Rodez. Une vie en couleurs pour le Ruthénois Jérôme Maffre
Installé dans les locaux toulousains de La Mine, un atelier dédié à la bande dessinée, le Ruthénois poursuit son exploration du 9e art.
La vie est faite de rencontres. Si certaines laissent froid, d’autres changent une existence, irrémédiablement. Auteur de BD, option coloriste, Jérôme Maffre en a fait l’expérience. Dessinateur d’instinct, passé par le lycée de la Saint-Géraud à Aurillac, le Ruthénois a longtemps usé ses crayons, seul sur son canapé, avant de sortir de sa bulle. Ou d’y rentrer, c’est selon. C’était un soir de réveillon, en Belgique, le berceau de la bande dessinée. Il griffonne sur une nappe. Un auteur aperçoit son travail. Et l’invite à en faire son métier : premier moment décisif. Vingt jours plus tard, dans l’excitation du festival d’Angoulême, il se décide à partager ses planches avec plusieurs talents de l’événement. En imprimant son travail, il est interpellé par Wilfrid Lupano – Le Singe de Hartlepool ; Ma révérence ; Vieux Fourneaux ; Un océan d’amour – dont la qualité du travail commence à s’imposer dans le monde de la bande dessinée. Cette dernière rencontre aspire définitivement Jérôme dans le monde des bulles.
Fan de couleurs
"Je suivais une formation de design à Toulouse que j’avais interrompue pour les bancs de la fac du Mirail. Je savais que le design n’était pas pour moi, trop de travail de conception avant d’en venir au dessin qui reste ma véritable passion. À cette époque-là, je savais ce que je ne voulais pas mais j’étais incapable de discerner complètement ce qui me plaisait. Ces rencontres ont été décisives."
Aujourd’hui bien installé dans le petit monde du 9e art, il consacre l’exclusivité de son temps à la colorisation de bandes dessinées. "J’ai tout de suite accroché avec cette approche de la couleur. Faire passer des émotions, transporter le lecteur… L’époque du coloriage a vécu. Aujourd’hui la couleur à un impact essentiel sur l’histoire, la lecture" En 2007, il boucle le tome 1 de L’ivresse des fantômes. Pour ce premier projet, il collabore avec… Wilfrid Lupano pour créer un univers urbain, coloré et mouvementé dans cette série de science-fiction. Il travaille aussi avec Hugues Labiano sur la colorisation de Quatre coins du monde, un diptyque flamboyant qui revisite un épisode méconnu de l’histoire de France. Il intervient sur les tomes 7 et 8 de Black Op et le tome 3 de L’étoile du désert, un western qui se joue en territoire indien.
Cap décisif
Pour le Ruthénois de 37 ans, les projets s’enchaînent et avec eux les cadences de travail. En parallèle, il donne des cours à l’école Internationale du manga et de l’animation (Eima) de Toulouse. Exigeant, dur, fait d’espoirs et de déceptions, son métier est rendu de plus en plus délicat avec la dégradation des conditions d’exercice. Car si le marché du livre voit son chiffre d’affaires progresser d’année en année, la situation des auteurs,, se dégrade en même temps. Les Etats Généraux de la BD ont récemment démontré que 53 % des auteurs de ce secteur vivent sous le SMIC, dont 36 % sous le seuil de pauvreté. "Notre statut est particulier. Nous ne sommes pas salariés, ni intermittents, nous n’avons pas droit au chômage…", développe Jérôme qui ne compte pas pour autant s’arrêter en si bon chemin. "Quand tu démarres, tu es corvéable à merci, tant la précarité est prégnante. Avec le temps tu apprends à t’imposer". Avec sept albums au compteur, "le cap décisif à atteindre pour s’inscrire véritablement dans la durée", l’auteur installé à Toulouse à encore de belles pages à écrire… et à dessiner.
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