Toulouse, base arrière de la "French tech" aveyronnaise

Publié le
Aurélien Delbouis

Dans la galaxie des startups françaises, les représentants aveyronnais ne sont pas en reste. Soutien scolaire, e-commerce "communautaire", tchat… Nous avons rencontré trois belles réussites qui ont gagné la capitale régionale pour s’épanouir pleinement. Un choix de cœur et de raison pour ces jeunes pousses venues grossir la communauté des Aveyronnais de Toulouse, la deuxième en nombre après Paris.

Schoolmouv réinvente le soutien scolaire

Schoolmouv réinvente le soutien scolaire.
Schoolmouv réinvente le soutien scolaire. Repro CPA

Shannon Picardo est un homme pressé. En 2013, à peine le bac en poche, le Ruthénois à l’idée de proposer des cours en ligne. "Quand je passais mon bac, je n’avais pas forcément les moyens de payer un prof particulier, se souvient-il. En cherchant sur internet des cours pour m’aider dans mes révisions, je n’avais rien trouvé de probant" Son idée en tête, Shannon intègre la Toulouse Business School et dans la foulée, son incubateur : TBSeed. Après dix-huit mois de réflexion sur la réalisation des cours filmés et une levée de fonds – près de 180 000 € – il lance sa société. SchoolMouv était née. Fiches de révision, QCM, exercices d’application… Cette jeune start-up propose une plateforme de soutien scolaire en ligne offrant un millier de cours vidéo dans toutes les matières principales, de la sixième à la terminale. On retrouve aussi des modules de révision pour l’examen du brevet et du bac.

Mais pourquoi la vidéo ? "C’est le format le plus utilisé sur le web par les 11-18 ans, explique le jeune entrepreneur de 25 ans. Elle a aussi un impact direct sur la mémoire visuelle et auditive" fait valoir le Ruthénois.

Un parti pris qui séduit. Les utilisateurs – depuis son lancement, un million de personnes se sont inscrites sur le site – comme les investisseurs. En janvier 2019, SchooMouv a bouclé une levée de fonds de 2,5 millions d’euros. Une somme qui doit permettre à la plateforme, sa trentaine de collaborateurs et une centaine d’intervenants issus de l’Éducation nationale d’accompagner ses futurs développements. "Nous pouvons aujourd’hui financer des projets qui nous tiennent à cœur, dont la mise en place d’une pédagogie interactive. Nous souhaitons également rendre la plateforme plus ludique et miser sur la gamification. Et nous travaillons toujours sur l’accessibilité sur mobile. Tout cela demande un travail technique énorme", note Shannon Picardo. Efficace SchoolMouv ? "Complètement, assure le fondateur : "Les élèves gagnent en moyenne 2,6 points sur l’ensemble de leurs notes. Ce n’est pas rien".

Retour aux sources pour 123 Multimédia…

Retour aux sources pour 123 Multimédia…
Retour aux sources pour 123 Multimédia… Repro CPA

À ses grandes heures, 123 Multimédia employait 400 salariés à Toulouse et 1 500 dans le monde pour un chiffre d’affaires de 150 M€. Son credo, les applications minitel, le tchat, mais aussi et surtout la personnalisation des téléphones mobiles. Quand vous composiez un numéro surtaxé pour télécharger la dernière sonnerie à la mode, il y a fort à parier que votre requête tombait alors dans l’escarcelle de la société toulousaine. À cette époque, 123 Multimédia recevait 2 SMS de personnalisation par seconde… Cédée en 2004 à bon prix – autour de 400 M€ – aux Japonais d’Index Corp, 123 Multimédia fait dans le même temps une entrée fracassante en bourse avant d’imploser neuf ans plus tard. L’arrivée de la 3G en France et des smartphones dynamitant le modèle économique de l’éditeur.

Directeur général adjoint, l’Aveyronnais Philippe Pisani se souvient de cette période. Difficile. "Nous n’avions pas la même approche", dira laconique le quinquagénaire. En 2013, c’est le dépôt de bilan et la reprise de 123 Multimédia à la barre du Tribunal de commerce de Toulouse par… le même Philippe Pisani.

"Une sorte de pied de nez", savoure le Villefranchois arrivé en 1993 en tant que stagiaire développeur avant de gravir tous les échelons. Sa première mesure en tant que PDG, redonner son nom d’antan à la société toulousaine "comme une divorcée reprendrait son nom de jeune fille après un mariage difficile", se souvient le directeur. "J’étais de retour sur le lieu du crime, plaisante-t-il, avant tout grâce aux salariés qui ont cru en moi et mon projet". Avec une équipe restreinte, 123 Multimédia décide de renouer avec son positionnement historique autour du mobile et du communautaire. Lancé en 1999, Tchatche.com fait l’objet d’une sérieuse mise à niveau pour faire face aux 15 millions d’échanges quotidiens de l’application. Tel un phénix, 123 Multimédia était de retour aux affaires. Et avec lui son PDG qui voit dans ce parcours, l’expression même de l’essence aveyronnaise.

"Comme tout Aveyronnais, j’ai gardé ces traits de caractère qui font la richesse de ce département. L’opiniâtreté, l’humilité, le pragmatisme, la fidélité et un sens aiguisé de la valeur de l’argent. Quand tu travailles dans le digital, tu as tendance à perdre un peu le sens des réalités. Être né en Aveyron, loin de ce monde, où, faute de réseau, tu peines encore à passer un coup de téléphone de plus de 5 minutes, te fait redescendre sur terre". Un grand écart assumé qui lui permet avoue-t-il, "de se recentrer sur l’essentiel". "Petit développeur", tout frais moulu de l’IUT de Rodez, le CEO de 123 Multimédia savoure aujourd’hui le chemin parcouru. "Si on m’avait dit ça à cette époque j’aurais signé des deux mains. Croiser des Xavier Niels, des Elon Musk, des prix Nobel d’économie en étant parti de Villefranche, c’est juste incroyable".

Demooz change de braquet et part à l’assaut du marché Européen

Demooz change de braquet et part à l’assaut du marché Européen.
Demooz change de braquet et part à l’assaut du marché Européen. Repro CPA

Créée en 2013 par Geoffrey Vidal et son père Régis, deux Castonétois, la plateforme collaborative Demooz poursuit son voyage dans l’univers de la vente en ligne. Revendiquant aujourd’hui plus de 160 000 membres, la plateforme permet à quiconque d’essayer un produit, chez un particulier ou Demoozer, avant d’acheter. "Notre business model repose sur un partenariat avec des marques qui équipent gratuitement certains Demoozers afin qu’ils réalisent des démos", explique Geoffrey. Des marques comme Devialet, Dyson ou Sonos rémunèrent ainsi la société, soit en reversant une commission sur les ventes générées par les démonstrations à domicile, soit en payant pour que Demooz anime leurs communautés de prescripteurs. L’an dernier, Demooz a levé 800 000 euros auprès du fonds ZTP de la famille Mulliez (propriétaire d’Auchan) et de Side Capital. Avec la ferme volonté de développer la "solution Demooz" en Europe. Et franchir la barre des 500 000 euros de chiffre d’affaires enregistré en 2018. Dans cette optique, la start-up a décidé de passer la vitesse supérieure.

Depuis quelques semaines, elle propose d’offrir une réduction sur l’achat d’un produit à qui parviendra à convaincre un autre membre d’acheter le même équipement après démonstration. Pour chaque nouveau client, l’internaute "prescripteur" peut espérer faire baisser sa facture d’environ 10 %. Pour une dizaine de ventes générées, il peut même se voir offrir le produit en question. "Nous avons étudié de près les meilleures pratiques de ce que l’on appelle le marketing de réseau, qui a fait le succès d’entreprises comme Tupperware, ou Thermomix", résume Geoffrey. Actuellement hébergée chez At Home, une pépinière de start-up à Toulouse, Demooz vise désormais le marché européen. La société possède également ses quartiers à Paris, à la station F, le plus grand campus de startups au monde créé par le fondateur de Free, Xavier Niel. Un auguste pair dont le succès donne évidemment des idées à Geoffrey.

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