ce n’est pas toujours facile mais quel bonheur de voir ces adolescents entrer en classe avec le sourire, de les voir progresser…

Tu es désormais mère. Envisages-tu de passer ta vie en Guyane ? De rentrer en métropole ? Peut-être même en Aveyron ?

Est-ce que j’envisage de passer ma vie en Guyane… oui, c’est une possibilité, mais nous aimerions beaucoup découvrir d’autres horizons. Nous avons la possibilité en tant que professeurs d’enseigner dans les TOM et dans des lycées français à l’étranger, alors pourquoi pas la Polynésie française ou bien un pays étranger. L’avenir nous le dira…Le retour en métropole par contre ne fait pas partie de nos projets actuellement… Nous y allons pour les vacances. Il est important pour nous de voir nos familles respectives et pour moi de respirer le bon air frais (voire très frais) de l’Aveyron !

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