Rodez : il était une fois... la cathédrale Notre-Dame
Deuxième épisode de la série consacrée au plus célèbre des édifices ruthénois.
À la mort de l’évêque commanditaire, Raymond de Calmont-d’Olt, en 1298, l’essentiel du chœur est construit. On bâtit en englobant l’ancienne cathédrale, dans laquelle se tiennent encore les offices, tout en la démolissant au fur et à mesure de l’avancée du chantier. Le dessin du parti d’ensemble a parfois été attribué à Jean Deschamps. Formé à Paris dans les années 1230-1240, puis architecte des cathédrales de Clermont-Ferrand, Narbonne et Limoges, il incarne la notion même du gothique méridional : l’adoption et la transformation dans le Midi des formules du gothique rayonnant développées dans le domaine royal, en Ile-de-France, après leur apogée.
On retrouve ici à Rodez, cette même verticalité, avec une élévation à trois niveaux de la nef : les grandes arcades ouvrant sur les collatéraux, le triforium (galerie intérieure) puis les fenêtres hautes, mais la muralité importante rattache bien la cathédrale de Rodez aux constructions gothiques du Midi. Les réseaux de pierre des fenêtres dessinent de vastes baies dont seule la moitié est ouverte.
Une agitation permanente
Le plan du chevet est similaire à celui des cathédrales de Narbonne et de Toulouse : l’extrémité du chœur est entouré par un déambulatoire à cinq chapelles rayonnantes polygonales et les bas-côtés de la partie droite du chœur ouvrent sur trois chapelles plus petites. Malgré un parti d’ensemble unitaire, la lenteur des travaux se signale par des différences sensibles dans la mise en œuvre des chapelles, construites au gré des fondations et des sépultures par les évêques et les chanoines.
Il faut imaginer la cité en agitation permanente ; les riverains réveillés dès l’aube, à l’embauche des ouvriers, la mise en place des échafaudages, des engins de levage, trépieds, potences et grues, aux voyages incessants des lourds charrois de bœufs, aidés de leurs colliers d’épaules pour tracter des billes de bois et des pierres déjà dégrossies, depuis les carrières rougissantes de grès, de Combelles, Saint-Mayme, Saint-Félix, etc.
Le bois joue un rôle indispensable pour la construction : c’est la matière des grues, des échafaudages et des cintres. Pour hisser les pierres vers le ciel, à partir d’une grande hauteur, la grue en bois à roue d’écureuil est souvent requise, un type d’engin qui a fait son apparition à la fin du XIIIe siècle. Posées à même le sol ou sur une plate-forme, équipées de contrepoids, d’une double poulie, pivotantes ou non, ces grues peuvent être actionnées par un treuil, mais la roue d’écureuil offre plus de puissance. Une personne ou deux, suivant sa grandeur, entrant dans cette grande roue assure sa rotation en marchant à l’intérieur, entraînant un axe sur lequel s’enroule le cordage, supportant la charge. Ce dispositif est couplé à une potence qui sert de bras de levage.
« On a calculé, écrit l’historien des cathédrales, Alain Erlande-Bradenburg, qu’avec une roue d’un diamètre de deux mètres cinquante, un homme pouvait faire monter une charge de cinq cent cinquante à six cents kilos. Les techniciens du Moyen Âge se sont montrés inventifs, amplifiants de façon considérable le diamètre, jusqu’à atteindre huit mètres, doublant les roues, augmentant le nombre d’ouvriers. »
Un demi-siècle plus tard, vers 1330, les onze chapelles du chœur semblent construites.
Mais le chantier est bientôt ralenti par la guerre de Cent ans…
À suivre.
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