Aveyron : un observatoire pour mieux scruter les saisons

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  • La nature doit s'adapter aux variations climatiques.
    La nature doit s'adapter aux variations climatiques. José A. Torres.
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Joel Born

Un inventaire participatif aide les chercheurs à mieux comprendre l’impact du réchauffement climatique sur les rythmes saisonniers, grâce à l’observation de la flore et de la faune locales.

Le climat était récemment au centre des préoccupations aveyronnaises. Avec la marche du siècle d’un côté, mais aussi avec une animation proposée par le CPIE (Centre permanent d’initiatives pour l’environnement) du Rouergue autour d’un inventaire participatif qui aide les chercheurs à mieux comprendre l’impact du réchauffement climatique sur les rythmes saisonniers, grâce à des observations régulières de la flore et de la faune locale. L’Observatoire des saisons est un programme scientifique national, initié depuis 2006 par le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), qui étudie le rythme de vie des plantes et des animaux en fonction des variations saisonnières du climat.

55 plantes, 18 animaux

Le CPIE du Rouergue est son relais départemental depuis 2012. Il a déjà formé près de 200 observateurs, comme ce samedi 16 mars, où une quinzaine de personnes, ont rejoint le café associatif des Costes-Rouges pour venir s’initier à ce protocole. Précis, ce dernier se veut à la portée du grand public afin de collecter un maximum de données et initier le citoyen à la démarche scientifique tout en y prenant part activement. Les personnes qui le souhaitent pourront alors devenir observateurs et ainsi communiquer leurs données sur la base du volontariat. Le CPIE organise, en principe, une formation chaque année. À la fin de l’hiver. Avant que la nature ne s’éveille.

Un observateur doit commencer par définir un lieu d’étude qu’il fréquente régulièrement. Il faut ensuite choisir dans une liste de 55 plantes et 18 animaux les espèces que l’on veut suivre : une seule peut suffire ! Parmi les plantes à observer, on retrouve des arbres traditionnels, des arbres fruitiers, des arbustes, des herbacées… Pour les animaux, il s’agit d’espèces en retour de migration ou en phase de réapparition printanière. Oiseaux, insectes, reptiles et amphibiens.

L’observateur bénévole choisit aussi les individus à observer (deux platanes et un chêne par exemple). À l’aide de fiches espèces, il va pouvoir identifier les stades d’évolution des arbres et des arbustes qu’il suit grâce à des photos. Pour les herbacées, seule la date d’apparition de la fleur est prise en compte. Concernant les espèces faunistiques, il s’agit de noter la date de leur première apparition. Dès qu’il observe ces stades d’avancement sur les sujets choisis, il note la date à laquelle il les a observés sur son formulaire ou directement en ligne sur le site national.

Près de 3 000 données

Depuis le lancement de l’ODS, près de 3 000 données ont été réunies en Aveyron. Les données aveyronnaises représentent 17 % des données nationales. Ainsi en 2018, 509 données ont été récoltées sur le département de l’Aveyron pour seulement 7 observateurs actifs ! C’est un record national sur l’année qui place notre département comme premier contributeur en 2018. En Aveyron, les espèces les plus regardées sont le chêne blanc, l’amandier, le prunier, le lilas et le cerisier. Le lilas est d’ailleurs l’espèce la plus suivie au niveau national depuis le début de l’Observatoire des saisons en 2006, avec 1 645 observations, talonné par le cerisier et le forsythia. Le papillon citron, l’hirondelle rustique et le coucou gris sont les animaux les plus observés. Après dix années de collecte de données, l’Observatoire a été rattrapé par le changement climatique. Des conditions météorologiques inhabituelles ont entraîné des évènements exceptionnels et il est désormais possible de faire part de ces observations un peu déroutantes, qui surgissent quand on ne s’y attend pas.

Régulièrement, les contributeurs reçoivent des nouvelles de l’Observatoire via des lettres d’infos mensuelles et surtout un dossier au printemps qui revient sur les faits marquants de la saison précédente, sur des analyses de résultats, des infos intéressantes à partager autour du changement climatique et des travaux de recherche associés. Cela permet de se familiariser avec la science complexe qu’est la phénologie (l’étude de l’apparition d’événements périodiques dans le monde vivant, déterminée par les variations saisonnières du climat) et fait un lien avec le "plaisir d’observer" d’un côté, tout en vulgarisant les données scientifiques, d’autre part. Le dernier atelier des Costes-Rouges a suscité beaucoup de questionnements, d’enthousiasme aussi. Bouleau, pin, platane, parterres de forsythia, ont été des exemples concrets trouvés à deux pas du café associatif, permettant de mettre en application les préconisations d’inventaire.

De nouvelles espèces ont été rajoutées, cette année, telles que le muguet ou le sureau noir. Il n’est pas nécessaire d’être un grand naturaliste pour participer. N’hésitez donc pas à venir augmenter le nombre de contributions en devenant, vous aussi, observateur des saisons.

Mésange dérangée, hêtre menacé

Si les données aveyronnaises ne permettent pas de faire de premières interprétations, en raison d’un recul insuffisant, les données compilées au niveau national depuis 2006 autorisent de premières observations sur l’impact des changements climatiques. Ainsi, la floraison du lilas, l’espèce la plus suivie, est plus précoce (d’une quinzaine de jours environ) et la fin de sa feuillaison, sa sénescence est, elle, retardée d’une quinzaine de jours également. « Certains événements printaniers sont plus précoces, alors que d’autres événements automnaux sont plus tardifs », résume Agnès Borrut, chargée d’études au CPIE du Rouergue. «Les oiseaux migrateurs arrivent plus tôt et certaines espèces d’oiseaux remontent. Ainsi, on voit plus fréquemment en Aveyron le guêpier, un oiseau plutôt méditerranéen. On a également observé que la vie de la mésange est dérangée. » Les mésanges charbonnières se nourrissent principalement de chenilles. Avec des hivers de plus en plus doux, ces larves prolifèrent plus tôt que d’habitude et dérèglent le rythme habituel des mésanges. «Dans des régions comme les nôtres, le hêtre pourrait être menacé», poursuitAgnès, avant d’inviter de nouveaux Aveyronnais à rejoindre les observateurs bénévoles.

Pour tout renseignement : 05 65 61 06 57 ou cpie-rouergue@wanadoo.fr. La formation des observateurs est organisée par le CPIE du Rouergue, dans le cadre du programme régional Biodiv d’Occ, coordonné par l’Union régionale des CPIE et Tela Botanica, avec le soutien de plusieurs partenaires financiers.
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